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disparus. Ils forment la plus riche des nomenclatures dont nous puissions disposer, et ont pour auteurs tous ceux qui ont habité successivement le pays où nous avons reçu le jour. Les éléments dont ils se composent sont aussi divers par leur origine que par leur signification. C’est principalement à eux qu’on peut appliquer cette expression : Monumentum ære perenniiis.

On ne s’occupe pas assez de les faire parler ; cherchons à en comprendre le sens, et la lumière se fera. Les étymologies sont un bref sommaire de la cause occasionnelle des noms. Cuvier a recomposé l’ancien monde au moyen des fossiles ; pourquoi un habile philologue n’arriverait-il pas à découvrir l’étymologie des mots ? « Il est moins téméraire », dit Génin[1], « d’interroger les mots, que d’interroger les pierres et la poussière ; si peu disposé qu’il soit à répondre, un mot sera toujours aussi capable de raconter son histoire, qu’un grain de sable la sienne ; or, les grains de sable ont parlé, les mots parleront à leur tour ; il n’est que de savoir s’y prendre. » Ils ont leurs lois, leur raison d’être, et ces produits immédiats de la pensée et de l’organisation humaines sont aussi intéressants à étudier que les minéraux ou les plantes. Ce sont des monuments historiques analogues aux ruines qui souvent excitent notre curiosité sans pouvoir la satisfaire.

Les anciens noms de lieu sont le résultat de la transformation du nom primitif. Les Grecs et les Romains reproduisaient les noms d’après le génie propre de leur langue ; souvent ils en modifiaient la forme ouïes traduisaient en tout ou en partie. Ce fait a lieu encore sur la limite de deux états, et beaucoup de localités ont un nom différent dans chacune des deux langues.

La plupart des noms de lieu de la France, dont l’étymologie est inconnue, sont d’origine celtique ; les Romains en ont altéré les radicaux. Cette transformation a progressé pendant la période d’ignorance qui a suivi l’invasion des Barbares. Les rares auteurs qui nous ont conservé ces noms habillés à la romaine, avaient un système graphique mal approprié à leur

  1. Génin, Des variations du langage français au treizième siècle.