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TRANSFOHMISME

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à imposer une grande prudence toutes les fois qu’il s’agit d’établir par la paléontologie la parenté d’êtres vivants appartenant à des classes différentes, à plus forte raison, à divers embranchements :

En réal té, écrit M. VlALi.BTOx, les embranchements montrant dès leurs premiers représentants tous leurs caractères essentiels, et les modifications qu’ils subissent sont infiniment peu de chose à côté de celles qu’il leur aurait fallu réaliser pour passer de la forme gastruléenne ancestrale aux premiers types formels sous lesquels on peut les reconnaître. Les modilicutions apportées au type Poisson, par exemple, depuis sa première apparition, sont, relativement à l’organisation et à la structure interne, à peine appréciables… Il y a donc dans l’appréciation de l’évolution réellement effectuée une imprécision tris grande et une surestimation de sa valeur, résultant de l’idée très anthropomorphique, que les commencements de toute chose sont toujours très humbles et peuvent cependant conduire à des résultats très compliqués et très élevés. (Membres et ceintures des vertébrés, p. 620).

Pour expliquer l’absence de ces formes de transition entre les grandes divisions des êtres vivants, les transformistes supposent qu’elles ont existé avant le Précambrien, mais que le métamorphisme a détruit tout vestige fossile datant de ces temps reculés. Cette hypothèse ne peut pas être éliminée a priori, mais le fondement sur lequel elle repose est as-cz fragile.

Il faut reproduire à ce sujet l’importante remarque de M. Vialleton :

L’évolution des Vertébrés s’est faite, pour ainsi dire, sous nos yeux, puisqu’elle commence avec les premières couches fossilifères. Or, tout ce que nous en savons, et c’est beaucoup, pour les groupes supérieurs au moins, confirme absolument les vues rapportées ci-dessus. Cette évolution n’a pas commencé par des formes vraiment simples pour passer à des formes plus compliquées ; les types d’organisation qu’olle comporte se sont toujours montrés d’emblée avec leurs caractères essentiels. L’évolution réelle géologiquement constatée entre le premier et le dernier représentant d’un type d’organisation, est donc en somme très peu de chose et ne permet point de croire à la toute-puissance des transformations. (Op. ctt., p. 691).

Les conclusions du paléobotaniste Zbillbr concordent avec celles qui se dégagent de la paléozoologie, et elles nous semblent donner une idée exacte des réserves qu’impose l’étude des fossiles en matière de transformisme.

Si l’on envisage l’espèce dans un sens plus large, écrit cet éminent spécialiste, si l’on examine spécialement celles qui sont éteintes et dont on peut suivre les variations dans toute leur éten iue, on voit ces variations s’arrêter à certaines limites, sans franchir les intervalles qui les séparent des espèces les plus voisines. Il en est de même pour les genres, et lorsqu’on cherche à suivre les fumes génériques ou spécifiques qui se sont succédé dans le temps en les rapprochant de celles qui semblent, tant par leur Age relatif que par leurs affinités plus marquées, susceptibles dêlre considérées comme ayant avec elles des liens génétiques, la série se montre toujours discontinue, quelque complets que soient nos renseignements sur la dore de l’époque à laquelle appartiennent les formes étudiées : les analogies, dans certains cas, sont assez accusées pour que l’idée d’une filiation s’impose à notre esprit ; mai", si nous sommes fondés à soupçonner le passage d’une forme à l’autre, les phases intermédiaires qui en établiraient la réalité se dérobent à nos constatations. La discontinuité est plus accentuée encore lorsqu’on s’adresse à des groupes d’ordre plus élevé.

II semble qu’au lieu de s’accomplir graduellement, les transformations… par suite desquelles de nouvelles formes ont pu se constituer, se soient presque toujours opérées, sinon soudainement et par modifications brusques, du moins trop rapidement pour que nous en puissions

retrouver la trace. En tous cas, l’origine des grands groupes demeure enveloppée de la plus profonde obscurité, non seulement en ce qui concerne ceux pour lesquels il faudrait remonter à une date antérieure à celle des plus anciens documents que nous possédions, mais même en ce qui regarde ceux dont il semblait, comme c’est le cas pour les Dicotylédones, qu’ils fussent apparus assez tard pour nous permettre de nous rendre compte, par l’observation directe, des conditions dans lesquelles ils ont pris naissance. (Eléments de paléobotanique, p. 381).

Il convient de rapprocher de ces aveux d’un spécialiste hors pair, ceux du paléontologiste Zitti.l, qui était lui aussi une autorité dans ces questions :

Lu théorie de la descendance, écrivait-il, a introduit des idées nouvelles dans l’histoire naturelle descriptive et lui a assigné un but plus noble. Mais nous ne devons pas oublier qu’elle n’est encore qu’une théorie, qui demande à être prouvée. J’ai essayé de montrer quelles preuves intéressantes lui avaient été apportées par les recherches paléontologiques ; mais je ne dois pas non plus cacher les grandes lacunes de nos démonstrations. La science aspire avant tout à la vérité. Plus nous serons convaincus de la fragilité de la base de nos connaissances, plus nous devrons tendre à la consolider par des faits et des observations nouvelles. — Sages conseils, ajoute M. Depéhet, qui cite ce passage, que feraient bien de méditer et de suivre les paléontologistes à l’esprit aventureux, enclins à construire, avec une hâte fébrile des arbres généalogiques sans nombre, dont les troncs pourris, suivant l’expression imagée de Rutinmeyer, aussitôt démolis que dressés, jonchent le sol de la forêt et en rendent l’accès plus difficile pour les progrès de l’avenir. (Les transformations du monde animal).

Si nous reconnaissons que les preuves paléontologiques font sortir un transformisme modéré du domaine des hypothèses pour le faire entrer dans celui des faits établis, nous pensons, avec les savants sur l’autorité desquels nous venons de nous appuyer, que le transformisme généralisé, ne peut pas, de ce chef, être considéré comme scientifiquement démontré.

h) Distribution géographique des êtres vivants.

— La géonémie, qui étudie les lois du peuplement de la terre par les plantes et les animaux, a révélé un certain nombre de faits, qui ne peuvent trouver une interprétation rationnelle que dans l’hypothèse transformiste. Si l’on compare, par exemple, les faunes marines qui vivent à l’Est et à l’Ouest de l’isthme de Panama, on compte une centaine d’espèces, constituant des paires géminées, avec une forme pour le Pacifique et l’autre pour l’Atlantique… Cela chez des Poissons, des Mollusques, des Echinodermcs, des Crustacés. La seule explication île ce fait est la suivante : avant l’époque Miocène, l’isthme n’existant pas, une seule faune peuplait ces mers. Après le soulèvement de l’isthme, deux régions distinctes se sont constituées, les descendants de la faune primitive ont évolué, de chaque côté, dans des sens un peu différents, de manière à constituer des séries d’espèces vicariantes. Il est impossible de supposer qu’après l’anéantissement d’une première faune, vivant avant la séparation des deux mers, le Créateur aurait doté dans la suite chacune des deux mers séparées d’une collection d’espèces constituant deux séries parallèleslégèrement divergentes. On a pu faire des remarques analogues sur les faunes de deux continents primitivement continus (faune de l’Irlande et de la Grande-Bretagne, par rapport à celle de la France ; faune de la Corse, de la Sardaigne et des autres petites Iles méditerranéennes, par rapport à celles du littoral, etc.)

Si ces vues théoriques sont exactes, deux terri-