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TRINITÉ (LA SAINTE)

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est remise au Fils ; dans Mt„ xi, 27, il se représentait comme l’unique révélateur du Père ; maintenant, comme le souverain universel qui envoie partout ses apôtres. Il les suivra d’ailleurs, il sera partout et toujours avec eux : cette expression était familière aux apôtres et avait pour eux un sens bien déterminé : c’était la promesse même que Ialivé avait faite à Moïse et aux prophètes ; le parallélisme était signideatif, et révélait aux apôtres leur rôle et leur Maître.

Quant à la formule baptismale ici énoncée, elle est, de tous les textes trinitaires du Nouveau Testament, le plus explicite ; il n’en est pas non plus qui ait joué, dans les controverses ultérieures, un rôle aussi décisif ; au ive siècle surtout, les Pères s’en servent comme d’une arme de prédilection ; saint IIilairk, par exemple, commence ainsi sa démonstration :

« SufDciebat credentibus Dei sermo, qui in

aures nosiras Evangelistæ testimonio cum ipsa veritatissuæ virtute transfusus est, cum dicit Dominus : Euntes docete… Quid enim in eo de sacraînento salutis humanæ non continetur ?… Plena sunt omnia ut a pleno, et a perfecto perfecta’».

Les révélations faites par Notre-Seigneur à ses apôtres et consignées dans l’Évangile ont été, au cours du siècle apostolique, éclairées et enrichies par des révélations nouvelles ; on peut les recueillir au livre des Actes, dans l’Apocalypse et lesépîtresde saint Jean, et surtout dans les épltres de saint Paul. Pour l’étude de ces développements, qu’il nous est impossible de retracer ici, nous nous permettons de renvoyer à notre livre sur les Origines du Dogme de la Trinité 6, 1. III, ch. 2-5, p. 3’( a-473.

II. La tradition du mystère de la Trinité.

Quand on passe de l’étude des écrivains inspirés du Nouveau Testament à celle des Pères Apostoliques, on sent dès l’abord l’immense distance qui sépare les uns des autres. Les premiers, inspirés par l’Esprit-Saint, parlent en son nom et imposent son autorité ; les autres, quelque vénérables qu’ils soient, ne sont cependant que des hommes sujets à erreur et à faiblesse. Eux-mêmes sentent leur inlirmité et reconnaissent volontiers tout ce qui les sépare de leurs devanciers, de leurs maîtres. Saint Clément les propose aux Corintbiens comme leurs modèles :

« Ayons devant les yeux, leur dit-il, les excellents

apôtres » ; et saint Ignace, écrivant aux Romains, leur dit de même : « Je ne vous donne pas des ordres, comme faisaient Pierre et Paul ; eux étaient des apôtres ; moi je ne suis qu’un eondammé. » C’est ce même sentiment de l’autorité incomparable des apôtres qui inspire dès lors tant de pieuses fraudes : les Juifs, naguère, mettaient leurs compositions théologiques sous le nom et sous le patronage des anciens patriarches et prophètes, Hénoch, Moïse, Isaïe, Ësdras ; ainsi maintenant des écrivains chrétiens abritent sous l’autorité des apôtres leurs rêves d’avenir ou leurs thèses théologiques.

Cette estime si haute de l’éminente dignité des apôtres, ce sentiment si vif de leur propre infériorité n’étaient point une illusion des chrétiens de l’âge apostolique. La théologie catholique a définitivement consacré ce jugement et l’histoire, à son tour, ne peut qu’en reconnaître la valeur. Désormais, dans la longue suite des écrivains ecclésiastiques, nous n’en trouverons plus qui puisse imposer son sentiment personnel avec une autorité irréfragable, parce que nul d’entre eux ne peut lui donner la garantie d’une certitude infaillible.

1. De Triait., II, 1 (P. t., X, 50). Pour l’authenticité intégrale de ce texte, v. Oiiginei, note B, p. 599-610.

Tome IV.

