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TRANSFORMISME

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d’animaux, la sélection sexuelle vient en aide à la sélection spécifique, en assurant aux maies les plus vigoureux et les mieux adaptés une postérité plus nombreuse. La sélection sexuelle a^’it surtout pour donner aux mâles seuls les caractères particuliers qui leur sont utiles dans leurs luttes contre d’autres mâles : et ces caractères sont transmis à l’un des deux sexes, ou a tous les deux, suivant la résultante des hérédités. (Origine des espèces, Ch. iv).

Le hasard est donc en définitive l’ultime raison d’être de l’adaptation du vivant à son milieu. Les changements se font dans toutes les directions, le triage des variations utiles s’opère de lui-même dans la lutte pour la vie. C’est très simple ; beaucoup trop simple, nous le verrons.

2* Néodarwinisme weismannien. — L’auteur de la théorie des déterminants a poussé l’idée darwinienne de la sélection jusqu’à ses dernières conséquences en la purifiant de tout alliage lamarckien. Weismann nie le rôle de l’usage et du non-usage aussi bien que l’hérédité des caractères acquis, comme facteurs de variation. La sélection est pour lui toute-puissante, mais au lieu déjouer seulement entre les individus, elle s’exerce d’abord à l’intérieur des cellules germinales, entre les particules microscopiques représentatives des divers caractères héréditaires, puis, comme l’avait admis Darwin, entre les individus eux-mêmes. Elle se fait donc à deux degrés. Weismann espérait pouvoir éluder ainsi quelques-unes des objections opposées au darwinisme, mais, sans parler des difficultés spéciales auxquelles se heurte le système des déterminants, le sélectionnisme germinal est condamné au même sort que la théorie de Darwin, car lui aussi cherche dans le seul hasard la raison d’être de la survivance des types fortuitement adaptés.

3" Théorie de la préadaptation. — On peut rapprocher du néodarwinisme diverses théories plus récentes basées sur le fait des mutations. Celles-ci, déterminées par les variations provoquées dans le plasma germinatif par des causes variées, sont censées se produire dans toutes les directions et se trouver, par hasard, préadaptées à telles ou telles conditions d’existence. La mutation est le principe de nouveauté, la sélection opère le triage. Voici comment M. Cuénot, qui est, avec Davrnport, le principal auteur de cette théorie, comprend la genèse d’une espèce :

Lorsqu’on considère les animaux ou les plantes qui vivent dans un certain milieu, ceux-ci présentent forcément des organes, des dispositifs adéquats aux conditions particulières de leur habitat, des adaptations en un mot ; or, on peut se demander si les espèces en question ne possédaient pas les adaptations nécessaires et suffisantes avant leur entrée dans le milieu ; celles-ci étaient alors des caractères indifférents ou d’une utilité dépassant les besoins de l’animal ou de la plante, mais qui ont pris une importance décisive a un moment donné, en permettant aux êtres qui les présentaient une nouvelle manière de vivre. Comme l’a dit si justement Davenpoit :

« La structure existe d’abord et l’espèce cherche ou rencontre

le milieu qui répond à sa constitution particulière ; le résultat adaptatif n’est pas dû à une sélection de structure adéquate à un milieu donné (théorie de Darwin et de Wallace), mais au contraire au choix répondant a une structure donnée. » Ou, pour m’exprimer d’une façon plus saisissante : ce n’est pas parce que le chien de Terre-Neuve nage bien et souvent, qu’il a les pattes palmées, mais c’est parce qu’il avait les pattes palmées qu’il a pu acquérir des habitudes plus aquatiques qu’un autre chien. J ai appelé caractères adaptatif s ou prophétiques, ou plus brièvement prradaptations, les caractères indifférants ou semi-utiles qui se montrent chez une espèce, et qui sont susceptibles de devenir des adaptations évidentes, si celle dernière adopte un nouvel habitat ou ac quiert de nouvelles mœurs, changement rendu possible grâce précisément à l’existence de ces préadaptalions.

Le même auteur écrivait ailleurs :

Il y avait une tendance, vieux reste du fina’.isme, à considérer les espèces comme très bien adaptées au milieu où elles vivent, et on se demandait comment une forme nouvelle, transportée dans un nouveau milieu, pouvait s’adapter si merveilleusement à celui-ci.

A mon avis, l’adaptation de l’espèce n’est qu’une illusion. Rien d’étonnant à ce que, dans des innombrables directions de variation, il s’en trouve de temps en temps quelqu’une qui, par hasard, soit adéquate aux conditions d’une place vide, et l’on se récrie alors sur la merveille de l’adaptation. Pour faire comprendre ma pensée c’une façon tout à fait concrète, je dirai que ce n’est pas parce que la girafe broute des arbres qu’elle a un grand eu, mais que c’est parce que il lui est venu un grand iou qu’elle n’a pu faire autrement que de brouter des arbres ; que ce n’est pas parce que la taupe habite sous la terre que son œil a dégénéré, mais c’est parce que son œil a d généré qu’elle a été contrainte d’adopter la vie obscuricole. (L’évolution des Théories Transformistes. — Revue Gén. Se, mars 1901).

Cette théorie se rattache au darwinisme par son caractère antifinaliste : elle avait d’ailleurs été entrevue par Darwin qui avait, le premier, signalé de la manière la plus claire des cas de préadaptation, mais il n’avait pas songé à tirer partie de cette idée.

l° Néo-lamarckisme mécaniciste- Théorie des causes actuelles. — Les néo-darwinistes contestent l’hérédité des caractères acquis et l’influence directe des facteurs primaires de l’évolution, tels que nous les avons définis plus haut. L’école néolamarckienne tient des positions diamétralement opposées. Pour elle, mettre en doute l’influence modificatrice du milieu, l’hérédité des caractères acquis, équivaut à ruiner par la base le transformisme lui-même. Parmi les néolamarckiens français les plus notables, on peut citer Giard, Le Dantec, Dklagb, Caullery, Rabaud ; dans les pays étrangers, Eimer, Cope, Kassovitz, von Wettstein, Lotzb, etc.

Tous ont coutume d’insister beaucoup sur les faits qui tendent à prouver la réalité des transformations déterminées chez les êtres vivants par les modifications du milieu, soit spontanément dans la nature, soit dans des expériences instituées pour les mettre en lumière. Il est incontestable qu’il se produit des modifications chez les végétaux et chez les animaux, lorsque l’on change leurs conditions d’existence. En élevant des phasmes dans une demi-obscurité par exemple, on peut constater la production d’un mélanisme expérimental tout à fait caractéristique. Alors que les insectes élevés sur des plantes vertes exposées à la lumière présentent des teintes variées dans lesquelles le vert domine et le noir n’apparaît jamais, un pourcentage notable d’individus d’un noir franc se montre sur les lots vivant à l’abri de la lumière.

Ces modifications d’ailleurs ne sont nullement héréditaires. On connaît des adaptations des plantes à la vie dans les stations alpines, marines ou désertiques. Dans ces derniers cas, on ne voit pas des modifications se produisant dans toutes les directions, la sélection étant chargée d’éliminer les formes inadaptées ; mais, d’emblée, tous les individus subissent, par le fait du changement de milieu, telle ou telle altération caractéristique dont il est facile de comprendre l’utilité. La plante dans les stations alpines aura un parenchymeplusépais, qui profitera mieux que les formes des stations plainières de l’action du soleil dont la durée est réduite par la permanence plus grande de la neige, etc. Pac-