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sublime carrière, et combien vous en connoissez le prix ! C’est jusqu’à vous, législateurs, que les cris d’un million d’esclaves se font entendre. Nés français, mais dégradés encore par des lois avilissantes, ils s’adressent avec confiance à vous, pour vous faire connoître leur sort affreux et désespérant. Nous avons secoué, le joug sous lequel nous gémissons, dans l’espoir de nous délivrer d’une tyrannie atroce qui nous persécutoit, et qui nous persécute encore. Loin d’être protégé, par ceux mêmes qui ont désiré cette liberté, nous sommes poursuivis et sommés de rentrer sous le joug de nos tyrans. La mort, n’est-elle pas préférable, lorsqu’il faut choisir, entre elle et l’esclavage ?

La tyrannie, ne le voit-on pas, est un arbre dangereux dès sa naissance, qui, jeune encore, boit secrettement le sang qui l’arrose : bientôt il couvre tout ce qui l’environne d’une ombre superbe et funeste. La fleur, le fruit voisin tombent, privés des rayons bienfaisans du soleil qu’il intercepte : bientôt il force la terre à ne nourrir que lui, semblable à cet arbre venimeux dont les fruits doux sont un poison, qui change en eau corrosive les gouttes de pluie que ses feuilles distillent, et qui, au défaut des tourmens, procure au voyageur fatigué le sommeil et la mort. Cependant son tronc est noueux ; les principes de sa sève sont couvert d’un bois dur ; ses ra-