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VŒUX

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absolument faux, libre : Quel plus bel exercice de sa maîtrise que de se lier de son plein gré ; ce n’est pas esclavage, mais marque de souveraineté. Partielle. On conçoit que la remise absolue desoi au prochain ne respecte pas suffisamment la dignité humaine, et c est au nom île ce principe que l’Eglise réprouve la suggestion immorale. Mais le religieux ne se remet à autrui que sur des points nets, fixés par son Institut, et même sur ces points, s’il est obligénioralement, il reste libre physiquement. D’ailleurs, est-ce que tout contrat ne comporte pas aliénation de la liberté, sur le point du moins qui fait l’objet de l’accord ? Pour une chose bonne. S’engager envers autrui pour un but mauvais, détrousser le prochain, ruiner l’Etat, etc…, est une œuvre immorale ; mais s’engager à une entreprise louable, enseigner la jeunesse, soigner les malades, où est le mal ? Moyennant une utilité proportionnée : par exemple, pour l’ouvrier, recevoir un salaire lui permettant de vivre ; ici, pouvoir suivre un bel idéal, vaquer à la prière, se dévouer à une grande œure, satisfaire la soif de se doiiner à Dieu.

Le Gouvernement s’appuyait, pour justifier la loi de 1901, sur 3 arguments :

i" Ce n’est que la réédition, non seulement des édits de la Convention, mais des règles d’Ancien Régime (édil de 17^9. interdisant à tous corps et communautés de s’établir, même dans un but religieux, sans lettres patentes du roi).

Rép. : a) Sous l’Ancien Régime, aucune association n’était libre : les congrégations étaient soumises au droit commun. Actuellement, toutes les associations sont libres : seules les congrégations sont mises hors du droit commun.

//) Sous l’Ancien Régime, le législateur demeurait sympathique aux idées religieuses : la loi n’avait aucun caractère hostile. Actuellement, la loi sur les congrégations est pure machine de guerre.

2 Par la mainmorte, les congrégations vont multiplier les bieiis improductifs.

Rép. : a) Ne sont pas seuls productifs les biens corporels. N’est-ce pas jeter dans le commerce de grandes richesses, que de semer les idées de chasteté, renoncement, pauvreté ?

b) Beaucoup de ces biens de mainmorte servaient à des établissements d’utilité générale (hôpitaux, écoles…) ; donc, large compensation.

c) Qu’est-ce que cette perle pour l’Etat, en face des sommes énormes qu’il prodigue à des fonctionnaires inutiles — tels, les instituteurs sans élèves, — et des sr.mmes énormes qu’immobilise la mainmorte financière ?

3° Les moines sont un danger pour la société.

Rép. : A cause de leur pauvreté ? — Comment cela ? Voir dans W. Jambk, L’expérience religieuse, trad. Abauzit, p. 3 16, l’avantage social de la pauvreté.

A cause de leur chasteté ! — C’est la débauche qui est un danger, non la continence. Loi de l’espèce, l’œuvre de chair n’est pas obligation individuelle. Et quelle plus belle invitation à savoir se modérer quelquefois, que l’exemple des continents perpétuels (voir article Vocation), « C’est la fonction ( r<>pre des hommes et des femmes qui ont prononcé le vœu de chasteté, que de rappeler à leurs frères en humanité cette nécessité de l’ascétisme et de la mortification, qu’il faudrait bien plutôt appeler vivificalion. » (P. Bureau : L’indiscipline des mœurs, p. 330).

A cause de leur obéissance ? En réalité, c’est de cela que les adversaires des religieux ont peur. Le re6te est prétexte Si chaque religieux s’est remis entièrement à ses supérieurs perinde ac cudaver, n’y a-t-il pas danger que les dils supérieurs n’uti lisent, pour des buts attentatoires à la sûreté de l’Elut, toutes ces volontés enchaînées ? — Ce raisonnement pèche par la base. Les ordres religieux ne sont en aucune, manière des groupements politiques. S’il sont amenés parfois à s’opposer uux gouvernements établis, ce n’est nullement pour changer le régime ou faire triompher une faction, c’est pour combattre, au nom de l’honneur ou du droit, l’oppression des consciences.

A cause de la perpétuité’ ! — Le fait de s’engager à poser une bonne action n’est pas mal. En quoi le fait de s’engager à toujours la poser, à ne jamais revenir en arrière, serait-il un mal ? Je prends un engagement de 5 ans pour être soldat, c’est bien. En quoi le fuit de m’engager à suivre toute ma vie cette belle carrière srait-il un mal ?

A cause de la vie en commun ! — Sile but poursuivi par ceux qui émettent les vœux était attentatoire au bien de l’Etat, ou une chose mauvaise en soi, oui, ce serait immoral ; niais se réunir sous un chef élu ou approuvé, pour soigner des malades, enseigner la doctrine chrétienne, en quoi serait-ce à proscrire ? Cela n’empêchait pas Ferdinand Buisson, rapporteur de la loi de 1904, de déclarer : « Vous demandez la liberté d’être moine. Individuellement, " vous l’avez. Collectivement, l’Etat doit vous la refuser. »

En bref, la loi de 1901 constitue pour le pays une honte et pour le code un texte sans valeur juridique véritable, parce que

a) au point de vue légal, elle est viciée dans sa forme même : le débat devant le Sénat a été éludé ; alors que, pour former une congrégation, il faut une loi, il suffit d’un décret pour la dissoudre, ce qui est antijuridique ; de plus, il n’a jamais été précisé clairement enquoiconsisle le délit decongrégation : Waldeck-Rousseau appelait congrégation « une association de personnes qui ont renoncé à des droits qui ne sont pas dans le commerce », définition qui fut écartée au moment de la discussion et jamais remplacée par une autre (Mestre : Du statut légal des religieux en France, dans Ta France et les religieux, 1926, pp. 99- loi) ; enfin, l’Etat, d’après la Constitution de 1791, ne reconnaissant pas les vœux, engagement d’ordre purement intime, comment peut-il poursuivre ceux qui les ont émis ?’(Ibid., p. 108) ;

b) elle consacre une injustice (voir Riquft : Sa Majesté la Loi, Spes, 1920). c La loi, dit Aristote, c’est la raison dégagée de toute passion ». Rien de semblable ici, au contraire ; et un maître du droit, d’ai Heurs non-croyant, Duguit, qualifie cette mise hors du droit commun parlestalut de 1901, de « rigoureux régime de police », de régime de suspects ;

c) elle est attentatoire au droit légitime de Dieu dans le monde et de l’Eglise de Dieu ; constitue donc un acte d’irréligion. Trmmllot, le rapporteur, s’en vantait avec candeur ; « L’idéal essentielle ment religieux, le caractère purement confessionnel des congTégationsneleur permettent pas deconcevoirlelien hors de l’Eglise… Il faut des sanctions efficaces pour résister à leurs envahissements, à leur puissance d’absorption des hommes > tdes fortunes, pour maintenir la suprématie de la société laïque ». — Par avance, Léon XIII avait répondu dans sa lettre au

(1) Autre ror.tradict’on analogue dans le Code français, A propos du mariage. L’Assemblée constituante, le 3 déc. 1791 décida que « la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil » ; c’est dire qu’on ignorera le mariage religieux. Or, pur une bizarrerie curieuse, le mariage religieux devient un délit, s’il est célébré avant le mariage ci il. Le Code pénal (art. 189 et 200) frappe d amende, prison (détention en cas de récidive), le prêti e contrevenant. Il faudrait s’entendre : ou connaître, 00 ignorer ; mais pas les deux à la fois.