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VULGATE LATINE ET S. JEROME

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permet de relever des différences nombreuses, atteignant la teneur du texte ou son sens. On ramène ces divergences à six chefs principaux : omissions, additions, abréviations, développements, interversions, lecture différente d’un seul et même mot hébreu et conséquemment diversité de traduction. Les quatre premiers chefs tiennent vraisemblablement au dessein des traducteur », d’accommoder le texte original au génie du lecteur grec. (Cf. Præf. in Pentat., ad Desider) ; les interversions doivent être le fait des copistes ou de » scoliastes ; quand aux leçons diverses, elles ont été engendrées par l’imperfection de l’écriture hébraïque, surtout à 1 époque des caractères primitifs.

S. Jérôme a été mieux placé que personne pour mesurer toute l’étendue de ces divergences, et en diminuer le nombre parl’élimination de celles qui tenaient aune erreur de copiste. Ilavait à sa disposition les Hexaplet d’Origène, une œuvre de la première moitié du m" siècle. Cet ouvrage, le plus gigantesque de toute l’antiquité, devaitcompter environ io.ooo pages. Nous ne le connaissons aujourd’hui que par les citations des anciens (relativement peu nombreuses, cf. Fibld, Origenis Hexaplorum qnæ supersunt, Oxonii, 18671 8t5) et par deux fragments du texte, récemment découverts à Milan et au Caire. S. Jérôme est allé plus d’une fois à Césaréede Palestine pour consulter l’exemplaire original des Hexaples, qui était dans la bibliothèque decette ville. Apol. c. Itufin, 111, 12 ; f ».£., XXM, 465 ; DeViris ill., liv ; P. L., XXIII1, 665 ; Comment, in Psalm., édit. de D. MoaiN.dans Anecdota Maredsol., III, i, p. 5 (an. 18g5). Il pouvait lire sur six colonnes parallèles, et comme dans un tableau synoptique, le texte hébreu, sa transcription en c iractères grecs, la version grecque d’Aquila, celle de Symmaque, la recension faite par Origène(au moyen de l’édition courante des lxx, de l’hébreu et des autres versions grecques), enfin la version de Tbéodotion. Les livres poétiques, notamment Job et les Psaumes, étaient écrits sur huit colonnes et même davantage, selon qu’on ajoutait une cinquième, une sixième, ou une septième version grecque.

Dans les Hexaples, la colonne la plus importante était la cinquième, qui contenait les éléments de ce que nous appellerions de nos jours « une édition critique ». En réalité, on lui donne le nom d’édition hexaplaire, parce que le but d’Origène n’avait pas été d’établir un texte, mais de mettre sous les yeux du lecteur les nombreuses variantes présentées par les différents témoins de ce même texte. Tout ce que les Septante ont en plus du texte hébreu était marqué d’un obèle ou broche, tout ce que le texte hébreu a en plus des Septante était signalé par un astérisque. Le tout était encore surchargé de leçons prises des autres versions grecques, et notamment de Théodotion. Malheureusement, dans les nombreuses copies qu’on (il de l’édition hexaplaire, les signes diacritiques, portés par l’original, furent brouillés ou même complètement omis. Dans ces conditions, l’œuvre d’Origène devenait la pire corruption du texte des Septante. Or, ces transcriptions fautives s’étaient, avec le temps, tellement multipliées, qu’il y en avait dans toutes les Eglises. Même correctement reproduite, la recension hexaplaire pouvait facilement induire en erreur, et donner à croire qu’elle représentait le texte traditionnel des Septante (xoarh é/50t< ;). S. Jérôme en avertit ses amis d’Occident, y compris S. Augustin. Epist., cxii, n. 19 ; P.L, XXII, 938 ; cf. Auo., De Civit., XVIII, c. xlih PL, XLI, 1604. A ce propos, il leur apprend, s’ils l’ignorent, qu’il y a par le monde chrétien trois familles de manuscrits, ayant la prétention de porter le texte authentique des Septante ; elles se réclament

