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faire dans toutes les directions et au hasard ; de plus, elles devraient être continues. Or, plus on avance dans la connaissance du monde fossile, plus il semble évident ciue l’évolution a suivi des lignes bien déterminées, qu’il y a eu orihogénèse, pour se servir de l’expression technique.

Le développement de certains organes, dit fort exactement M. Dklagr, suit une marche bien déUnie-, indépendante des services qu’ils peuvent rendre ; dans certains cas, on voit un organe, utile à un certain moment de son évolution, arriver, en continuant à se développer dans la même direction, à être nuisible et à conduire l’espèce à sa perte au lieu de contribuer à sa prospérité. On sait que le développement de certains organes, bois de dimensions exagérées, défenses démesurément longues et recourbées, ont amené la disparition de certaines espèces d’élans et de mammouths.

Il est également assez difficile d’expliquer, dans l’hypothèse darwinienne, un autre fait dont la réalité ne peut pas être mise en doute. Souvent, c’est au moment où une famille est le plus richement représentée en espèces et en individus qu’elle disparaît soudainement. Aussi, comme le fait remarquer M. Depérel :

Beaucoup de paléontologistes, frappas à juste titre par les faits inexplicables d’extinction brusque de groupe » entiers, comme les Trilobites, les Ammonites, les Dinos. iuriens, etc., et par la marche constante des rameaux phvlétiquei vers une spécialisation intensive et souvent exagérée, voudront sans doute ajoutera ces causes plutôt extérieures de variations (action du milieu, amenant des réactions de l’organisme) une autre force inconnue, d’ordre plutôt intérieur, qui limite la variation des groupes comme si chacun d’eux ne possédait, dès son origine, qu’une certaine quantité de sève dont l’épuisement se produit plus ou moins vite, et entraîne l’extinction fatale du rameau.

L’ensemble de ces objections est écrasant, et l’on n’est pas surpris que Driksch ait pu écrire, il y aura bientôt trente ans : « Pour les gens éclairés, le Darwinisme est mort depuis longtemps. » (Biologisches Centralblatt, mai 1902). Ce verdict sévère condamne de même toutes les théories de l’évolution basées sur l’antilinalisme. On peut même dire que seul le système darwinien avait pour lui une apparence de vraisemblance ; le néolamarckisme mécaniciste en est complètement dépourvu, et il a fallu que les préjugés contre les causes Qnales fussent bien forts pour que des biologistes de la valeur d’Alfred Giard et d’Yves Delage se soientralliés à cette doctrine inconsistante.

Lu Dantbc, qui l’a poussée à ses dernières conséquences logiques, aurait dû lui donner le coup de grâce. Pour expliquer la genèse d’un lion ou d’un homme, ce biologiste avait trouvé une singulière hypothèse : il devait d’après lui exister une substance chimique léonine et une autre substance chimique humaine. Le lion est la forme d’équilibre de la première ; l’homme, la forme d’équilibre de la seconde.

Le Trait de biologie dans lequel on rencontre de telles explications est, d’un bout à l’autre, de cette force. Voici d’ailleurs comment M. Delagb apprécie les travaux de son collègue en Sorbonne : « Enlisant les ouvrages de Le Dantec, on est séduit par ses vastes généralisations, ses aperçus nouveaux, ses conceptions souvent audacieuses ; mais, cette première impression passée, on s’aperçoit que la question n’a pas fait un pas. » Tant il est vrai que, lorsque l’on s’engage dans les voies de l’antiûnalisme, on tourne toujours le dos à la vérité.

B) Théories finalistes. — Leurjustiûcation ressort de l’échec manifeste des systèmes antiflnalistes

et il faut se réjouir de constater qu’en Allemagne d’abord, puis peu à peu dans les autres pays, un nombre croissant de biologistes se sont ralliés à des vues franchement finalistes et vitalistes.

Von Haiitmann signalait déjà en 1906 ce revirement de l’opinion scientilique, à laquelle il avait pour sa part assez largement contribué.

Il ne saurait être présentement question, écrivait-il, d’une victoire du’vitalisme. Les biologistes qui osent se prononcer d’une manière nette et tranchée en sa faveur, ne sont jusqu’à maintenant que des unités isolées. Mais la belle assurance avec laquelle les sciences naturelles ont bafoué, pendant la durée d’une génération, In thèse vitaliste, comme une doctrine anliscientifique vieillie et vaincue, commence à être fortement ébranlée. Dans les ouvrages scientifiques et dans les travaux techniques, le vitalisme est de nouveau considéré comme une opinion méritant la discussion, tandis que, durant trente ans, on lui refusait même cela : il suffisait alors de s’en déclarer partisan, pour être discrédité au point de vue scientifique et traité comme un Imaginatif irresponsable. Celui qui, sa vie durant, a eu à pfttir de cet état d’esprit, saura apprécier la détente qui s’est produite, et qui permet d’espérer, pour la suite du vingtième siècle, la victoire du vitalisme. (Das Problème des Lebens, 1906).

Mais, avant d’en venir à l’examen des théories transformistes finalistes contemporaines, il convient de rappeler ce que fut le lamarckisme authentique.

a) Théorie lamarckienne. — Il est de mode aujourd’hui, dans certains milieux qui se réclament de Lamarck, de considérer les expressions finalistes qui abondent chez lui, comme de pures fautes de langage, des manières de parler incorrectes, ne correspondant pas au fond même de sa pensée.

Celte manière d’interpréter les idées du célèbre naturaliste manque d’objectivité. Lamarck a été franchement finaliste, et il suffit pour s’en convaincre de lire son texte sans préjugés. Voici comment il résume lui-même toute sa théorie :

Le véritable ordre de choses qu’il s’agit de considérer en tout ceci, consiste à reconnaître :

1° Que tout changement un peu considérable et ensuite maintenu dans les circonstances où se trouve chaque race d’animaux, opère en elle un changement réel dans leurs besoins.

2° Que tout changement dans les besoins des animaux nécessite pour eux d’autres actions pour satisfaire aux nouveaux besoins et, par suite d’autres habitudes.

3" Que tout nouveau besoin nécessitant de nouvelles actions pour y satisfaire, exige de l’animal qui l’éprouve, soit l’emploi plus fréquent de telle de ses parties dont auparavant il faisait moins d’usage, ce qui la développe et l’agrandit considérablement, soit l’emploi de nouvelles parties que les besoins font naître insensiblement en lui par des efforts de son sentiment intérieur (Philosophie zoologique, ch. vil).

On peut reprocher à Lamarck d’avoir majoré l’influence de l’usage et du non-usage et de s’être mépris sur l’hérédité des caractères somatiques acquis, mais il faut manifestement violenter son texte pour en exclure le fînalisme. Sa théorie sur la nature intime de l’être vivant était d’ailleurs incomplète. Il ne pensait pas que la vie organique exigeât un principe vital distinct de la matière. Pour lui, comme plus tard pour Claude Bernard, l’organisation explique tout. « La vie, dans les parties d’un corps qui la possède, est un ordre et un état de choses, qui y permet les mouvements organiques, et ces mouvements, qui constituent la vie active, résultent d’une cause stimulante qui les excite. »

Comme nous le dirons plus loin, pour donner de la finalité interne caractéristique de l’être vivant une explication satisfaisante, il faut dépasser l’organicisme et aller jusqu’à l’animisme.