Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/910

Cette page n’a pas encore été corrigée

1807

TRANSFORMISME

1808

objective, et il nous semble bien difficile de le contester, il faut renoncer aux divers systèmes de transformisme modéré qui conserveraient quelque chose de l’ancien créationnisme ; à savoir la production instantanée et immédiate par Dieu de certains êtres vivants complexes, analogues à ceux qui vivent actuellement. Les objections fort graves que l’on peut faire valoir contre toutes les preuves de détail sur lesquelles est fondé le transformisme, sont inefficaces contre cette démonstration générale par élimination de l’ancien créationnisme. C’est sur elle que repose en définitive l’inébranlable conviction de presque tous les biologistes contemporains, à qui il semble pratiquement impossible de raisonner en dehors des cadres d’un évolutionnisme assez largement compris.

B. Preuves scientifiques indirectes.

Cette première série de preuves est basée sur l’étude des êtres vivants disparus et actuels ; elle tend à établir que, dans leur ensemble, ils présentent des caractères qui ne peuvent pas être rationnellement expliqués en dehors de l’hypothèse transformiste. Ces preuves sont donc tirées des résultais de l’évolution plutôt que de ses causes. Les preuves directes, au contraire, cherchent à saisir l’évolution à l’œuvre et à montrer comment les faits que nous avons sous les yeux permettent de comprendre la genèse des espèces.

a) Paléontologie. — En raison de leur importance toute spéciale, les preuves du transformisme tirées de la paléontologie demandent à être exposées avec quelque détail. Les faits principaux, mis en lumière par des découvertes qui ne remontent guère plus loin qu’un siècle, sont les suivants :

i° Le inonde vivant, pris dans son ensemble, présente une remarquable unité. La paléontologie n’a révélé aucun embranchement, aucune classe d’animaux ou de plantes qui ne possède encore actuellement des représentants. Mais plus on s’éloigne de l’époque quaternaire, plus les différences augmentent entre les faunes et les flores disparues, si on les compare à la faune et à la flore actuelles. Ce premier fait capital suffirait à lui seul à suggérer L’hypothèse transformiste et à lui donner une vra semblance approchant de la certitude. Si on la rejette, en effet, on est obligé d’admettre que le Créateur a constamment procédé dans ses œuvres successives en reproduisant des formes antérieures plus ou moins profondément modifiées. N’est-il pas infiniment plus probable, disons le mot, n’est-il pas évident, que si les formes actuelles diffèrent moins de celles de l’époque tertiaire que de celles de l’époque primaire, cela vient de ce qu’elles en sont moins éloignées au point de vue génétique ?

2° On arrive dans certains cas privilégiés à établir d.GB séries généalogiques reliant entre elles des formes fossiles dont la filiation ne saurait guère être mise en doute. Comme on ne possède d’ordinaire que des chaînons peu nombreux, quelquefois séparés par de très nombreux millénaires, il y ubien un certain flottement dans l’établissement de ces phylums. Des études plus poussées ont souvent obligé les paléontologistes à les remanier, et nous dirons que l’on a fréquemment bâti des généalogies fantaisistes. Il reste vrai néanmoins que l’on suit, par exemple, depuis Péocène inférieur jusque la Un du pliocène, des séries de mammifères qui peuvent assez vraisemblablement figurer parmi les ancêtres du cheval actuel (llyracolheriiim, Miohipput, Merichippus, Pliohippus). Ces fossiles permettent de suivre la transformation graduelle d’un membre à cinq doigts

indépendants en un membre monodactyle présentant des rudiments de doigts latéraux. On considère comme assez bien établie également la généalogie des Mastodontes. Etc., etc.

3° L’examen d’un assez grand nombre de séries phylétiques permet de dégager certaines lois paléontologiques, d’après lesquelles l’apparition d’une forme déterminée obéit à des règles fixant dans le temps et dans l’espace sa place naturelle. C’est ce qu’exprime heureusement M. Lb Roy dans les lignes qui suivent :

De toute manière, que l’on reporte les segments élucidés sur une carte générale de la rie : on les voit qui se relaient l’un l’autre, la carte se complète peu à peu et graduellement elle prend de mieux en mieux figure d’arbre généalogique, forme d’histoire. On arrive par endroits jusqu’à des souches indiscutables : de petites bêtes confuses, aux multiples affinités où se mélangent tous les caractères et qu’on ne saurait aujourd’hui où classer. Enfin il y a convergence d’ensemble vers le bas.

Sans doute, sur le tableau obtenu, les espèces ne se placent que rarement en prolongement exact l’une de l’autre. Leur disposition évoque plutôt, comme on l’a dit, l’image d’écaillés qui se recouvrent et s’imbriquent, de feuilles, dont les pédoncules échappent parce qu’elles se superposent en gaines successives et qu’elles se masquent à la base. Plus on remonte vers les origines, plus s’accuse dans les apparences une structure pennée où les brins semblent coupés du tronc : celui-ci devient un axe idéal. Mais les branches, quoique suspendues en l’air, gardent néanmoins une telle ressemblance parfois qu’on ne saurait hésiter à les reconnaître pour des rameaux du même arbre, bien qu’on ne discerne pas les points d’attache. Et, en tous cas, les données sont suffisantes pour que nulle incertitude ne subsiste sur le double fait qu’il faut attribuer à chaque forme une place naturelle dans l’ensemble et une date nécessaire d’apparition dans la suite. (Op. cit., p. 529).

4 » Ce n’est d’ailleurs pas tout, continue le même auteur (p. 530) :

Des segments presque infinitésimaux et dont on essaie l’intégration, passons maintenant à de vastes groupes, à des faunes entières. Un fait notable se manifeste. En Patagonie, d’étranges animaux ont vécu pendant le terliaiie ; ils se rattachent aux mêmes types originaux que nos mammifères septentrionaux, mais sont géographiquement séparés d’eux depuis la fin du Crétacé et ont poursuivi une histoire indépendante. De même, en Australie, vivent des marsupiaux coupés (depuis le Jurassique peut-être) de la grande masse des mammifères placentaires, et dont le développement s’est effectué à part. Eh bien ! chose remarquable, ces bêtes bizarres, spéciales à l’hémisphère austral, ne forment pas du tout un assemblage désordonné, quelconque ; mais, tout au contraire, chacun des deux groupes, propres soit a l’Amérique du Sud, soit à l’Australie, a sa structure particulière, parallèle à celle de la faune d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie. Chacune comprend, dans son type particulier, les mêmes types morphologiques fondamentaux. La Patagonie miocène a eu ses solipèdes, ses pachydermes armés de défenses, ses pseudo-lièvres, ses animaux à trompe. L’Australie actuelle nous offre ce spectacle extraordinairement instructif de marsupiaux parmi lesquels les uns tiennent la place des loups, les autres celle des ongulés, d’autres celle des musaraignes, des fourmiliers, des taupes, etc. On dirait que chaque faune, pour être en équilibre, doit être munie, comme d’autant d’organes, de ses carnassiers, de ses insectivores, de ses herbivores, etc. (Cf. Teilhard, Etudes, loc. cit., p. 584-535).

Il semble vraiment impossible qu’un pareil ensemble de faits convergents puisse s’expliquer en dehors de l’hypothèse d’un lien physique unissant les formes successivement apparues dans de telles conditions et avec de tels caractères.

Les considérations qui précèdent, nettement favorables au transformisme, ne doivent toutefois point faire perdre de vue d’autresconstatations qui tendent