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VŒUX

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mettre en parallèle un religieux de seconde zone et un séculier enivré d’amour pur. La question, comme le fait bien remorquer Bklangbr (Etudes, t. LXXV11, p.^i : Pela valeur du voeu en général et des vaux de religion en partici lier), n’est pas de savoir si l’homme agissant par un motif de charité, mais sans les vœux, l’emporte sur un relighux mù par la crainte ou même par la vertu de religion. On cherche si, faisant tous deux une œuvre identique avec un égal amour, leurs mérites sont égaux ou inégaux. La doctrine générale de l’Eglise est formelle (voir I). T. C., art : Américanisme, § iv). Saint Thomas est là-dessus péremptoire ; voir parmi ses opuscules thcologiques, ceux qui sont intitulés : Contra impugnanles Dei cultum et religionem ; — Contra pestiferam doctrinam retraheutium homines a religionis ingressu ; et surtout ; De per/ectione vitæ spiritualis, notamment ch. xi-xiii. Au chapitre xn, après avoir rappelé les attaques de Vigilantius et de Jovinianus contre la virginité, saint Thomas continue : His autem antiquis insidiis diabolus non contentw, temporibus nostris quosdam dicitur incitasse, vi-tum obedienliæ ac alia vota communiter impugnantes, , dicendo laudabilius esse bona opéra virtutum facere sine voto vel obedientia, quasi ad liæc facienda homo per votum et vbedientiani constringatur. Après avoir réfuté l’objection que le vœu diminuerait la liberté et par suite le mérite des bonnes œuvres, il conclut : Patet igitur hujusmodi positionem repugnare ei quod communiter Ecclcsia tenet et sentit ; unde et tanquam hacretica reprobanda est. Dans la Somme (II a H æ, q. 88, art. 6) : Respondeo dicendum quod triplici ratione facere idem opus cum voto est melius et magit merilorium quant facere sine voto. A signaler également saint Bonavknturb -.Quae.stiones disputa tæ : l)e perfectione evangelica, surtout Quæst. iv, art. 3 : Ulrum sit consonum evangelicæ perfectioniquod unus se obslringat voto ad obediendum alteri (Ed. Quaracchi, t. V, pp. 183-189). " -foule œuvre bonne a une valeur propre. A cette valeur intrinsèque s’ajoute, quand cette œuvre est vouée, une valeur supplémentaire, surérogato’re. Le vœu, en effet, promesse faite à Dieu, est un acte de religion ; et cette vertu, la plus parfaite des vertus morales, communique à l'œuvre qu’elle inspire sa propre excellence… Si, à la place d’un acte transitoire et isolé, nous imaginons, comme dans la vie religieuse, des promesses qui saisissent dans son ensemble toute une existence et relèvent, pourainsidire.à la hauteurd’un culteperpétutl rendu à la divine Majesté, qui ne voit la valeur que prend cette existence ? » (J.Besson : f.es vœux de religion et la communauté libre, pp. 83-84 ; excellent article des Etudes, t. LXXVII, pp. 81-92). Suarbz traite le cas des communautés libres, De religione,. 1, c. xii, n. 1 1- 1 3 (éd. V : vès), t. XV, p. 09-60. Il affirme avec tous les scolastiques la supériorité de valeur et de mérite d’une action vouée (De voto, 1. i, cap. xvii, 3, 10. lb, t. XIV, 820-824). Tout ce qui peut à la rigueur s’accorder est ce que concède Mgr d’HcLST dans sa note 23, iv c Conférence ? 1893, pp. 2/18-249, en se ralliant d’ailleurs à l’opinion commune : en hypothèse, dit-il, et dans tel cas particulier, le vœu pourrait n'être qu’un aveu de débilité : <r c’est la béquille du boiteux, elle l’aide à marcher droit, mais en même temps témoigne de son infirmité » ; sans le vœu, il ne s’exécuterait pas. ♦ Celui qui serait assez fort pour fournir sans vœu une longue suite d’oeuvres parfaites, dépenserait probablement plus de générosité et d’amour que celui qui aurait cherche dans un engagement de conscience une sorte de nécessité de persévérer ». Mais immédiatement Mgr dllulst ajoute : « On peut

douter qu’un pareil cas se rencontre. » De fait, on ne voit pas, dans une vie, curieuse entre toutes sur le point présent, comment les multiples vœux du P. William Doj h ( Vie, par O’RAHiLLY.Lelhielleux, 1927) étaient pour lui cause d’un moindre amour et d’une moindre générosité.

