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VŒUX

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pas pour premier objet d’affermir la volonté, mais de prouver plus d’amour ; là où on se donne possibilité de revenir en arrière, il n’y a pas perfection de la charité. Kt puis, n’est-il pas bonde se garantir soi-même contre les tentations, toujours possibles, d’instabilité. Les plus énergiques peuvent connaître de durs assauts. — Mais, reprend-on encore, et tous ceux qui, contraints, ayant perdu le feu sacré, en sont réduits à subir, comme un carcan, l'état < ù ils se sont imprudemment engagés ! — Nous répondons : Pour ceux qui vraiment, et de l’aveu de leurs supérieurs, ne peuvent plus « tenir », le Saint-Siège se réserve d’intervenir par de sages dispenses et l’octroi, dans les cas prévus et selon les dispositions du droit, de relèves ou de c dimissoires ».

II. Les thèses protestantes. — Les objections de Wiclbf et de Luther neseront pas à proprement parler une innovation, puisque déjà au 1111e siècle, Guillaumi ; dk St-A.mouh faisait le procès des vœux et de l'état religieux dans son De periculis novissimvrum iemptiium (édité à Constance, idii), contre les mendiants de l’Université de Paris. Les traités, cités plus haut, de S. Thomas, avaient pour but de le réfuter, lui surtout (Voir les Hegulac de Matthias db Janow et le volume de Max Bierbalm : Rettelorden und Weltgeistlichkeit an der Universitât, Paris, (1920), où l’on trouvera l’histoire de la querelle).

Le principal argument de YVielef (1324-J 38^) contre les mendiants était qu’il était indigne, sous le prétexte de pauvreté, de réunir lant d’argent pour tant de constructions et de dépenses contraires à l’Evangile (Spéculum Ecclesiæ militantis, cap. 19) : les « frères * abandonnent la liberté du Christ, leur nombre est trop grand, leurs maisons trop riches, leurs pratiqui s inutiles (cap. 25). Il déunissait le moine mendiant : pseudo-f rater degens in seculo est diabolus incarnatus cum adinventis suis signis sensibilibus, d> sponsatus ad seminanJum discordias in militante ecclesia, ex summa cautela Satanae machinatus.) Descriptio fratris, dans les Polemical Works, éd. Buddensig, Londres, 1883, t. II, p. / » o8). Un très grand nombre de ses œuvres polémiques sont dirigées contre les moines : De religionibtis vanis monachorum ; De perfectione statuum ; De rcligione privata ; le chap. iv du De quatuor sectis novellis porte : « Quarts autem secta (celles des frères) fundatur… super isto mendacio blasphemo quod Christus taliter mendicavit ; et cum utudmendacium sitquasi vitæorum, superaddunt aliud blasphemum mendacium quod religio et vita eorum sit perfectior quam religio apostolorum… »

De Wiclef à Luther (1483-1546) il n’y a pas loin : les vœux monastiques sont, pour ce dernier, contraires à la parole de Dieu, contraires à la foi, contraires à la liberté évangélique, contraires aux commandements de Dieu, contraires à la charité, contraires à la raison. Voici la marche des idées de Luther relativement aux vœux (pour un exposé copieux, voir : DBNiFLB, O. P., Luther vnd Lutherthuin, Mainz 190^, traduit par le chanoine Paquier : Luiher et Luthéranisme, l vol., surtout le r ; r ; ou le Luther du P. Hartmann Grisar, S. J.). — Dans les Dutala in Psalteriiim, l’un de ses premiers travaux, il fait, en iô13 (il a 30 ans), l'éloge de l’obéissance. L’année suivante : « Sans l’obéissance, tout est souillé ». Sur la pauvreté : « Je n’aurais pas pris un liard sans l’assentiment de mon prieur. » Vers 14'5, il recommande la vie religieuse. Dans son Commentaire de VE pitre aux Romains (1516) :

« Il est permis de se lier par vœu ». En 1 5 1 S 7 dans

/ i-s dix commandements : « C’est un sacrilège, chez les prêtres et les religieux, de violer le célibat. »

