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TRADITION CHRÉTIENNE DAXS L’HISTOIRE

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avait connu les orages du monde ; poussé par In grâce du Christ au port de la religion, il ne songeait plus qu’à servir Dieu dans l’humilité chrétienne et à sauver son âme. Ces pages émues, et d’une langue distinguée, ont conservé, avec l’accent d’une foi profonde, l’écho encore vibrant des controverses qui marquèrent le premier tiers du cinquième siècle.

Le Commonitorium ne se présente pas comme une œuvre achevée : simples notes personnelles, que l’auteur se propose de reprendre et d’amener à une plus grande perfection Peregrinus a, maintes fois, demandé à de saints et doctes personnages unerègle ùre et générale pourdistinguer.de la vérité catholique, les mensonges de l’hérésie ; et on lui a constamment répondu de s’en rapporter d’abord à l’autorité de la loi divine, puis à la tradition de l’Eglise catho’ique. Et pourquoi pas à l’Ecriture senle ?C’esl que l’Ecriture, à raison de sa profondeur même, est susceptible d’interprétations différentes : il suffit d’ouvrir les yeux pour s’apercevoir qu’il existe presque autant d’opinions diverses que de commentateurs. On ne peut sortir de cette anarchie que par le recours au sens ecclésiastique et catholique. Commonitoritim, n et in. J’emprunte la traduction de M. db Labriollr, dans l’édition qu’il a donnée avec F. Brunbtikrb. (Paris, 1906)

Dus l’Eglise catholique elle-même il faut veiller soi- | gneusement à s’en tenir à ce qui a été cru partout, toujours I et par tous. Car c’est cela qui est véritablement et proprement catholique, comme le montrent la force et l’étymologie du mot lui-même, qui enveloppe l’universalité des choses. Et il en sera ainsi, si nous suivons l’université, l’antijuité, le c insentement général. Nous suivrons l’uni ersuiité. si nous con r essons comme uniquement vraie la foi que confesse l’Eglise entière répandue dans l’univers ; l’antiquité, si nous ne nous écartons en aucun point des sentiments manifestement partagés par nos saints aïeux et par nos pères ; le consentement, enfin, si, dans cette antiquité même, nous adoptons les définitions et les doctrines de tous les évoques et les docteurs.

Que fcra donc le chrétien catholique, si quelque parcelle de l’Eglise vient à se détacher de la communion, de la foi universelle ? Quel autre parti prendre, sinon de préférer au membre gangrené et corrompu le corps dans son ensemble, qui est sain ? Et si quelque contagion nouvelle s’efforce d’empoisonner, non plus seulement une petite partie de l’Eglise, mais l’Eglise tout entière à la fois ? Alors encore, son grand souci sera de n’attacher à l’antiquité, qui évidemment, ne peut plus être séduite par aucune nouveauté mensongère. Et si, dans l’antiquité m ?nr, e, une erreur se rencontre, qui soit colla de deux ou trois hommes, ou d’une i ville, ou même d’une province ? Alors il aura grand soin ! de préférer à la témérité ou à l’ignorance d’un petit nom- | bre les décrets (s’il en existe) d’un concile universel tenu anciennement au nom de l’rnscmble des fidèles. Et si quelque opinion vient enfin à surgir qu’aucun concile n’ait examinée ? C’est alors qu’il s’occupera de consulter, d’interroger, en les confrontant, les opinions des ancêtres, de ceux d’entre eux, notamment, qui. vivant en des temps et des lieux différents, sont demeurés fermes dans la communion et dans la foi de la seule Eglise catholique et y sont devenus des maitres autorisés ; et tout ce qu’ils auront soutenu, écrit, enseigné, non pas individuellement, ou à deux, mais tous ensemble, d’un seul et même accord, ouvertement, fréquemment, constamment, un catholique se rendra compte qu’il doit lui-même y adhérer sans hésitation.

