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1899

VOCATION

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mettre ses mains à des plaies où il y a des vers.., il ôtera son chapeau, parce que devant de tels dévouements, on a beau faire l’homme fort et ne pas vouloir s’incliner, le cœur salue…, quand on en a un. » (db Concourt.)

d) Contre la vérité historique la plus évidente. — Ce n’est pas se diminuer que de vouer sa vie à la recherche de la vérité, comme saint Thomas d’Aquin ; — à la contemplation des perfections divines, comme sainte Thérèse ou saint Bernard ; — à l’apostolat militant, comme François-Xavier ou Pierre Claver.

Lady Baker, encore protestante, veut aller voir des Dominicaines pour avoir la vraie prononciation du latin. Son appréhension est grande. Elle donne à son cocher une lettre : Vous allez m’attendre un quart d’heure. Si vous ne me voyez pas reparaître, vous irez vite chez mon frère lui remettre ce billet :

« Je suis enfermée au couvent des Dominicaines et

ne peux en sortir. Venez à mon secours. « Charmée par les religieuses, elle leur raconte tout. « D’où m’était venue, confesse-t-elle, la pensée que des Anglaises de distinction devenaient perdues d’honneur par cela seul qu’elles se consacraient au service de Dieu et des pauvres ?… Il faut croire que les contes populaires, combinés avec de vieux préjugés, m’avaient enlevé tout bon sens. » (Vers la maison de l mière, 1912, p. 88-89).

En résume, non seulement la vie religieuse ne diminue pas la valeur humaine, mais « les cloîtres sont des ateliers de beauté morale, et c’est dans la vie religieuse que la beauté humaine trouve généralement son épanouissement total » (Ch. Boucaud, Esquisse de l’ordre universel, 1925, p. 106 ; et il renvoie à l’enquête sur la Jeunesse : Le Cloître, Revue hebdomadaire, i ! janvier 1914).

2e obj. : — C’est se rendre inutile pour la société.

Rép. (qui complète ce qui a été dit plus haut, à propos des reproches adressés à la virginité, d’être antisociale. — Voir également Cardinal Mbrcier : La Vie intérieure, pp. 185-186, sur la « mission sociale d’édification » des Instituts religieux ; et Louis dk Bonnikres : Des moines ! A quoi bon ? (éd. Spes), notamment p. 1 1 4 : Misanthropes ou serviteurs de l’humanité).

a) S’il s’agit des enseignants, des hospitaliers ou des « évangélisants », qui, sérieusement, prétendra qu’ils sont inutiles ? Au moment des expulsions de 1880, 53, t 7 « des enfants de France fréquentaient les écoles tenues par religieux et religieuses. Actuellement, les Sœurs de Saint- Vincent de Paul hospitalisent plus de 50.coo orphelins, et les Petites-Sœurs des Pauvres environ 40.ooo vieillards. Et que d’initiatives, à chaque instant, au gré des multiples besoins ! Le Gouvernement reconnaît parfois quelques-uns de ces services, quand ils revêtent à ses yeux des titres exceptionnels : légion d’honneur, par exemple à sœur Saint-Prosper, de l’hôpital Boucicaut, pour 30 ans de service à l’assistance publique ; à sœur Perpétue, de Saint-Lazare, pour 4 ? ans de soins dans les prisons. Pourquoi faut-il qu’à propos de ce dernier cas, l’ancien secrétaire d’Anatole France croie devoir écrire dans la Dépêche de Toulouse : a Je ne suis pas surpris qu’une femme se jette dans la dévotion. Certaines natures exaltées donnent à Jésus ce que le monde n’a pas su leur prendre. Je suis toutefois inquiet de voir certains dévots choisir des apostolats si peu évangéliques. Comment une religieuse, c’est-à-dire une fille qui renonce au monde pour ne penser qu’au ciel, élit-elle, comme vocation, la correction ? la prison ? Pour gagner le Paradis, elle se fait geôlière. Non seulement elle se mortifie, ce qui est son droit, mais

