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PRÉCOLOMBIENS (AMÉRICAINS)

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question. Que peut-on dire de leurs croyances religieuses ?


Fort peu de chose, malheureusement, du moins pour les Diaguites de l’Amérique du Sud. Ces Indiens vivaient au temps de la conquête espagnole dans cette partie de la région montagneuse du territoire argentin actuel qui s’étend de la vallée de Lerma jusque sur les cantons septentrionaux de la province de Mendoza. On sait qu’ils comptaient nombre de tribus, parmi lesquelles se trouvaitcelledesCalchaquis, sous le nom desquels on désigne souvent l’ensemble du peuple diaguite ; on sait aussi, grâce aux témoignages que constituent les ruines de leurs anciennes cités — telles Quilmés et Tastil, — quelles différences considérables existaient entre leur civilisation matérielle et celle des Indiens dont il a été question plus haut. Malheureusement, les pierres ne disent pas tout ; elles ne peuvent pas suppléer au mutisme des textes écrits, lorsque ceux-ci gardent le silence, et tel est le cas dans l’espèce. Les auteurs espagnols du xvii 8 siècle ne nous ont pas renseignés avec précision sur la religion des Diaguites. L’archéologie, ce précieux complément des documents écrits, ne saurait, à elle seule, combler cette lacune. Aussi, malgré tous les travaux des savants argentins et ceux d’Emc Buman, le spécialiste de la mission française Sénéchal de Lagrange, et de Crkqui-Montfort, — est-on réduit à une ignorance à peu près complète sur ce sujet. On sait simplement, par N. dkl Tkcho, que les Diaguites du Tucuman avaient pour dieu principal le soleil et qu’ils lui rendaient un culte, comme aussi au tonnerre, aux éclairs et à des arbres ornés de plumes. Leurs prêtres, qui habitaient des lieux secrets et qui s’entretenaient avec les esprits, offraient au soleil des sacrifices au milieu de fêtes orgiaques. Les sorciers étaient très redoutés, et c’est à leurs maléfices qu’on attribuait toujours le décès des vivants. Aucune notion de peines ni de récompenses dans l’au-delà, semble-t-il ; les inurts étaient convertis en étoiles, croyaient les Diaguites, et en étoiles d’autant plus brillantes que leur situation avait été plus haute ; quant aux cadavres, ils recevaient des modes de sépulture très variés, au témoignage de l’archéologie. Parmi les modes d’ensevelissement, il convient de faire une place à part aux urnes funéraires ; ce genre de sépulture paraît (on ne sait pourquoi ) avoir été usité surtout pour les enfants et être exclusif au pays diaguite ou calchaqui.

Très grande, on le voit, est notre ignorance des croyances religieuses des Diaguites ; si nous ne connaissons pas mieux(et peut-être même moins encore) par les textes, celles des Cliff-Dwellers ou constructeurs des « maisons des falaises » dn Sud-Ouest des Etats-Unis, nous avons par contre la bonne fortune de pouvoir lesétudier telles qu’elles subsistent encore aujourd’hui chez les Indiens Pueblos. On admet communément, en effet, que les Pueblos actuels sont les descendants des anciens Cliff-Dwellers. Aune époque antérieure à l’arrivée des Espagnols dans la contrée, ceux-ci ont commencé par creuser des habitations troglodytiques et par construire des « maisons des falaises » (ou cliff-dweUings) avant d’en arriver peu à peu à se grouper dans les grands villages ou pueblos d’où ils tirent leur nom actuel. La religion des Indiens contemporains du Sud-Ouest des Etats-Unis (Zufiis, Hopis, Tanos), tout empreinte d’archaïsme, toute pleine de rites traditionnels, doit donc

— estime-t-on — se rapprocher beaucoup de celle des Cliff-Dwellers ; en cherchant à la bien connaître, on a des chances sérieuses de ne pas étudier seulement relie des Indiens Pueblos actuels. Ainsi s’explique le soin avec lequel les spécialistes du Bureau ethnologique des Etats Unis assistent aux grandes

fêtes religieuses de telle ou telle tribu du groupe — fort peu homogène d’ailleurs au double point de vue ethnique et linguistique, — en décrivant et en photographiant ou cinématographiant les différents épisodes, en enregistrant les chants au phonographe, etc.

Les résultats obtenus ont été intéressants à plus d’un titre. On a constaté chez les Zufiis du Nouveau Mexique la croyance en un Dieu qui a créé toutes choses en se concevant lui-même hors de l’espace, An’ona Vilona, l’auteur et le père de tous. Chez les Comanches, que de Quatrefages classe parmi les représentants de la famille puébléenne, on garde aussi le souvenir du « Père ». D’après Tbn Katb, un de ces spécialistes dont il a été question tout à l’heure, c’est le Père que les femmes comanches soupçonnées d’infidélité conjugale invoquent en se déclarant innocentes ; c’est lui qui punit la parjure d’une mort terrible ou d’une affreuse maladie. Toutefois, chez ces excellents cultivateurs que, n’en déplaise à Chantbpir db la Saussavr (p. 2a de la trad. franc.), sont les Indiens Pueblos, la notion du « Père » est assez vague ; le soleil a pris dans bien des cas la place d’Au’ona Vilona et est devenu, lui dont la chaleur fait fructifier les plantes, le créateur de toutes choses ; et, à côté de lui, que d’autres divinités 1 La déesse de la sécheresse, la déesse araignée, le serpent à cornes, le tonnerre et les quatre coins du monde, entre autres. Naturellement, l’absence de la pluie est une des principales préoccupations de ces agriculteurs ; telles cérémonies compliquées naguère pratiquéesdans des souterrains, telles danseslongues et minutieusement réglées, aux figures multiples, sont destinés à appeler la venue d’ondées bienfaisantes sur leurs terres desséchées ; telle la danse du serpent chezles Hopis de l’Arizona. On trouve aussi chez ces Indiens la cérémonie de la course à pied et celle du feu nouveau.

Us ont des prêtres, et parfois même de véritables et nombreux groupes de prêtres, dont chacun possède son, ou ses rituels particuliers. Tel est le cas pour les Hopis, qui semblent à M. Clark Wisslkr les plus typiques des Indiens Pueblos (the Ho pi, ivho seem to lie typical) ; chez eux, tel groupe s’occupe des observations astronomiques et de l’établissement du calendrier, tel autre de la « Danse du serpent », etc. « L’aspect des nuages, la pluie, le piquage du maïs, bref tout le cycle de la vie quotidienne est accompagné de cérémonies rituelles, dont chaque groupe de prêtres accomplit les siennes propres au temps prescrit. » Cérémonies essentiellement magiques, bien entendu, mais où il est possible de constater la présence de bon nombre de connaissances pratiques (soin de la graine, époque et endroit où planter, etc.).

Notons encorequeles Indiens Pæblos(ou du moins les Comanches) croient à une autre vie, pour les animaux comme pour les hommes, et qu’ils se figurent le Paradis comme un lieu de réunion où ils passeront le temps à danser avec une foule de leurs contribules.

Il faut conclure. Rien, au total, dans les croyances des Indiens Pueblos, ne les distingue profondément de celles des autres Peaux-Rouges. Chez toutes les populations sauvages du Nouveau Monde, c’est, au fond, d’une même nature de croyances que l’on doit constater l’existence.

III. Les religions des Populations civilisées. — Sans prétendre instituer un véritable et étroit parallèle entre les deux continents américains du Nord et du Sud (ce serait bien peu scientilique), on peut dire que, au point de vue matériel à tout le moins, Cliff-Dwellers et Diaguites constituent la transition entre