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avec Mlle Tissot pour aller à la Citadelle.

Pendant que nous attendons, Mme des L. entame une conversation avec le Gal Lecomte ; il ne peut que confirmer les bonnes nouvelles.

Nous sommes reçues au fort par le lieutenant connaissant Mlle T.. Nous grimpons sur les immenses talus après avoir traversé une quantité de chemins souterrains. La vue est admirable sur Belfort et les Vosges. Nous allons ensuite voir les casemates installées tout récemment pour abriter le gouverneur et son état major pendant le fameux siège tant attendu ! Ce sont de vraies caves avec des murs de 3 m. d’épaisseur ; comme fenêtres d’étroites meurtrières laissant arriver à peine de jour et d’air. Quels tombeaux, et comme on aimerait mieux être tué en plein soleil. Il est vrai qu’ils n’ont pas le droit de se faire tuer. Du bureau du commandant, nous sortons sur le balcon et nous voyons le lion à vol d’oiseau. Quel colosse !

Au point de vue militaire, nous n’avons pas vu grand chose, les canons sont enterrés et invisibles, et l’on marche sans presque s’en douter, sur le toit des casemates. Ce lieutenant est fort aimable, et nous causons avec lui de bien intéressantes choses. Lui non plus ne croit pas au siège. Il faudrait 80 à 100 000 hommes pour investir Belfort et les Allemands ne peuvent plus le faire aujourd’hui avec quelque utilité pour eux ; on reprendra plutôt la marche en avant à travers l’Alsace quand le moment sera venu. Pour l’instant, le plus pressé est de « bouter les Allemands hors de France ». C’est l’affaire, paraît-il, d’une quinzaine de jours.