elle mortifie les autres. Je ne puis m empêcher de penser que si Marie-Magdala était prise dans une rafle, c’est à la Mère Perpétue qu’on confierait celle qui, dit-on, a édifié de son repentir les grottes provençales. »

b) Restent les contemplatifs. Il faut plus de foi pour en comprendre le rôle dans la société. Ce n’en est pas moins un rôle capital. Le monde oublie Dieu ; les contemplatifs réparent cet oubli. Le monde pèche ; les contemplatifs expient. N’est-ce point le plus indispensable des services publics ? (Belles pages.dans 11vysma.ws, Sainte LJdwine, p. ex. ioi-i 1 1. Voir aussi : La Vie contemplative, son rôle apostolique, par un Chartreux). « Il y a dans la vie des peuples des heures funestes tellement pleines de prévarications, de révoltes, de blasphèmes, d’attentats contre les choses saintes, que Dieu, pour venger sa gloire outragée, appelle à lui les fléaux… Qui donc aura l’audace de prévenir leur redoutable choc ? Voici venir, couverts de bures blanches ou sombres, ceux dont la vie se consume au pied des autels. Ils oseront parler à Dieu et lui dire : ’Pardonnez, Seigneur, pardonnez à votre peuple ! Souvenez-vous de la multitude de vos miséricordes. — Qui êtes-vous ? dit le Seigneur. Ne m’importunez pas ; laissez passer ma justice. — Seigneur, Seigneur, vous ne reconnaissez donc plus vos enfants ? Pendant qu’on blasphème votre nom, pendant qu’on vous oublie, nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous adorons, nous vous rendons grâces en tout temps et à toute heure. Et ainsi s’explique que la terre, abreuvée de tant de forfaitures, puisse vivre à l’abri des catastrophes… On considère dans le monde les ordres priants comme des légions d’oisifs : en réalité, ils sont occupés au plus noble travail qui se puisse concevoir… On se demande à quoi ils servent ; dans le fait, ils sont appliqués à la première et à la plus importante des œuvres de miséricorde : prier pour les malheureux qui ne veulent, ne savent ni ne peuvent prier. De l’avis de ceux qui sont habitués à mesurer l’élévation des étals et la portée des actes, les ordres priants sont donc une des plus grandes utilités sociales. » (Monsabré, La Prier ?, 6e édit).

V. Sacerdoce séculier et vœux religieux. — La question peut se poser à deux points de vue, selon qu’on cherche à comparer (donc en quelque manière à opposer) les deux étals de vie, et selon qu’on rêve de les combiner et de les unir.

i° Mise en parallèle du sacerdoce séculier et de la vie religieuse.

A) La question pratique. — Les prêtres manquent en grand nombre pour le ministère paroissial. Entre ces deux vocations, sacerdotale ou religieuse, que choisir ? Pour décider en faveur du sacerdoce, ne peut-on invoquer ceci : 1) Après tout, Notre Seigneur n’a institué qu’un ordre : l’Ordre sacerdotal. Les instituts religieux ne sont venus que bien après et n’ont qu’un fondateur humain. Le Cardinal Mannino, peu sympathique, comme l’on sait, aux instituts religieux, s’est fait le défenseur de cette thèse : a On dira : Regardez les prêtres séculiers ; où est leur perfection ? — Je réponds : Regardez les prêtres réguliers ; sont-ils parfaits ? Il peut y avoir moins de vase dans un canal que dans le fleuve de Saint-Laurent ; mais l’un est la création de Dieu, l’autre est l’œuvre de l’homme ». (Cité parTuuREAU-Danqin, La renaissance catholique en Angleterre au .Y/X’siècle, t. III, p. 300-301) ; 2) Qu’importe, en définitive, que tel institut s’éteigne faute de sujets ? L’important est qu’il y ait des prêtres, assez de prêtres pour le ministère.