Les annales de l’Eglise présentent maintes fois ce spectacle (Commonitoritim, iv), et il est remarquable que les âmes les plus religieuses se montrèrent toujours les plus énergiques à repousser toute nouveauté. Tel le bienheureux pape Etienne, dans l’affaire du baptême des hérétiques. Depuis lors, un retour surprenant a pleinement justifié sa conduite : tandis que Cyprien et ses collègues, jadis entraînés par une erreur passagère, sont tenus pour saints, les Donatistcs, héritiers de même doctrine, ont fait schisme.

Si parfois Dieu permet que des hommes éminents dans l’Eglise enseignent des nouveautés condamnables (Comm., x-xvi). il le fait pour éprouver la fidélité de ses serviteurs. Quand Nestorius, brebis changée en loup, méconnaît la divinité du Christ, quand Photin s’en prend à la Trinité, quand Apollinaire compromet la divinité du Christ et mutile son humanité, l’Eglise catholique n’hésite pas à repousser ces blasphèmes. Cependant, la tentation peut êlre d’autant plus redoutable qu’elle vient de plus haut (xvn). Origène, ce génie incomparable, laissa derrière lui bien des ruines ; Tertullien (xvm), non moins grand parmi les Latins qu’Origène parmi les Grecs, fut, lui aussi, une grande tentation dans l’Eglise. Mais, selon le mot de saint Parti, il faut qu’il y ait des hérésies, pour la manifestation des vertus inébranlables (xx-xxi). Loin de se laisser troubler par ces accidents, les vrais catholiques s’attachent uniquement à la vérité divine garantie par l’Eglise, et ne font nul cas du reste ; seuls, des esprits remuants, en quête de nouveautés, croient nécessaire d’ajouter, de changer, de retrancher sans cesse quelque chose à la religion, comme s’il s’agissait, non d’un dogme révélé du ciel une fois pour toutes, mais d’une institution humaine essentiellement perfectible.

Est-ce à dire qu’il ne peut y avoir dans l’Eglise du Christ aucun progrès religieux ? Loin de là, le progrès doit exister, il doit être intense… (xxni)

Mais sous cette réserve, que ce progrès constitue vraiment pour la foi un progrès et non une altération : le propre du progrès étant que chaque chose s’accroît en demeurant elle-même, le propre de l’altération qu’une chose se transforme en une autre. Donc, que croissent et que progressent largement l’intelligence, la science, la sagesse, tant celle des individus que relie de la collectivité, tant celle d’un seul homme que celle de l’Eglise tout entière, selon les âges et selon les siècles ! Mais à condition que ce soit exactement selon leur nature particulière, c’est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, dans la même pensée.

Avec quelle insistance l’Apôtre n’inculque-t-il pas le devoir de fuir les nouveautés profanes, attentatoires à la foi des Pères (xxiv) ! Par de telles nouveautés, Pelage et son « prodigieux » disciple, Célestin, se sont eux-mêmes exclus de l’Eglise. De même Arius, Sabellius, Novatien, Simon le magicien et, de nos jours, le dernier héritier de son infamie, Priscillien.

L’habitude et la loi de presque toutes les hérésies, c’est d’aimer les nouveautés profanes, de mépriser les maximes de l’antiquité et, par les objections d’une prétendue science, de faire naufrage loin de la foi. Au contraire, le propre des catholiques est de garder le dépôt conhé par les saints Pères, de condamner les nouveautés profanes, et, comme l’a dit et répété l’apôtre, de crier anathème à quiconque annonce une doctrine différente de celle qui a été reçue.

Pour qui l’envisage dans un recul suffisant, la pensée générale de cet opuscule est parfaitement claire : l’auteur ne fait que renouveler, en les appuyant d’exemples qu’il emprunte à l’histoire de l’Eglise, les recommandations de l’Apôtre en faveur de la fidélité due an dépôt de la foi, et à rencontre des nouveautés profanes ; ou encore la sentence du pape Etienne dans l’affaire du baptême des hérétiques. C’est pour préciser la portée de ces recommandations, qu’il formule la règle célèbre : S’en tenir à ce qui a été cru partout, toujours et par tous : Id teneamus qttod unique, qttod semper, qttod ab omnibus creditum rst. Règle d’une application évidente, au cas d’une nouveauté qui se lève en face d’une tradition constante et assurée,