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TRANSFORMISME

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pas la répétition d’une forme ancestrale, mais le résultat des conditions auxquelles est soumis le développement. (Vivlleton, Op. cil.).

On a également fait observer que l’ordre suivant lequel apparaissent les divers organes dans la genèse d’un organisme ne correspond absolument pas à celui que feraient prévoir les principes du transformisme. Un organe censé acquis assez tardivement dans l’évolution phylogénétique, s’annonce d’une manière très précoce dans l’embryon. Que l’on songe, par exemple, à la formation de la vésicule oculaire chez les Vertébrés. Bref, dès qu’on y regarde d’un peu près, l’argument tiré de l’embryologie perd beaucoup de sa valeur. Cela n’empêchera sans doute pas les auteurs de manuels de le proposer, pendant de longues années encore, comme parfaitement démonstratif. Les biologistes avertis ne devraient pas tomber dans la même erreur.

Il est d’ailleurs admissible que l’apparition de certaines anomalies chez les animaux puisse s’expliquer par le retour exceptionnel de formes ancestrales aujourd’hui éteintes. On interprète ainsi d’une manière assez rationnelle, chez les Insectes, des individus anormaux à ailes longues dans des espèces qui sont normalement brachyptères ou même aptères. Mais on ne le fait pas uniquement pour des raisons d’ordre anatomique ; on possède tout un ensemble de preuves qui établissent qu’en fait, des formes macroptères sont les plus anciennes. On doit d’ailleurs manier toujours avec une extrême prudence les arguments tirés de la tératologie. Une monstruosité peut avoir beaucoup d’autres causes, différentes du retour d’une forme ancestrale. Soit, par exemple, celle qui est assez fréquente chez l’homme et que l’on nomme le bec-de-lièvre. Prouve- t-elle que nous descendons d’ancêtres à la lèvre supérieure fendue ? Pas le moins du monde. Elle s’explique bien plus simplement par le rapprochement incomplet et le manque de soudure des deux bourgeons latéraux qui, chez l’embryon humain, forment cet organe.

e) Ethologie. — Cette partie de la biologie, qui étudie les rapports des êtres vivants avec le milieu, nous révèle un assez grand nombre défaits d’adaptation, favorables à l’hypothèse transformiste. Ils sont extrêmement variés, et dispersés dans presque tous les domaines de la zoologie et delà botanique. Citons-en quelques-uns. De nombreux cas de commensalisme et de parasitisme se rencontrent, on le sait, dans le règne animal. Il existe non seulement des genres comprenant de nombreuses espèces, mais des familles entières, des sous-ordres, des ordres et des classes, constitués par des organismes dépendant plus ou moins strictement d’autres êtres vivants. Ce genre de vie entraîne souvent des modifications analomiques tellement profondes que l’on a été embarrassé quelquefois pour savoir à quel embranchement appartenait tel ou tel parasite. Est-il raisonnable d’admettre que toutes ces adaptations à la vie parasitaire sont primitives ? L’hypothèse devient particulièrement improbable quand lesespèces parasitées appartiennent à des groupes géologiquement bien postérieurs à ceux des parasites. Dans la théorie iixiste créationniste, il faudrait admettre que, lorsque le Créateur produisait des types nouveaux, il avait soin de produire en même temps quelques parasites appartenant à des types plus anciens en les adaptant à un nouvel hôte. N’est-il pas plus logique de supposer que les profondes transformations qu’exige l’adaptation parasitaire résultent de différenciations progressives de quelques types initiaux ? Celte manière de voir s’impose,

si l’on observe que nous possédons souvent presque tous les inteimédiaires entre un parasitisme extrêmement strict supposant une longue adaptation réciproque de l’hôte et du parasite, et des relations beaucoup plus lâches n’entraînant, le plus souvent, que d’assez légères moditications organiques.

Les observations du Père Wasmann sur des coléoptères commensaux des fourmis lui ont permis de conclure avec certitude à la parenté de quatre espèces de Dinarda. C’est un cas entre mille autres semblables, qui seraient également démonstratifs, de la différenciation de plusieurs espèces aux dépens d’un même type initial. Pour ne pas en saisir l’intérêt, il faut être étranger à la biologie technique !

Les faits de mimétisme protecteur, c’est-à-dire d’imitation par un animal soit d’un autre animal, soit d’un végétal, dans un but de défense contre les ennemis qui se laissent tromper par cette similitude, posent aux évolutionnistes des problèmes extrêmement difficiles à résoudre. Mais plusieurs de ers faits conduisent eux aussi logiquement à des conclusions favorables au transformisme.

Tel coléoptere, par exemple, le Mimeciton pulex n’est toléré comme commensal dans certains nids de fourmis, que parce qu’il mime avec une assez grande perfection l’espèce chez laquelle il habite. Nous n’admettons pas que cette imitation soit le fait d’un hasard : elle est trop parfaite et elle impose au type coléoptere une trop profonde modification pour être fortuite. Nous la regarderons donc plutôt comme le résultat d’une tendance évolutive interne qui a fait s’adapter cet intrus d’une manière fort mystérieuse d’ailleurs, aux Hyménoptères chez lesquels il vit.

C. Preuves scientifiques directes.

Cette nouvelle catégorie de preuves est tirée d’un ensemble d’observations et d’expériences qui tendent à saisir le fait même des transformations réalisées chez les êtres vivants. Ces transformations sont de deux sortes : ou bien graduelles et lentes, ou bien brusques et soudaines. Les premières permettraient de comprendre le passage d’un type à un autre par accumulation de petites variations continues ; les secondes expliqueraient la formation des espèces par l’apparition brusque de types nouveaux, légèrement différents de ceux dont ils descendent, mais possédant d’emblée un caractère déterminé et stable.

Les biologistes ne sont pas d’accord au sujet de l’importance relative de ces deux modes de variation dans la genèse des espèces. Les uns attribuent le rôle principal aux variations lentes, d’autres aux mutations, d’autres enfin, admettent la réalité des deux processus. Une question très importante et fort difficile domine tout ce sujet : celle de l’hérédité des caractères acquis ; et elle n’est pas encore pleinement résolue.

Nous ne pouvons nous dispenser de l’aborder ici d’une manière sommaire.

Il est d’abord évident que, pour qu’un caractère puisse être considéré comme acquis, il faut qu’il corresponde à une disposition stable des cellules reproductives ou du germai. Celui-ci est, en effet, le seul lien qui unisse les parents aux descendants. Si l’on définit donc la somation une variation due à une modification du soma des ascendants non inscrite d’une manière stable dans le germen, et mutation une variation due à une modification stable du germen, il est évident par définition que seule la mutation peut donner naissance à des espèces nouvelles