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1879

TRINITÉ (LA SAINTE)

1880

pas d’autre distinction que celle que créent les relations d’origine : Grbg. Nyss., Quod non sint très d ; i(P. G., XLV, 133/ ;) ; cf. RÉGNON, I. p. 77 ; Basile, Ep., xxxviii, 4 (P. G., 32, 320, -33-2). C’est cet enseignement que recueillera saint Jean Damasc.kne, De fideorthod., 1, 10 (P. G., XCIV, 837). Même tradition dans l’Eglise latine : Hilar., De Triiut., VII, 3 1-3 2 (P. L, X, 226-227) : « Non habel igitur fides /iposlolica duos deos, quia nec duos patres habet, nec duos filios. Confitendo Patrem, confessa Filiurn est ; credens in Filiurn, credidit et in Patrem ; quia et nomen Patris habet in se Filii nomcn. Non enim niai per Filiurn Pater est ; et significatio Filii demonstratio Patris est ; quia non nisi ex Pâtre sit Filius. In unius itaque confessione non unus est ; dum et Patrem consummat Filius, et Filii ex Pâtre nalivitas est… Non sunt naturarum significationes in nalurae utiius proprietate ; nec duos deos Dei ex Deo v sritas per/icil, nec singularem Deum Dei patitur nativilas, nec non unum sunt qui invicem sunt. Invicem autem sunt, cum unus ex uno est. »

Saint Augustin s’est efforcé d'éclairer toute cette question en insistant davantage sur l'étude philosophique de la relation ; il l’a fait surtout dans le De Trinitate, V, 3, 4, V, 8, 9 (P. L., XLII, 913-917) ; cf. Epist., ccxxxviii, 2, 14 (P. L., XXXIII, 10, 43) ; De Civitate Dei, XI, 10, 1. (P. L., XLI, 325) ; in Joann., xxxix, f, (P. L., XXXV, 1 68, 1. 3) ; DeTrinit., VIII, proem., 1 (P. L., XLII, 946-947). Saiut Thomas a creusé encore plus profondément ce difficile problème : Summa I a, q. 28 ; in Sent ; I, dist. 26 ; (Juæst. disput. de pvtenl., quæst. vii, viii, ix ; Comp. theol., 52-54. Sa doctrine a été puissamment exposée par le Cardinal Billot, De Deo, p. 337338. On peut la résumer ainsi :

La relation, telle que nous pouvons l'étudier icibas, se dislingue des autres accidents ; la quantité, la qualité, et en un mot tous les autres accidents, déterminent la substance qu’ils affectent ; la relation, au contraire, ne modifie pas le sujet mais le rapporte à un autre terme ; il suit de là que, si on la considère formellement en tant que relation, elle ne constitue pas une réalité absolue.

Ces remarques aident à résoudre deux des difficultés les plus pressantes que soulève le dogme de la Trinité :

a) Le Père n’est pas le Fils, le Fils n’est pas le Père, et cependant il ne manque de ce chef aucune perfection ni à l’un ni à l’autre. Saint Thomas l’explique ainsi (De potenlia, 11, 5) : « Non sequitur quod, quamvis paternitatcm Filius non habet quam Pater habet, aliquid habeat Pater quod non habel Filius, nam ipsa relatio secuudum rationem sui generis, in quantum est relatio, non habet quod sit aliquid, sed solum quod sit ad aliquid. Quod sit aliquid secundum rem habet ex illa parte qua in est, vel ut idem secundum rem, ut in divinis, vel ut habens causam in subjecto, sicut in creaturis. Unde, cum id quod est nbsolutum communiter sit in Pâtre et in Filio, non distinguunlur secundum aliquid tantum ; unde non potesl dici quod aliquid habeat Pater quod non habet Filius, sed quod aliquiil secundum unum respectum convenit Patri, et secundum alium aliquid Filio. » Cf. la q. 42, 4, ad 3 um. b) La paternité et la filiation sont deux relations réellement identiques à la substance divine, eteependant réellement distinctes l’une de l’autre. Cette position semble contredire un principe analytique :

« quæ sunt eadem uni tertio, sunt eadem interse ».

