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d’Égisthe et de Clytemnestre (γ 306-10). Se serait-elle tuée elle-même ? Aurait-elle été massacrée par les Argiens ? Mais nous ne trouvons nulle part trace de traditions de ce genre. Il est bien plus probable, si elle est morte en même temps qu’Égisthe, qu’elle est morte aussi de la même façon, sous les coups d’Oreste. Il est vrai que le vers qui la nomme peut aisément être supprimé[1] ; mais est-il vraisemblable que, complice du meurtrier, Clytemnestre ne soit pas punie comme lui ? Un dernier trait semble bien indiquer le contraire. Oreste vient d’Athènes (γ 307) : ne doit-on pas penser qu’il y retourne aussi, le crime accompli ? Le meurtrier, poursuivi par ses remords, revient d’instinct aux lieux où s’est formée sa résolution ; ainsi, l’Oreste d’Eschyle vient de Delphes et retourne à Delphes. L’aède homérique connaît donc la légende d’Oreste jugé par les dieux sur l’Aréopage. Or, cette légende ne concerne pas le meurtrier d’Égisthe, mais celui de Clytemnestre. Dès lors notre poète n’ignore pas le parricide.

Les traits essentiels de la légende étaient donc déjà fixés à la date où fut rédigé le texte actuel de la Télémachie. Cette date sans doute ne saurait être qu’assez récente ; mais la légende est beaucoup plus ancienne[2] : elle a revêtu déjà des formes diverses, elle a été localisée dans des pays différents, elle a été le sujet de plus d’un poème. L’auteur de la Télémachie a fondu ces versions divergentes d’une manière qui ne nous permet plus aujourd’hui de dégager le fonds primitif en taillant brutalement dans le texte. Il y a eu là, comme dans le reste des poèmes homériques, non une simple série d’interpolations, mais un amalgame. Ce

  1. Les mots ν suffiraient au besoin à indiquer en l’honneur de qui est célébré le repas funèbre.
  2. Les traditions locales en sont peut-être aussi une preuve. On trouve la légende d’Oreste parricide attaché à un grand nombre de sanctuaires, en particulier dans le Péloponnèse. Je n’ose pas toutefois insister sur cet argument, car toutes ces traditions ont pu se rapporter primitivement à un parricide anonyme, qui n’aurait reçu que plus tard le nom d’Oreste sous l’influence de l’épopée.