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TRANSFORMISME

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au delà, il faut savoir avouer que l’on entre dans le domaine de l hypothèse, et de l’hypothèse d’autant plus risquée que l’on fait plus large la part du transformisme, c’est-à-dire que l’on admet la parenté physique d’elles vivants appartenant à des divisions systématiques plus élevées.

Gomme M. Vi.vixkto. l’a justement fait observer, nous ne possédons aucun argument qui établisse la parenté physique des divers types d’organisation. C’est uniquement dans l’ordre des abstractions que l’on peut feindre un vertébré qui ne serait ni Poisson, ni Batracien, ni Reptile, ni Oiseau, ni Mammifère ; un pareil être n’a jamais existé d’une manière concrète. A plus forte raison, il n’y a aucune chance de trouver jamais un terme de passage allant, par exemple, de l’embranchement des Vers à celui des Vertébrés. Les arbres généalogiques imaginés dans ce sens par divers zoologistes sont des œuvres de hauie fa-ntai ie, rien de plus.

Les transformations ne semblent pouvoir être ; démontrées scientifiquement qu’au sein d’un groupe beaucoup plus limité, et que l’on peut nommer type formel, correspondant le plus souvent à un sousordre, tout au plus à un ordre dans la classification.

Si l’on admet la valeur de l’argument général éliminateur du créalionnisme, il faut dire que l’apparition de ces divers types formels a du être elle-même le résultat d’une évolution extrêmement longue, mais il faut ajouter tout de suite pour rester sur le terrain des faits rigoureusement établis scientifiquement, que l’on ne sait absolument rien de cette évolution.

IV. Le transformisme et l’origine de la vie.

Dès que l’on tient qu’il y a eu une ère cosmique d’où la vie organique était totalement absente, si l’on exclut toute intervention divine pour expliquer l’origine des premiers êtres vivants, on est acculé à admettre l’autobiogénèse, c’est-à-dire l’apparition spontanée de la vie aux dépens de la matière inorganique.

Qu’un pareil mode de génération soit radicalement impossible, les expériences fameuses de Pasteur, ne pouvaient certes pas l’établir. Elles ont seulement prouvé qu’aucune génération spontanée n’était actuellement démontrée et que tout vivant connu naît d’un autre être vivant, toute cellule d’une cellule.

Mais ce que la science positive ne saurait démontrer, la philosophie biologique peut le prouver. Nous n’admettons pas les idées de M. Lu Roy lorsqu’il prétend que « le problème des origines de la Vie ne se pose que sur le plan du phénomène, qu’il n’a pas de valeur ni de portée métaphysique ». (Op. cit., p. 683).

Tout au contraire, ce problème nous paraît être d’ordre proprement métaphysique, puisqu’il ne peut être résolu qu’en fonction de l’animisme, seule doctrine rendant compte de la nature intime de l’être vivant. Ce n’est pas le lieu ici d’établir cette thèse philosophique. Rappelons seulement que la finalité immanente caractéristique des tendances vitales requiert dans chaque organisme individué un principe substantiel irréductible à la matière brute. C’est ce principe, nommé âme ou forme substantielle, qui, uni à la matière, constitue le composé vivant. Or le principe de raison suffisante s’oppose à ce que des âmes procèdent, sans intervention d’un agent supérieur, des virtualités de la matière inorganique. Une action spéciale de Dieu est donc requise à l’origine de la vie. Il y a là une coupure qu’il faut bien admettre dès que l’on cesse d’être mécaniciste.

La doctrine de l’évolution créatrice cherche la solution de ce problème dans d’autres directions.

M. Le Roy imagine que la vie n’a peut-être jamais commencé et qu’elle existe peut-être sous une forme latente et diffuse dès la première origine du monde (®p. cit., p. 676).

Peut-être la matière brute, chimiquement définie telle que nous l’observons maintenant, n’cst-elle qu’une formation secondaire ; peu ! -ètre faut-il supposer avant elle un être mixte, un je ne Bais quoi qui enveloppait confusément des caractères destinés à devenir incompatibles et dès lors à se séparer. La matière actuelle serait donc un résidu, un déchet mort, une sorte de cadavre, et non point une donnée primitive. Cela expliquerait l’impossibilité actuelle d’une synthèse de la vie à partir de ces éléments appauvris et désormais vidés de tout potentiel évolutif. (Op. cit., p. 684).

M. Le Roy, qui traite justement de romans les conceptions fantastiques de Hamelin ou de Osborn sur

! a panspermie ou sur l’existence d’organismes initiaux

d’une si extrême ténuité qu’ils aient pu échapper au déterminisme physico-chimique, aurait tort d’être moins sévère pour l’hypothèse de la matière et de la vie dérivées toutes d’eux d’un t je ne sais quoi » unissant des caractères incompossibles. Nous sommes là en pleine fantaisie. Il faudrait renoncer une bonne fois à chercher dans des conditions cosmiques, différentes des conditions actuelles, les causes de l’apparition de la vie ; ce n’est ni « l’aclnité particulière de l’ultra-violet, ni le rôle d’un soleil plus chaud et chimiquement plus actif autrefois qu’aujourd’hui », qui pourront expliquer la genèse des premiers organismes. La matière ne s’est pas donné la vie, on la lui a donnée du dehors, et il faut de toute nécessité recourir ici à une intervention extracosmique de l’Auteur de la nature.

Les partisans du transformisme généralisé théiste concéderont peut-être la nécessité de cette intervention, mais ils exigent du moins qu’au point de vue phénoménal, le seul auquel se place 1 homme de science, tout se soit passé comme s’il y avait eu génération spontanée. C’est du moins ainsi que nous comprenons le passage suivant :

En toute hypothèse, un fait est sur : du point de vue phénoménal, donc aux yeux du savant qui s’abstient de philosopher, la vie à ses débuts reste à peu près indiscernable de la matière brute, procédant, pourrait-on dire, par insinuation, comme l’inventeur qui se familiarisa d’abord avec les matériaux de son travail. Elle ne se manifeste initialement que sous les espèces d’une petite goutte pr< toplastniqu » indifférenciée, où tout se passe d’une manière dont sans doute la physico-chimie suffirait & rendre compte, à condition du moins qu’on s’en tienne à une analyse élémentaire infinitésimale, instantanée. La seule différence notable apparaît quand on fait intervenir des considérations d’ensemble et d’histoire : elle consiste en la formidable poussée ou tension intérieurs que ces gouttes intimes recelaient dès le principe, à laquelle leur mécanisme offrait un premier instrument d’action, et qui devait plus tard les hausser elles-mêmes par degrés jusqu’aux formes supérieures de l’organisation.

Je ne suppose plus, écrit encore le même auteur, qu’on propose l’idée d’une coupure absolue dans la trame des phénomènes, d’un être surgissant tout formé sans loi de naissance, nu milieu d’un cadre physique indifférent à le recevoir et qui n’exercerait aucune action sur lui. (Loc. cit., p. 679).

De ce que tous les êtres vivants actuels naissent en fai.l les uns des autres, il ne suit absolument pas que les premiers êtres vivants aient dû, à proprement parler, « naître » de la matière inorganique. Nous partageons l’opinion de M. Vialleton, qui ne voit dans l’affirmation que les premiers organismes ont été de l’ordre moléculaire qu’une illusion anthre-