Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/97

Cette page n’a pas encore été corrigée

181

PRÉCOLOMBIENS AMÉRICAINS)

182

les groupes des plaines plus ou moins circumpolaires, dos prairies, des selvas et des pampas, et les populations civilisées des Hauts-Plateaux du Mexique et îles Andes. C’est de ces sociétés beaucoup plus développées, mais aujourd’hui disparues depuis longtemps, et sans retour, qu’il faut maintenant esquisser la, ou plutôt les religions.

Entreprise diflieile, car on ne connaît pas directement ces religions. Pas de documentation écrite émanant des indigènes eux-mêmes ; tout a été détruit durant les guerres ou au lendemain de la conquête espagnole. Seule la documentation archéologique, très incomplète et parfois fort mal comprise à la suite d’hypothèses aventureuses, met en présence des œuvras mômes des peuples disparus. Quanta la documentation livresque dont on dispose, on ne doit l’utiliser qu’avec précaution. De qui émanet-elle, en effet ? soit des conquérants eux-mêmes, soit d’indigènes convertis au christianisme et amenés par suite à déformer, de la façon la plus inconsciente, la tradition qu’ils rapportent et qu’ils croient très exactement exposer. Grâce à ces documents écrits, grâce aussi aux documents archéologiques de toute nature qui en ont été rapprochés, on peut néanmoins se l’aire quelque idée des différentes religions des anciens peuples civilisés du Nouveau Monde et en dégager plus ou moins les grands traits. Voilà ce qu’il nous reste maintenant à essayer de montrer.

i. Lus Aztkquks. — Des peuples civilisés qui ont vécu sur les hauts-plateaux plus ou moins parsemés de lacs dont la géographie constate l’existence dans la partie ouest des régions intertropicales du Nouveau Monde, les plus septentrionaux ont occupé l’Anahuac ou plateau du Mexique. A la suite de migrations dont on ne saurait indiquer ici ni le point, de départ ni les vicissitudes les plus vraisemblables, les Nahuas sont arrivés aux alentours des lacs ou lagunes dont la plus importante est celle de Mexico ; ils y ont peut-être assis leur domination sur des populations indigènes primitives — les Otomis, — très différentes d’eux-mêmes et par l’aspect physique et par le langage et aussi (à les en croire, eux, les vainqueurs) par l’intelligence. Ils y ont ou ils y auraient fondé successivement plusieurs empires : celui des Toltèques, celui des Cliichimèques et enfin celui des Aztèques, le plus célèbre et le dernier, détruit par Fernan Gortez dans les circontances que chacun sait, entre 1 51 9 et 15ai.

Combien avancée était, au point de vue matériel, la civilisation des Mexicains, les récits du grand conquistador ou de son compagnon Bernai Diaz del Castillo, ou bien encore des moines espagnols Sahagun et Torquhmada ne sont pas les seuls qui l’attestent ; des témoins muets, et cependant très éloquents, des documents archéologiques de toutes sortes : temples, j palais, tombeaux, sculptures, etc., en fournissent : des preuves multiples. Citons aussi oes curieuses peintures hiéroglyphiques, dont la plupart ont 1 aujourd liai disparu, anéanties systématiquement 1 par les premiers missionnaires ou détruites par des causes accidentelles, et dont la clef est maintenant perdue. On publie en fac-similé les survivants de ces précieux endex, on les étudie avec soin et méthode ; on n’est cependant arrivé, très pénible- j ment, à en déchiffrer que quelques caractères. Que ne donnerait- on pas pour en savoir autant quel’his- J torien Fernando de Alva Ixtlilxociiitl, ce descen- j dant des rois de Texcoco, qui, à fin du xvi « siècle, arrivait encore (avec peine, il est vrai, et en s’aidant d’autres documents) à les comprendre et en a tiré On précieux ouvrage sur les Cliichimèques ! Mais les Américanistes n’en sont pas arrivés là, et force j leur est de n’utiliser encore que très incomplètement

