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VULGATE LATINE ET S. JEROME

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été faits, loin de nous la prétention de déclarer sa version irréprochable. iViJ ab omni parte bealum. Ses plus décidés admirateurs en conviennent. On peut souscrire sans réserve au jugement du P. Cornely : Nævis suis S. lliaonymi versionem non careve fateamur oportet, nec eam omnibus numeris esse absolutam et perfectam ». Introd. gêner, in U. T. libros, n. 1 05.

4- Comment la version hiéronymienne est devenue notre Vulgate. — Malgré les quelques défauts qui la déparent, la nouvelle version fut favorablement accueillie dans tout le monde latin. Certes, comme Jérôme lui-même l’avait prévu, elle se heurta d’abord à l’opposition d’un grand nombre. Laissons de côté les adversaires qui en veulent à l’œuvre par antipathie contre l’auteur. C’est le cas de Ruûn et de toute la bande des incompétents, que Jérôme lui-même avait irrités par ses traits sarcastiques. Les seuls qui comptent ici sont ceux dont S. Augustin était le type honorable. L’évêque d’Hippone proclame la version du « prêtre Jérôme » docte, louable, utile même ; il s’en sert parfois dans ses écrits ; mais jamais il ne l’emploie pour la lecture publique. Episl., cuvm, ad Fortun., n. 13-i 4 > Epist., clxvii, n. 21 ; P. L., XXXIII, 628, 741. Son jugement délinitif se lit dans la Cité de Dieu, XVIII, xliii, n. 1 ; P. L., XLI, 603. Le passage a été écrit en 4aG, six ans après la mort de S. Jérôme et quatre avant celle de S. Augustin. « Les Eglises latines ont adopté la version des lxx, traduite en latin. Toutefois, de notre temps, il s’est trouvé un prêtre, le savant Jérôme, qui, très versé dans les trois langues, a traduit les Ecritures non du grec, mais de l’hébreu en latin. C’est là un docte travail. Mais, bien que les Juifs le reconnaissent fidèle (veracem), et qu’ils prétendent que les lxx se sont trompés en beaucoup d’endroits, néanmoins les Eglises du Christ accordent la préférence à l’œuvre de tant d’hommes choisis exprès par le grand prêtre Eléazar… » Suit l’éloge des Septante.

En dépit de l’opposition de S. Augustin, peut-être môme en partie à cause d’elle, la version nouvelle fut reçue avec faveur en Occident. C’est un fait remarquable que, dans les Gaules, tous ceux qui ne se mouvaient pas dans l’orbite augustinienne : Vincent de Lérins, Césaire d’Arles, Cassien, Sulpice Sévère, Eucher de Lyon, Grégoire de Tours, furent les premiers et les plus actifs propagateurs de la version hiéronymienne. Il est vrai qu’il faut en dire autant du grand auguslinien, Prosper d’Aquitaine. Nous avons déjà constaté (p. 11) que la seconde version du Psautier eut un tel succès dans notre pays qu’on l’appela le « psautier gallican ». A Rome, où Jérôme comptait tant d’amis, les choses n’allèrent pas si vile. La lenteur fait partie intégrante de la sagesse romaine. Un siècle et demi après la mort de l’auteur, l’unique version latine, faite immédiatement de l’hébreu, s’est encore si peu imposée à l’attention de ^ r ens d’Eglise, que le pape S. Léon le Grand(44<> 461) la cite plutôt comme un complément explicatif de l’ancienne traduction latine. Un siècle plus tard, S. Grégoire lb Grand (590-604) atteste que « le Siège apostolique se sert pareillement des deux versions ». Moral, in Job., epist. miss., 5 ; /’. L., LXXV, 516, A partir de ce moment, la substitution s’accélère. En 649, le concile de Latran cite d’après la version nouvelle. C’est l’époque où Isidorb de Sévillh (5^0-630) écrit : llieronymi edilione generaliter omnes ecclesiæ Uiquequaque utuntur, nro eo quod veracior ait in etntentiis el clarior in verbis ». De Officiis Ecclesiae, I, 1a ; /’. L., LXXXI1I, 7^8. Il parle surtout de ce qu’il a vu en Espagne. D’autre part, la

conquête en Angleterre est un fait accompli au vme siècle. Le Vénérable Bède (~ y’So) ne recourt que rarement à la version primitive (qu’il appelle VBterem t frisca.nC). C’està partir de cetteépoque qu’on commence à donner le nom de Vulgate à la version hiéronymienne, mais la dénomination ne lui sera exclusivement acquise qu’au xme siècle.