Saint Thomas répond (l », 28, 3, ad i um) : « Secundum Philosopliutii.argumentumillud tenet.quodquæcumque uni et eidem sunt eadem, sibi invicem sunt eadem, in his quæ sunt idem re et ratione, sicut

unica et indumentum ; non autem in his quæ differunt ratione. Unde ibidem dicit quod, licet actio sit idem motui, similiter et passio ; non tamen sequilur quod actio et passio sint idem : quia in actione importatur respectus ut a quo est motus in mobili ; in passione vero, ut qui est ab alio. Et similiter, licet paternitas sit idem secundum rem cum essentia divina, et similiter filiatio, tamen hæc duo in suis propriis rationibus important oppositos respectus. Unde distinguntur ab invicem ». Cf. l a, q. 3ga. 1, in Sent., I q., 34, art. 1 ; de patent, 11, 6. On voit que, pour rendre compte de la distinction réelle des relations divines, on met en jeu trois considérations : les relations se distinguent de la substance, non sans doute par une distinction réelle, mais par une distinction de raison ; elles sont non des réalités absolues, mais des relations ; elles s’opposent entre elles. Si l’une de ces trois conditions fait défaut, la distinction réelle disparait ; de là vient que la spiration active ne se distingue pas de la paternité (ni delà filiation), parce qu’elle ne s’y oppose pas.

Ces réponses ne prétendent pas dissiper toute obscurité ; nul ne s’en étonnera s’il veut bien considérer deux choses : le mystère divin nous dépasse infiniment ; d’autre part, l’analyse métaphysiqued’où nous partons est particulièrement difficile, parce que la relation, qui en est l’objet, est, de toutes les réalités, la plus fuyante, la plus débile, et partant la plus malaisée à saisir. Ces considérations suffisent toutefois à montrer que les do nnées dogmatiques n’impliquent pas de contradiction.

La théologie ne se contente pas de résoudre les objections qu’on lui oppose, elle s’efforce d'éclairer le mystère ; l'Écriture l’y provoque par les analogies qu’elle lui suggère.

Le Fils de Dieu nous a été révélé, dans l’Ancien Testament, comme la Sagesse du Père ; dans le Nouveau Testament, comme son Verbe. Les anciens Pères se sont attachés avec prédilection à ces termes scripturaires et se sont efforcés d’en scruter le sens. Cf.Th. de Rrgxoh, Etudes, 111, 38, 1-466 ; saint Augustin a recueilli les fruits de ces études et les a décuplés. On lira surtout De Trinitate, 1. IX, X, XIV, XV ; De Civitate Dei, XI, 26 ; Epist., clxix, 2. Cf. Portalie, art. Augustin, dans le Dict. de Théol., col. 2351 ; Th. Gangauf, De hl. Augustin spéculative Lehre von Gott dem Dreiseinigen (Augsburg, 1 865), p. 209-295 ; M. Sciimaus, Die psychologische Trinitdtslehre des hl. Augustinus (Munster, 1927), p. ig54ao.

Au sujet du Verbe de Dieu, on peut ainsi exposer les analogies recueillies par saint Augustin : nous pouvons distinguer dans notre connaissance un double verbe : l’un est notre pensée intérieure, l’autre notre pensée exprimée ; attachons-nous au premier, il nous fera entrevoir quelque image du mystère divin : « Quiconque peut saisir en soi le verbe mental, non seulement avant qu’il soit proféré par la parole, mais même avant qu’il éveille en nous l’image des sons, … peut entrevoir là, comme dans un miroir, quelque ressemblance de ce Verbe divin, duquel il a été dit : Au commencement était le Verbe » (De Trin., XV, 10, 19). Quand cette parole intérieure est proférée, elle nous présente une image du Verbe incarné qui, en se faisant chair, s’est rendu sensible (ib. t 20) ; de plus, ce verbe mental est pour nous le principe de nos œuvres : « … hominis opéra nulla sunt, quæ non prius dicantur in corde > ; ainsi est-il dit du Verbe de Dieu : « Omnia per ipsum facta sunt » (ib.). Enfin ce verbe mental, que notre esprit conçoit, est comme enfanté par lui, et demeure en lui, et est de même nature que l’es-