les pictographies mexicaines publiées naguère par lord KiNGSBonouGii de façon très imparfaite dans ses Antiquilies of Mexico (Londres, 1 83 1, 5 vol. in-folio) et reproduites de nos jours aux frais du Duc de Loubat avec une minutieuse fidélité. On est en droit d’espérer que, grâce à un déchiffrement moins incomplet de ces Codex et à la publication des manuscrits encore à présent inédits, l’avenir fera progresser sur nombre de points notre connaissance de la religion aztèque ; quant aux grandes lignes, elles semblent dès maintenant fixées, et c’est de celles-ci seulement qu’il convient de s’occuper ici.

Des Aztèques agriculteurs et guerriers tout à la fois, lors de la ruine de leur empire, le nombre des divinités était très considérable. Leur coutume était en effet, après chacune desguerres dont ils sortaient victorieux, de ramener captifs dans leur capitale les dieux des peuples vaincus, et de les y enfermer dans des temples spéciaux. Ainsi, pensaient-ils, ces dieux devenaient incapables de protéger leurs anciens adorateurs ; ainsi, en fait, introduisaient-ils bien plutôt dans leur propre religion des cultes ou du moins certains rites nouveaux. Ainsi, d’autre part, accroissaient-ils et compliquaient-ils leur panthéon de la façon la plus considérable et comme à plaisir. Il y avait là un danger que les prêtres mexicains comprirent sans doute très vite ; leur peuple était vraiment organisé, hiérarchisé, encore qu’il le fût moins qu’on l’a cru pendant longtemps ; à l’instar de celui-ci, ils organisèrent, ils hiérarchisèrent fortement la foule de leurs dieux.

En tête venaient trois grandes divinités, qui toutes, au moment de l’arrivée des Espagnols, sinon bien auparavant, étaient très sanguinaires et exigeaient des sacrifices bumains. Huitzilopochtli (le Colibri du Sud), Tetzcallipoca (le miroir fumant) et Quetzalcoat (le serpent ailé), voilà les noms et aussi les symboles de ces divinités. Le premier était le dieu de la guerre ; il avait — à en croire des traditions de basse époque — conduit lui-même les Aztèques depuis Aztlan jusqu’à Mexico. Le second, au double aspect agricole et guerrier, symbolisait, dit-on, ce soleil d’été qui exerce une action féconde et destructrice à la fois, qui chauffe et qui dessèche la terre, qui fait lever et qui brûle les moissons. Le troisième enfin, Quetzalcoatl, était le dieu du vent et l’inventeur de tous les arts. Ce n’est pas seulement sous la forme d’un colibri, d’un miroir, d’un serpent ailé que les Aztèques représentaient ces trois grands (lieux ; ils leur donnaient aussi nombre d’autres attributs, voire même une figure humaine, et leurs temples en contenaient des statues en pierre, dont nous avons conservé d’assez nombreux, mais encore trop rares spécimens. Les pictograpbies dont il a été question plus haut nous en ont transmis par ailleurs des représentations très curieuses et très variées.

Au-dessous de ces trois dieux primordiaux, les Aztèques vénéraient une foule de dieux de la Nature ; Tlaloc, le dieu de la pluie, des montagnes et des mers ; Cihuateotl ou Cenleotl, la déesse de la terre ; et Tonatiuh, le soleil, et Meztli, la lune ; et Mictlantecuhtli et Mictlancihuall, les chefs du Mictlan, du monde infernal, en sont les principaux et les plus représentatifs à la fois. Puis, après ces divinités secondaires, c’en étaient d’autres moins importantes encore, dont celles-ci personnifiaient les produits de la terre, et surtout le maïs, qui constituait la base de l’alimentation des Aztèques, et celles-là les diverses périodes de la maturation des plantes, alors que telles autres étaient de véritables patrons pour certaines catégories de citoyens (les marchands, par exemple) ou présidaient à tels ou tels actes de la vie. Enfin venaient de nouvelles divinités, aux attribu-