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TRADITION CHRÉTIENNE DANS L’HISTOIRE

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Pouvait-il en être autrement ? Dans l'évolution moderne de l’anglicanisme, et très particulièrement dans les tractations de certains anglicans de marque avec des membres qualifiés de l’Eglise catholique, les considérations de sentiments jouèrent un rôle auquel on n'était plus habitué depuis la Réforme. Maintes fois, par le passé, des anglicans avaient émis l’opinion que Dieu n’avait pu laisser, pendant des siècles, une portion si intéressante du troupeau chrétien dépourvue des moyens ordinaires de salut ; et cette.îtliriiialion s'était heurtée au bloc infrangible de la doctrine catholique touchant l’essence du Sacerdoce chrétien. Mais au cours du xixe siècle, la même affirmation avait pris un accent particulièrement émouvant de sincérité, d’humilité, d’ardente générosité. Tandis que des hommes héroïques faisaient le pas décisif et brisaient avec leur passé pour venir chercher au sein de l’Eglise catholique ce que décidément ils ne reconnaissaient plus en dehors d’elle, d’autres, en grand nombre, se montraient disposés à faire ce pas, à la seule condition qu’on leur en démontrât la nécessité. Ainsi se développait, à la frontière des deux Eglises, une sorte de zone neutre, où presque toutes choses étaient communes : la croyance, le langage, les dévolions, la liturgie ; où la supériorité de la vie et de la vertu chrétienne pouvait n'être pas toujours du côté des catholiques ; où l’estime et la sympathie mutuelle développaient un échange constant de vues, de prières ; où une sorte d’endosmose surnaturelle rendait chaque jour moins sensible la diversité des allégeances ; où l’on voyait tel ecclésiastique anglican introduire dans ses rites et inscrire sur les diptyques de son église le nom du Pontife romain. Gomment ne pas traiter dès aujourd’hui en frère cet anglo-catholique, si sympathique, si généreux, si catholique de cœur ? Aux yeux du Chef de l’Eglise, il y avait là, pour ses fldèles, une tentation possible, un danger. C’est à prémunir les âmes que s’applique l’Encyclique Mortalium animos. Elle dénonce la chimère d’un certain panchristianisme, d’où l’essence même du christianisme se serait évaporée.

EllerappellequelaReligioncatholique est d’abord une doctrine intangible, et conséquemment une règle de vie. On n’appartient pas à l’Eglise du Christ sans professer tous les articles de la doctrine par Lui révélée. Une doctrine flottante, où les points essentiels de la révélation chrétienne seraient livrés au hasard des discussions, ne fournirait pas un point fixe de ralliement, un lien réel entre les chrétiens. Dissoudre la règle de foi sous prétexte de charité, serait trahir la charité elle-même, car il n’y a de vraie charité qu’appuyée sur la foi. L’Encyclique désigne en particulier certains points où règne une diversité, exclusive de l’unité ; ici nous reconnaissons avec évidence des faits observés sur les confins de l’anglo-catholicisme. La tradition est-elle source authentique de la foi chrétienne, ou ne l’estelle pas ? La hiérarchie ecclésiastique est-elle d’institution divine ou d’institution humaine ? Le Corps de Jésus-Christ est-il présent réellement dans l’Eucharistie par la transsubstantiation des éléments, ou seulement en figure par la vertu de la foi ? L’invocation de la Vierge-Mère et des Saints est-elle chose pieuse et qui honore Dieu, ou n’est-elle qu’une idolâtrie coupable ? Tant qu’on ne s’est pas mis d’accord sur ces points et autres semblables, il n’y a pas d’unité possible. Et il n’y a d’unité ferme que sous la conduite d’une autorité garantie par Dieu, maîtresse de la doctrine et principe actif d’unité.

Donner à cet ordre établi de Dieu la moindre atteinte, en vue d’une entente plus facile, ne serait pas charité, mais cruauté. Car, pour avoir subi les muti lations ou les atténuations d’une exégèse complaisante, la doctrine chrétienne aurait été vidée de sa vertu.

Telle est l’intransigeance du Pasteur suprême. Il faut avouer que les circonstances l’avaient, par avance, largement justifiée. Le rapprochement des dates que nous marquions ci-dessus, vote du Parlement anglais, le 15 décembre iy-27, Encyclique de Pie XI le 6 janvier 1928, est par lui-même éloquent.

Par une majorité de quarante-deux voix, la Chambre des Communes avait affirmé sa volonté de demeurer fidèle au principe du schisme anglican, et de repousser les amendements destinés à le mettre d’accord avec les aspirations d’une grande partie de la nation. Les trente-neuf articles d’Elisabeth, l’antique Prayer Book, avaient depuis longtemps subi dans l’opinion nationale et dans le culte de l’Eglise établie, des atteintes multiples, dont il est clair qu’ils ne se relèverontpas. Des voix autorisées, dans les rangs de la hiérarchie anglicane, l’on dit assez haut ; la coutume liturgique le montre, le sentiment commun des fidèles de cette Eglise en témoigne. Ces vieux legs de l’anglicanisme primitif sont aujourd’hui caducs ; nul ne nourrit plus d’illusion à cet égard, et la lente élaboration d’un nouveau Prayer Book avait précisément pour but de porter remède à une situation irrémédiablement compromise. Tout le monde en convenait. Cependant, le vieux préjugé antipapiste s'était montré plus fort que l’intérêt religieux, si pressant fût-il. Pour réveiller la passion anglicane de sa longue somnolence, il avait suffi de montrer que la barque de P « Establishment » dérivait vers Rome. Celte assemblée politique, parfaitement consciente de la position fausse, instable, où elle allait à nouveau river l’Eglise et l’Etat, aima mieux encourir une disgrâce que de risquer un compromis avec l’idée catholique, toujours vivante et active. Elle affirma donc sa résolution de demeurer, coûte que coûte, foncièrement protestante. C’est cela, et rien d’autre, que signifie le vote du 1 5 décembre. Vote politique, avant tout, car nous ne prétendons pas, et les membres du Parlement seraient les premiers à nous démentir, que ce vote eût, dans la pensée de la majorité parlementaire, une portée dogmatique.

Tout autre est le sens de l’acte pontifical. Nullement politique, il est, au sens fort, un acte chrétien. Nullement politique : car, en détruisant les chimères dont se berçaient plusieurs consciences catholiques, et en présentant aux consciences anglicanes un front sévère, il peut décourager certaines velléités de retour. Acte chrétien, essentiellement : d’abord, affirmation catégorique de la vérité, menacée par la contagion d’erreurs dissolvantes. Puis, appel énergique à la droiture du zèle.

S’il faut reconnaître à cet acte une opportunité, c’est une opportunité de l’ordre le plus élevé, opposant à l’intransigeance renouvelée du schisme l’intransigeance immuable de l’antique foi.

Parmi les réactions imprévues que provoqua l’acte pontifical, nous signalerons la lettre signée par un groupe de <t chrétiens évangéliques », et publiée sous ce titre : Pour la collaboration chrétienne, par la revue trimestrielle L’Unité dans la lumière, avril 1928, p. 58, Paris.

… L’histoire nous apprend que les réformateurs ne sont pour rien dans l'éclosion du phénomène évangilique, qui permet à des milliards d'êtres humains de connaître le Christ sans passer par l’Eglise romaine. Ce phénomène est dû à l’invention de l’imprimerie et nullement aux dogmatisations de Luther et de Calvin. Sans l’invention de l’imprimerie, on peut même dire que Luther et Calvin eussent fait disparaître les Ecritures de la surface de la