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TRADITION CHRETIENNE DANS L’HISTOIRE

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de la puissance, celle de lu matière et de la forme, ont fourni, avec le dessein de l’ensemble, celui de mainte explication particulière (Cf. art. Thomismb). Au quatorzième siècle, le concile de Vienne y appuiera une définition célèbre louchant l’unité substantielle du composé humain. Au seizième siècle, le concile de Trente y trouvera, pour la théologie saoramentaire, un cadre déjà consacré par l’usage, qu’il empruntera simplement. Notre pensée religieuse met en œuvre, à chaque instant, des concepts hérités des métaphysiciens grecs.

Eclairer par des analogies naturelles les enseignements de la foi, c’est mettre la raison humaine au service de la tradition divine. Noble ambition du Docteur angélique, occupé de ramener à l’unité le momie de la grâce et le monde de la nature, œuvres diversement grandioses, diversement mystérieuses, d’un même Créateur (Voir In librum Boetii de Tnnitate, q. 2, a. 1 : C’truni divina liceat investigando trac tare ; cf. a. 3).

Dans cette voie de la connaissance analogique, la doctrine peut progresser ; l’erreur même contribue quelquefois à ce progrès, par les contradictions qu’elle appelle, par le » recherches qu’elle provoque, par les précisions qu’elle nécessite. Saint Thomas ne l’ignore pas ; il s’en explique au commencement de son opuscule Sur les erreurs des Grecs, dédié au pape Urbain IV : « Les erreurs contre la sainte doctrine ont donné occasion aux saints docteurs d’expliquer avec plus de circonspection ce qui appartient à la foi, pour éloigner les erreurs qui s’élevaient dans l’Eglise, comme il paraît dans les écrits des docteurs qui ont précédé Arius, où l’on ne trouve pas l’unité de l’essence divine si précisément exprimée que dans ceux qui les ont suivis. Il en est de même des autres erreurs : et cela ne paraît pas seulement en divers docteurs, mais même dans saint Augustin, qui excelle entre tous les autres. Car dans les livres qu’il a composés après l’hérésie de Pelage, il a parlé du pouvoir du libre arbitre avec plus de précaution qu’il n’avait fait avant la naissance de cette hérésie, lorsque, défendant le libre arbitre contre les manichéens, il a dit des choses dont les pélagiens, c’est-à-dire les ennemis de la grâce, se sont servis. » (Contra errores Gmecorum, prologue. J’emprunte la traduction de Bossuet, dans la Défense de la Tradition et des saints Pères, 1. VI, chap. 1.)

Néanmoins, si averti qu’il soit des progrès théologiques, saint Thomas s’attache plus volontiers à l’aspect immuable du dépôt révélé ; quand il lui arrive d’opposer aux temps anciens les temps nouveaux, c’est plutôt pour insister sur le fait centra de l’histoire du monde et sur la prérogative des contemporains du Christ. La lumière de l’Ancien Testament ne cessa de croître, par apport de révélations successives, jusqu’à l’accomplissement des prophéties dans le Christ ; 1 Evangile y mit le sceau, et la révélation du Nouveau Testament rayonne sur le second versant de l’histoire ; mais ce rayonnement décroit constamment à mesure qu’on éloigne du foyer, c’est-à-dire du berceau du christianisme. Telle est, pour saint Thomas, la réponse à cette question : Si les articles de foi croissent au cours des temps. (II* II æ, q. 1, a.’5. Ulrum articuli fidei secundum successionem tempurum creverint.) Cette vue n’est qu’un cas particulier dans une théorie d’ensemble. Examinant si la révélation admet divers degrés selon les temps, saint Thomas distingue trois stades dans la révélation de Dieu à l’humanité : le stade primitif, marqué par la révélation d’un seul Dieu ; -ie stade mosaïque, marqué par les enseignements donnés à Israël et surtout par la prophétie messianique ; et enfin le stade chrétien, marqué par

la révélation du Verbe incarné. Pour chacun de ces stades, il admet qu’une lumière plus intense rayonne sur ceux qui reçurent la révélation initiale. (Il* II tt », .q. 1 7 4 a. 6 : Utrutn gradua prophetiæ vdrientur secundiim temporis processus.) Il va sans dire que le point de vue de saint Thomas diffère essentiellement de celui où Vincent de l.érins s était placé pour découvrir de longues perspectives sur l’avenir des dogmes. Saint Thomas ne nomme jamais le moine de Provence. Le Comnumiturium subissait alors une éclipse qui dura tout près de mille ans ; la Réforme allait obliger les catholiques de le remettre en honneur.

VI. Origines protestantes. — Le Concile de Trente. — L’histoire des origines protestantes est celle d’une longue insurrection contre la tradition ecclésiastique. Les réformateurs n’en vinrent à prôner l’Ecriture comme règle unique de foi qu.- par besoin de couvrir leur émancipation d’un prétexte honorable, et d’opposer uu semblant de digue aux progrès de l’incrédulité.

Les premières phases de cette évolution nous montrent la révolte gagnant de proche en proche, jusqu’à compromettre 1 idée même du christianisme. La querelle des indulgences avait mis Luther sur le chemin des négations radicales. Il commença par rejeter la doctrine commune de la justification ; le principe du libre examen passa par cette brèche, et bientôt d’autres dogmes, jusqu’alors réputés indiscutables, apparurent mal fondés dans la Bible. Luther avait nié la transsubstantiation du pain et du vin dans l’Eucharistie ; Carlostadt renchérit, en niant la présence réelle de Jésus-Christ au sacrement ; Zwingle s’en prit encore au péché originel. Depuis la Confession d’Augsbourg, expression soidisant définitive de la croyance luthérienne, les déclarations de foi ne cessent de pulluler dans les diverses Eglises protestantes : rien ne prouve mieux que leurs perpétuelles variations la nécessité, pour le christianisme, de s’ancrer dans une tradition authentique, s’il ne veut être emporté à tout vent de doctrine. Les sociniens ne devaient pas tarder à révoquer en doute la divinité de Jésus-Christ : ces enfants terribles de la Réforme ne faisaient que pousser à bout les principes d’où le protestantisme était né, tandis que d’autres reculaient devant les dernières conséquences.

En présence de cette formidable éclosion de nouveautés, l’Eglise catholique éprouva tout d’abord le besoin de se recueillir, et d’assurer ses positions dogmatiques. Le concile de Trente, en canonisant à la fois les Livres saints elles Traditions orales qui, des lèvres dn Christ, par l’intermédiaire des Apôtres, sont parvenues jusqu’à nous (Sessio iv, Decretum de canonicis Scripturis), restaura la croyance de l’antiquité chrétienne et fournit à la défense religieuse une base ferme d’opérations. En même temps, des polémistes catholiques s’occupaient de mettre les vieux armements de l’Ecole à la hauteur des dangers nouveaux. En cette Un du seizième siècle, les noms de Cano et de Bellarmin brillent d’un éclat particulier, comme ceux des docteurs de la Tradition.

L’année même où se dispersaient les Pères de Trente (1563), parut à Salamanque le De locis theologicis, œuvre posthume du dominicain Mblcrior Cano, qui avait pris part aux travaux de ce concile avant d’être élu évêque des Canaries. (Rcerendissimi I)D. Melchioris Gani episcopi Canariensis Ordinis Prædicatorum et sacræ theologiæ professoris ac primariæ cathedræ in academia Salmanticensi olim præfecli, De locis theologicis lihri XII. Snlman-