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YOGA, YOGH18ME

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ment alors qu’on préparait la sess. iv, ils’en tient au texte grec, parce que la traduction latine de ce passage dans la Vulgate n’a jamais et é recommandée par l’usage constant et dogmatique de l’Eglise.

Encore une fois, la Vulgate n’est pas parfaite ; et l’Eglise elle-même nous a avertis de ses imperfections. En définitive, c’est peu de chose dans un gros

livre comme la Bible. Les inoertitudes qui en peuvent résulter n’ont rien de déconcertant pour un catholique. Plus haut que textes et versions, il y a pour lui la tradition vivante, qui parle distinctement par le magistère ecclésiastique.

Alfred Durand, S. I.


YOGA, YOGHISME. — Par ces mots on entend une discipline « théosophique » orientale, accréditée de nos jours par des esprits désemparés, et suivant laquelle l'àiue humaine aurait le pouvoir de se diviniser par recueillement, et d’accroître ainsi sa puissance, son rayonnement et son bonheur. Nous croyons avoir discerné nous-même ailleurs, en quelques lignes, le gouffre qui sépare le yoghisme de l’ascèse {Thèse cumpl. de doctorat es lettres, Paris, 1914, note 34). Mais plus spécieux en tant que contrefaçon de la mystique chrétienne, le yoghisme, à ce titre, mérite, en raison des illusions qu’il entretient, la réfutation qui doit en condamner le néant eudémonique, éthique et social.

Il est exact que le yoghisme propose à l'âme un idéal unitif ; son nom même signifierait union, union avec Dieu. Mais de quel Dieu s’agit-il ? D’un principe essentiel « caché en toutes choses et surtout dans l’homme… » (Frar.tz Hartmann, Philosophie yoga, 1920, pp. 23-25) ; d’un dieu indéfini plutôt qu’infini ; d’un devenir plutôt que d’un Etre ; d’un objet virtuel, et surtout illusoire, qui se déroule de lui-même au fond de nous, où il est inclus. Etre yoghi, c’est faire « un effort méthodique de perfectionnement pour la réalisation des pouvoirs latents de l’Etre humain » (Potbl, La divine réalisation ; Synthèse des Yogas, 1912, p. 8) ; pratiquer la yoga, c’est atteindre

« la manifestation de Dieu dans l’homme, la vie divine sur la terre » (/rf., p.325). Cetteambition absurde, 

à supposer qu’elle fût réalisable, correspondrait à un dédoublement de l’homme, nullement à une union. La doctrine chrétienne propose à notre amour ou oppose à notre impiété un Dieu toujours objectif e Iqui, lors même qu’il se communique à nous, reste évidemment distinct, comme sa grâce laisse notre nature intacte. Il est logique de parler d’union entre l’abîme de notre misère etl’infinide cette miséricorde ; niais il est contraire à l’esprit de la yoga de se représenter en dehors de nous un Dieu personnel, accessible, communicable, puisque les maîtres du yoghisme le déclarent « hors d’atteinte par qui que ce soit » (D. A. Courmks, Traité de Raja-Yoga, Public, théosophiques, ig13, p. 61). Christianisme et yoghisme sont donc inconciliables.

Des essais de conciliation, fondés sur une contrefaçon des dogmes ou une interprétaiion symbolique de leur contenu, ne rendent que plus suspecte, et plus vague, cette caricature impie du mysticisme chrétien. Confondre Dieu, la Nature et l’Homme, comme

« inséparables dans un seul Tout » (Hartmann, op.

cit.. p. 25), ce n’est pas copier, ce n’est même pas rappeler la Trinité divine. S’autoriser de cette confusion pour naturaliser « le Saint-Esprit au-dedans de nous », non pas comme un visiteur, mais comme la source de la Lumière, de « Jésus émanant dans l’Eterniléde Jéhovah », cen’estpasdiviniserl’homme, c’est réduire Dieu, c’est lui substituer notre humanité. C’est par une métaphore également grossière et à la condition de vider les mots de leur sens, qu’on se Halle de susciter la vie du Christ en nous (pp. 4 6), parce qu’on invite l’Esprit à triompher de l’ignorance, comme la Résurrection triomphe de la mort !

« Notre but », écrit Maurice Potkl (op. cit., pp. 3243a5), « est de montrer aux disciples de laYoga que…

l’Evangile du Christ leur offre le plus puissant exemple de la vie divine pleinement réalisée sur la terre, c’est-à-dire du but ultime de la yoga. » Le lecteur a bien lu : « exemple » impliquant une multiplicité d’incarnations, un Homme-Dieu tiré à d’innombrables exemplaires. Quant à ceux qui voudraient voir dans de tels textes une apologie du Christ, M. Saob (La Yoga ou le Chemin de l’Union divine, 1 g15, — p. 84) les détrompe : pour lui, l’auteur de l’Imitation, pour lui sainte Thérèse n’adorent ? qu’un Dieu impersonnel. Ils l’appellent Jésus ? Mais « il serait aussi inintelligent de les entendre au propre que de voir un homme joufflu dans le vent du Nord quand on l’appelle Borée ».

Ce panthéisme n’en prétend pas inoins annexer le mysticisme chrétien. « La Yoga peut être considérée comme l'élément providentiel où s’uniront, avec les études et les lenteurs nécessaires, l’ascétisme hindou, la mystique chrétienne, et le psychisme expérimental » (Jounbt, Avant-propos de la traduction du Traité de Yoga de Patandjali). Mais le but du yoghi n’est pas la contemplation ni l’amour ; c’est l’acquisition de la puissance humaine et du bonheur mondain, c’est une concupiscence tendue vers icibas : « Une initiation est un ensemble d’actes qui ont pour but et pour effet de mettre l’homme,.. en relations avec les forces électrotelluriques, et lui donner sur elles, mais sur elles seules, une certaine maîtrise ». (Sedih, Le Fakirisme hindou et les Yogas, Chacornac, 191 1, pp. ia-14). Il ne s’agit donc là que de biens terrestres, de ceux qui allèchent l’avarice, de ceux qui exaltent l’orgueil. On convoite, et pour soi seul, la connaissance de l’avenir, du passé, des prétendues existences antérieures (Patandjali, Traité de Yoga, éd. de 191 4. P- 9) ; on se promet toutes sortes de facultés miraculeuses ou magiques (id. p. 10 ; — cf. D. A. Couumbs, op. cit., p. 107) ; guérir d’un mot les malades, s'élever dans les airs, marcher sur l’eau ; mais rien de tout cela n’est pre’senté comme le don d’un Dieu extérieur, c’est le résultat prétendument constant d’unexereiceaccessible à chacun : « L’ascète peut atteindre l'état de méditation extatique par une profonde dévotion à ïawara… recueillir la pensée puis la tourner vers l’Absolu… La maîtrise de l’ascète s'étend sur l’atome et sur l’infini. » (Patandjali, pp. a3-40). Le moyen qu’on feint de divulguer n’est pas dccrit, il ne consiste que dans un motincompréhensible pourlesnon-initiés, et vraisemblablement synonyme d’attrape nigauds dans la bouche des autres : faire samyama ! Ex. : « On fait samyama sur ses yeux, et l’on se rend invisible, etc. » (Courmes, op. cit., pp. m3-134 et sq.)

« Quand l’homme s’est rendu maître » [des passions] « il s’aperçoit qu’il est devenu en même temps et

sans le chercher le maître de la Nature entière. En attendant, dès que son ascension a dépassé un cer-