respectivement d’Hésyhius d’Alexandrie, de Pamphile de Césarée en Palestine, de Lucien d’Antioche, celle qu’on appelle ordinairement l’édition commune (xoivj] « as »  » ;). Ces recensions datent toutes de la lin du 1 1 ie siècle et du début du 1 v. La première fait autorité en Egypte, la seconde en Palestine et la troisième en Syrie, d’Antioche à Constantinople. Jérôme met ses lecteurs en garde contre lapremière et la troisième il garde son estime pour la seconde, parce qu’elle dérive d’Origène et que les copies qu’on en a prises ont été exécutées sous les yeux de Pamphile et d’Eusèbe, notamment les 50 exemplaires que lit faire l’empereur Constantin, pour être distribués aux églises de Constantinople. Sur toute cette question de la recension hexaplaire, il faut lire les récents travaux du P. Vaccari, S. I. Notamment Biblica, ’9 2 7 » P- 463-468, échange de vues avec le Docteur A. AUgeier. — De vir. ill., lxxxii ; P. L., XXIII, 690 ; Præf. in Paralip., P.L., XXVIII, 13a4 ; Epist., evi ad Sunniam et Fretel. ; P. L., XXII, 33^ ; Epist. Novum opus ad Damas., P.L., XXIX, 527 cf. ; Auo., De Civ. Dei, XVIII, xliii ; P. L., XLl, 603.

Les Septante jouissent aujourd’hui d’un regain de faveur. Témoin ce professeur allemand, qui disait naguère dans sa harangue inaugurale : « Messieurs les étudiants, vendez tout ce que vous possédez pour acheter une bonne édition des Septante. »

3. A plusieurs reprises, S. Jérôme cite, dans son Liber hebraicarum quæstionum, le Pentateuque samaritain. P. L., XXIII, 945, 947 Le P. Cornely, Introd. gêner, in. U. T. libros sacros, edit. ait. 1894, p. 266, 268, estimait que S. Jérôme, tout comme Origène, entendait parler du texte hébreu écrit en caractères samaritains et conservé à Sichem (JProl, galeat., P. L., XXVIII, 549). De son côté, Field, {Origenis Hexaplorum quæ supersunt, Proleg., p. lxxxiii), avait conjecturé que Jérôme citait d’après les Hexaples, où quarante six fois™ "Lxpy.pcnv.dv désigne une version araméenne du Pentateuque samaritain. Le récent éditeur de l’Introduction abrégée du P. Cornely (1927), le P. Aug. Merk, est d’avis que c d’après les fragments des Hexaples découverts récemment en Egypte, il est manifeste qu’il s’agit d’une version grecque du Pentateuque samaritain » (p. 147)- Qu’il s’agisse d’un usage médiat ou immédiat, il reste que S. Jérôme a utilisé le document samaritain.

Une appréciation plus exacte des sources auxquelles S. Jérôme a puisé, pour conduire à bien sa version de 1’A. T., se pourra faire à mesure que la critique textuelle nous donnera des éditions plus sûres. On ne doit pas oublier que le plus ancien témoignage direct du texte hébreu ne remonte pas au delà du ix* siècle de notre ère. C’est un manuscrit copié en 895 par Moïse ben Asher, et qui se voit aujourd’hui dans la synagogue karaïte du Caire. Encore ne contient-il que les Prophètes. Les autres manuscrits, plus jeunes, sont peu nombreux et insuffisamment étudiés. Pour toute la période antérieure, des origines à notre haut moyen âge, le texte hébreu n’a d’autre témoin que les traductions qu’on en a faites : la version de S. Jérôme (notre Vulgate) à la lin du iv’siècle, la version syriaque (celle qu’on appelle dès le ixe ou xe siècle Pesiltâ, simple, commune ) au n’siècle, les Septante aux temps qui ont précédé immédiatement l’ère chrétienne.

Il n’existe pas, pour le texte hébreu de l’A. T., d’édition critique proprement dite, à moins qu’on ne donne ce nom à celle qui a été publiée par David Ginsburo, en deux volumes, Londres, 1894 ; Vienne, 1906. — Ln version grecque des Septante a eu de nombreuses éditions, dont les meilleures sont : l’édition