Hugues db S. Victor au XIIe s. (P. L., CLXXV, 17), et Rogrr Bacon au xin* (Opus Maius, p. 4<)), s’exprimèrent en de tels termes qu’avec leur seul témoignage on croirait qu’un acte décisif de l’autorité ecclésiastique est déjà intervenu en faveur de la nouvelle Vulgate ; mais il ne reste pas trace d’une pareille décision. Ils auront sans doute entendu parler de l’autorilé doctrinale conférée à cette version par le fait même de l’usage universel qu’on en faisait dans’les Eglises.

Quand la version de S. Jérôme devenait souveraine, elle avait déjà six siècles. Ce temps s’était passé en pérégrinations sur toutes les routes de l’Italie, de l’Afrique, de l’Espagne, des Gaules, de la Bretagne et de l’Irlande. En vieillissant, elle avait pris des rides ; en voyageant, elle s’était fait des blessures. Si déjà de son vivant l’auteur s’était plaint de ne plus s’y reconnaître lui-même, tant on avait altéré son texte, on peut croire que par la suite le mal était allé s’aggravant. La cause principale de ces altérations avait été la liberté que copistes et correcteurs avaient prise d’y introduire des fragments de l’ancienne version. Un curieux exemple se lit encore (même avec l’édition sixto-clémentine) dans II Rois, i, 18-19, 2U :

18 [Considéra, Israël, pro his qui morlui sunt super excelsa tua vulnerati].

19 Inclyti Israël super montes tuos vulnerati sunt. Quomodo ceciderunt fortes ?

a6 Doleo super te, [rater mi Jonatha, décore nimis et amabilis super amorem mulierum. [ Sicut mater uniciim amat filiumsuum, ita ego te diligebam. | Ce que nous avons enfermé entre crochets provient de l’ancienne version et fait double emploi avec celle de S. Jérôme. Hugubs de S. Victor, dit le « nouvel Augustin », avait raison d’écrire que tout est brouillé : aila tandem omnia confusa sunt, ut pæne nunc quid cuique tribuendum s’il ignoretur. » (P. A., CLXXV, 7). La confusion était arrivée au xnie siècle à un tel point que Roger Bacon s’en plaint en des ternies qui rappellent la formule de S. Jérôme lui-même au pape Damase : Tôt cremphiria quot codices ! De son côté, le docte franciscain écrit au pape Clément IV : « Clamo ad Deum et ad vos de ista corruptions Litterae. »

Cependant, la médication pour guérir la Vulgate n’a jamais cessé dans l’Eglise latine, du vie au xvie siècle. Elle commence par les tentatives de correction se rattachant aux grands noms de Cassiodore (-j-562) ; d’ALCuiN, qui aboutit à la Bible dite de Charlemagne, ou encore de Tours (73. r >-804) ; de Théodulpiik, évoque d’Orléans (f 821) de Lanfranc de Cantorbery (-j- 1089) ; d Etienne Harding, abbé de Citeaux (f 1 134). — A l’époque des Scolastiques, on lit des « Correctoiies ». Tous les grands corps enseignants (l’Université de Paris, les Dominicains, les Franciscains) eurent chacun le sien. Ils se valaient, étant aussi défectueux les uns (pue les autres. Plus satisfaisant était le correctoire dit Sorbonnien, parce qu’il appartient à la bibliothèque de la Sorbonne. Un peu plus lard, on en lit un à Rome (correct-n-ium Vaticanum), meilleur que tous les autres. Ce fut peut-être l’œuvre de celui que Roger Bacon, l. c, appelle « sopientissimus homo », en le désignant au pape comme l’homme I le plus capable de restaurer le texte latin de S. Je-