vité simplement par lettre à prendre connaissance d’une détention autorisée par M. le préfet de police.
L’une des plus belles prérogatives de la magistrature étant la protection des personnes et de la liberté individuelle, je viens réclamer sa sollicitude en faveur de mes infortunés cliens qui, le 24 juin dernier, viennent d’être embarqués de force sur le Chameau, pour être transportés, en état de déportation, au Sénégal, mesure qu’aucune loi même coloniale n’autorise envers ceux qui ne sont pas juges.
Mes cliens ayant touché la terre de France, ont droit de réclamer la protection de ses lois, et ils l’invoquent de vous.
M. le procureur du Roi de Rochefort, au lieu d’agir d’office, ou sur les réclamations verbales qui lui ont été adressées, a déjà à s’imputer d’avoir laissé partir le navire sans avoir constaté le fait de la détention, conformément à l’art. 119 du Code pénal.
Une réquisition écrite lui a été adressée le 3 de ce mois, quoiqu’elle ne fût pas absolument nécessaire, d’après l’opinion de M. le conseiller Carnot, sur l’art. 119 du Code pénal.
Aujourd’hui il répond par une lettre du 12, qu’il n’a plus à s’en occuper, parce que le navire est parti, et parce que d’ailleurs il s’agit d’une mesure de haute police prise administrativement, et par le gouvernement d’une colonie.
Le départ du navire ne peut pas être un obstacle aux poursuites, car le crime n’en est pas moins commis ; et pour qu’il ne soit pas consommé, c’est une raison de plus d’user de diligence. Il suffit que sa compétence soit établie et reconnue par lui-même.
D’un autre côté, si les trente-sept déportés ont été amenés en France par l’effet d’un ordre d’un gouverneur colonial, il est hors de doute que son effet a cessé du moment que ces déportés ont touché le sol français ; car l’ordre n’était que provisoire ; c’était un renvoi à la mère-patrie ; ils devaient donc être mis en liberté. Comment leur détention s’est-elle prolongée ? Par suite d’une erreur grave, et en vertu d’ordres d’autorités françaises de la métropole ; nous en avons la certitude.
Maintenant une cour de justice tolèrera-t-elle que des Français soient retenus prisonniers, et il y en a encore deux à Rochefort (les sieurs Regis et Cyr Latour), en vertu d’actes administratifs, et qu’on refuse de les renvoyer à leurs juges naturels ? je ne puis le croire. La magistrature a toujours été gardienne de la liberté des personnes ; et si quelques fonctionnaires inférieurs n’osent pas prendre sur eux de faire cesser cette illégalité, la cour de Poitiers aura le courage de l’accomplir ; elle rend la justice au nom du Roi ; et les administrateurs qui usurpent des fonctions qui ne leur appartiennent pas, sont