Cependant la parole de Notre-Seigneur à ses apôtres reste toujours vraie : il est avec son Église jusqu’à la consommation des siècles ; mais cette infaillibilité, qu’il continue de lui assurer, ne réside plus, comme au temps des apôtres, dans les chefs ou les fondateurs des Eglises particulières ; elle n’appartient plus qu’à l’Eglise universelle et à ceux qui la représentent authentiquement, son chef suprême et l’ensemble de ses docteurs.

De ce fait, l’historien du dogme doit tirer les conséquences. Son intérêt doit se porter’, avant tout, sur 1 Eglise universelle pour recueillir son enseignement, s’il est explicitement formulé, ou, dans le cas contraire, dégager, s’il se peut, sa croyance ; auprès de ce témoignage tous les autres sont secondaires.

1" La croyance de l’Église au dogme de la Trinité.

La croyance de l’Eglise au dogme de la Trinité nous est attestée d’abord par sa liturgie, surtout par les rites du baptême et de l’eucharistie.

Nous avons signalé ci-dessus l’importance décisive du précepte du Seigneur : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint. » (Matth., xxviii, ig). Il nous reste à en constater l’influence. Elle apparaît dans les plus anciens documents liturgiques que nous possédions.

On lit dans la Didachè (ch. vu) :

En ce qui concerne le baptême, baptisez ainsi : après avoir enseigné tout ce qui précède, baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, dans l’eau vive. Si tu n’as pas d’eau vive, baptise dans une autre eau ; si tu ne peux le faire dans l’eau froide, baptise dans l’eau chaude ; si tu n’as ni de l’une ni de l’autre, verse sur la tête trois fois de l’eau au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

La description du baptême donnée cinquante ans plus tard par saint Justin est moins détaillée que celle-ci, mais elle la confirme :

Ceux qui doivent être baptisés « sont conduits par nous au lieu où est l’eau, et là, de la même manière que nous avons été régénérés nous-mêmes, ils sont rég-énérés à leur tour. Au nom de Dieu le Père et le maître de toutes choses, et de notre Sauveur Jésus-Christ, et du Saint-Esprit, ils sont alors lavés dans l’eau ». (F Apol., lxi, 3).

Trente ans plus tard, saint Irénéb expose et explique de même le rite du baptême :

Voici ce que nous assure la foi, telle que les presbytres, disciples des apôtres, nous l’ont transmise. Tout d’abord, elle nous oblige à nous rappeler que nous avons reçu le baptême pour la rémission des péchés, au nom de Dieu le Père, et au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu, qui s’est incarné, est mort et est ressuscité, et dans l’Esprit-Saint de Dieu…

Quand nous sommes régénérés par le baptême qui nous est donné au nom de ces trois personnes, nous sommes enrichis dans cette seconde naissance des biens qui sont en Dieu le Père par le moyen de son Fils, avec le Saint-Esprit. Car ceux qui sont baptisés, reçoivent l’Esprit de Dieu, qui les donne au Verbe, c’est-à-dire au Fils ; et le Fils les prend et les offre à son Père, et le Père leur communique l’incorruptibilité. Ainsi donc tans l’Esprit, on ne peut voir le Verbe de Dieu ; et suns le Fils, nul ne peut arriver au Père ; puisque la connaissance du Père, c’est le Fils, et la connaissance du Fils de Dieu s’obtient par le moyen de l’Esprit-Saint ; mais c’est le Fils qui, par office, distribue l’Esprit, selon le bon plaisir du Père, à ceux que le Père veut et comme le Pèie le veut 1.

1. Démonstration de la prédiction apostolique (trad. Barthoulot) c. m et vii, Cf. Ilær., lll.xvn, 1 : « Iterum potestatem regenerationis in Deura dans discipulis, dicebat eis : Euntes docete omnes gentes, baptizantas eos in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancli. »

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