<) Si le vœu affaiblissait l’amour, pourquoi l’Eglise latine le réclamerait-elle de ses prêtres, en leur demandant l’engagement perpétuel du célibat. Et puis, — argument dont il faut user avec discrétion mais qui a son prix — la proportion des saints authentiqués par l’Eglise est beaucoup plus grande parmi ceux qui ont fait des vœux. Sur 109 saints et bienheureux morts aux xvi', xvir’el xvni' siècles (avant du moins les canonisations récentes), 85 appartiennent à l'état religieux ; 9 à divers tiers-ordies ; 15 étaient séculiers ; encore parmi ces derniers rencontre-t-on S. François de Sales, S. Vincent dePaul, le Bienheureux Grignion de Montfoi t, fondateurs de congrégations à vœux, et, les deux derniers au moins, probablement liés eux-mêmes comme leurs disciples. Quanta la perpétuité, S. PierreClaver, par exemple, est-il moins saint pour avoir sanctionné son héroïsme par un engagement irrévocable :

« Pierre, esclavedes nègrespour toujours ! ?

d) Si le vœu introduit dans une sorted’immobililé, c’est une immobilité calquée en quelque manière sur l’immutabilité de Dieu. C’est le privilège de Dieu que ses actes, ou plutôt son acte unique, ne participe point du changement. Pour échapper, pro modulo, à la servitude du successif, la volonté cherche à s’immobiliser dans le bien, à se garantir contre la terrible inconstance, à se priver de la possibilité de n'être pas vertueuse. Et quand fatigue, ennui, distractions, inviteront au relâchement, que l’attention aux devoirs sera détendue, le vœu viendra stimuler et inspirer ces actions sans grande vie peut-être, et leur donner, parle bénéfice de l’engagementde jadis, un vrai mérite qui ne sera pas négligeable. Rien là d’ailleurs qui invite à l’inertie ; mais un enseignement qui rassure contre les envahissements de la routine et le refroidissement des premières ferveurs.

e) Si le vœu introduit dans nos vies de la nécessité, oe n’est point une nécessité qui alourdit, mais une nécessité qui dégage ; ce n’est point une nécessité qui diminue notre élan vital, mais qui l’exalte en nous acculant au parfait, en nous obligeant à monter, « Bienheureuse nécessité, s'écrie saii.t Augustin, qui nous force à être meilleurs. Félix est nécessitas quæ in meliora compellil » (F p., cxxvii, ad Armeutariam et Paulinam, n. 8). Excellentes explications dans saint Thomas : Contr. Gent., III, 138, et aussi II a II æ, q. 186, a. 6, ad I m : Ad perfectionem vitæ Pominus pertinere dixit quod aliquis cum sequalur non qual’tercumque sed ut ulterius rétro non abiret. l’nde et ipse dicit (lue., îx, 6a) :

« Nemo mille.ns manum suam ad aratrum, et respiciens rétro, aptus est regno Dei ».. liæc autem immobil’lus ieqvelæ Christi formatur per votum. Et ideo

votum requiritur ad perfectione m religionis. Sur l’excellence de cette iixation dans le bien, par le moyen du vœu, saint Thomas dit encore : De même que le péché d’obstination est le plus coupable de tous, de même l’action qui émane de la volonté stabilisée dans la résolution du bien, est le c< mble de la perfection : Per vi tain, immobilité/- voluntas fîrmatur in bitnum. Facere autem aliquid ex voluntate firmata in bonum, [ ertinet ad perfeitionem viitutis. Sicui eliam peccare mente obstinata aggravât peccatum et dicitur peccatum in Spiritum Sanctum (q. 88, a. 6). Si l’on insiste : « Une volonté ferme n’a pas besoin ch vu u », l’on peut répondre d’abord que le vœu n’a