C’est vers 1 5 1 1) qu’il commence à s'élever contre a cette institution ecclésiastique du célibat », mais cependant approuve formellement le vœu de chasteté et préfère la virginité au mariage. En 15ao il n’ose pas encore condamner les vœux de religion et la chasteté, bien qu’il ait fait alors les pas décisifs. Ce n’est qu’en ifiai (il a 38 ans) qu’il écrit de la Warlbourg, 1" nov. : « Il y a une puissante conjuration entre Philippe (Mélanolithon, alors âgé de 24 ans) et moi, pour supplanter et annihiler le. ; vœux de religion. » Son De voti* mnnusticis judicium est de cette époque (lin 1521). Pour condamner plus facilement les vœux, il invente contre eux mille sophismes : — il imagine que ceux qui émettent des vœux le font par crainte : « II n’y en u pas une sur mille, parmi les sœurs, qui porte l’habit et exécute leur service divin sans le faire par crainte ». (Avril iÔ23, dans son livre : Preuve qut les vierges peuvent quitter leur monastère sans désobéir à Dieu) ; — les conseils évangéliques sont des conseils : en faire, par des vœux, des préceptes, c’est altérer l’Evangile ; — et surtout : l’impossible n’oblige pas, or la chasteté (car c’est elle surtout qu’il attaque) est impossible, il est donc immoral de l’exiger et de la laisser vouer. « Le vœu de chasteté est nul, écrit-il en iÔ25 ; c’est comme si tu voulais faire vœu de ne plus vouloir être homme ou femme. > Déjà dans un Sermon sur la vie conjugale : « De même qu’il n’est pas en mon pouvoir de n'être pas un homme, de même il n’est pas en mon pouvoir de rester sans femme. Et vice versa ». Encore : « Il n’est pas de vœu, pas de loi humaine qui puisse l’emporter sur la vive et naturelle inclination qui nous entraîne vers la femme. Que celui qui veut vivre seul se fasse rayer de la liste des hommes et nous prouve qu’il est un ange ou un pur esprit ; car, de faire ainsi, Dieu ne l’accordera jamais à un homme revêtu de chair et d’os. » « Quiconque ne contracte point mariage, ne peut manquer de tomber dans le désordre. » Argula de Grumbach, disciple zélée de Luther, écrit de son côté en 1523 :

« Prononcer le vœu de chasteté, c’est comme si l’on

faisait le vœu de toucher le ciel du doigt, ou bien de voler, cela n’est pas au pouvoir de l’homme. » — Une dernière objection, reprise par nombre de manuels protestants, voire par Haknack (Das Mônc/i/ « iii, Giessen, 1901, p. 6 : pour les catholiques, « le moine est le vrai et très parfait chrétien », et le monachisme est la vraie vie chrétienne), est ainsi formulée par Luther (1521) : « Un autre principe de leur periidie (des moines) est la distinction qu’ils font de la vie chrétienne en état de perfection et état d’imperfection. A la masse du peuple, ils donnent l'état d’imperfection et à eux-mêmes l'état de perfection. » Le réformateur oublie qu’il est demandé à chacun la charité ; à tous une mesure au moins suffisante ; à ceux qui sont épris d’un plus grand idéal, une mesure plus large. L'état religieux ne s’oppose pas à l'état commun ; il l’inclut en le dépassant, par l’addition des conseils, selon l’offre du Maître (Math., xix, 21). L’Eglise, en élevant, après N.-S. lui-même, et après saint Paul, la virginité audessus du mariage, n’a nullement fait de ce dernier quelque chose d'à peine toléré, et mis son seul idéal dans la continence. (Sur toutes ces positions de Luther, voir L. Cristiam ; Luther et le Luthéranisme^, la sixième étude, pp. 207-258.)

Le monde protestant actuel suit deux courants^ : certains gardent la pensée de Luther, mais beaucoup ne font aucune diiliculté d’admettre les vœux privés. L’anglicanii-me, au moins la high-church (ritualisrae), n’est point du tout opposé même aux vœux de religion et il a ses congrégations religieu