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TOTEMISME

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misiue dans la Religion d’Israël, à cause de son importance, demande quelques développements.

IV. Le Totémisme et la Religion d’Israël. — C’est Mac Lbnnan qui soutint le premier, en 1870, l’existence du Totémisme chez les Israélites, en se basant sur ce fait que les étendards israéliles portaient des images d’animaux. Robbrtson Smith, en 1 880, compléta cette théorie dans un article du Journal of Philology, où il affirmait, entre autres choses, que David appartenait au clan des serpents et que les interdictions alimentaires n’avaient d’autres raisons d’être que les croyances totémiques. Ces atlirraations eurent de suite une grande fortune. Wilckbn y ajouta la preuve supposée du matriarcat des Arabes. Les savants anglais combinèrent ces documents et en tirèrent leur hypothèse du totémisme universel chez les Sémites, qu’ils présentèrent comme une vérité incontestablement établie. Jacous affirma qu’il avait sûrement existé dans l’antiquité préhistorique d’Israël, mais qu’à l’époque historique, dont parle la Bible, il n’en restait plus qiit : des vestiges. Cheyne et Sayce sont du même avis. Pour Lang, c’est un point hors de doute. « Le Totémisme a joué chez les Israélites un grand rôle », ajoute Wii.dbokk, « et il est possible qu’ils aient honoré les animaux parce qu’ils voyaient en eux les pères de leur peuple ». J. Benzinger a cru trouver un argument de plus dans les noms d’animaux qu’on donnait aux individus ou aux familles.

Le professeur Zapletal, de Fribourg, a traité à fond des rapports du totémisme et de la religion d’Israël, dans un ouvrage qui a obtenu les approbations des critiques les plus rationalistes d’Allemagne. Désormais, pour beaucoup d’orientalistes sincères, il ne saurait pas être question de totémisme chez les Israélites. Nous ne pouvons que résumer ici les principaux points de la discussion.

1) L’argument tiré des noms d’animaux n’est pas sérieux. Sans doute il y a dans l’Ancien Testament 61 noms d’animaux appliqués soit à des familles, soit à des hommes, à des femmes ou à des lieux. Mais, en tout, c’est à peine un pour cent des noms de la Bible. Or, en Angleterre, par exemple, trois pour cent des noms de famille sont des noms d’animaux. Pourquoi voudrait-on, d’une si faible proportion, conclure au totémisme des Israélites, alors qu’on n’en n’a même pas la pensée quand il s’agit des Anglais ? D’ailleurs, parmi les noms de ce genre, il y en a à peine 30 qui soient les vrais noms de famille des pères ou des mères, et 10 seulement servent à désigner des gentes. Et même si ces noms de famille étaient en nombre plus considérable, qu’est-ce que cela prouverait ? Ils pouvaient être à l’origine des noms d’individus.

On donne souvent aux individus des noms qui rappellent leurs qualités physiques, intellectuelles ou morales. Il en était ainsi chez les Arabes, et chez les anciens Egyptiens. Pourquoi pas chez les Israéliles ?

2) Le culte de la nature, notamment des astres, des pierres, des arbres et des animaux, qu’on rencontre mentionnés de temps en temps dans la Bible, ne prouve pas le totémisme des Israélites.

Les Israélites trouvèrent établi le culte du soleil à leur arrivée en Palestine, comme on peut le conjecturer de certains noms de lieu tels que Bethschemesh (maison du soleil) en Juda (/ox., xv, 10), en Naphtali (Jos., xix, 38), en Issachnr-Zabulon (Jos., xix, 22) et En-schmesh (Jos., xviii, 17). Au temps des Rois, notamment sous Manassé, Juda subit l’influence du cuite assyrien du soleil, et de la lune, des étoiles et du zodiaque. Manassé adora le grand mai- I

tre du ciel et lui bâtit un autel (IV Reg., xxi, 3, 5) ; des chevaux et des chars étaient consacrés au soleil (IV Reg., xxiii, 11), et les femmes de Jérusalem vénéraient la reine du ciel (Jer., vii, 18). Ces faits témoignent de l’existence du culte des astres chez les Israélites ; mais aucun ne fournit un symptôme caractéristique du totémisme. Ce culte était en partie d’importation étrangère. D’ailleurs, on peut l’expliquer par l’admiration pour les astres, dont la splendeur et l’éclat charmaient les hommes, et qu’on divinisait à cause de cela. Il y a des témoignages bibliques en faveur de cette interprétation (cf. Job, xxxi, 27 etsuiv. £>(ig., xiii, 2, suiv.).

Le culte des pierres n’est pas un argument plus solide. Chez beaucoup de peuples on trouve des blocs de pierre, des rochers qui, à cause de leur masse imposante ou de leur forme, sont tenus pour des êtres animés et dont on attend des secours. Les Hébreux avaient des pierres sacrées, qu’ils appelaient Masscba. Et parce qu’elles étaient désignées par un nom propre, on a voulu voir en elles un vestige d’un fétichisme antérieur. Or, chez les anciens Sémites, comme chez les Hébreux, ces pierres n’étaient pas regardées comme des dieux, mais comme des habitations de Dieu. C’est pourquoi on les appelait souvent Bethel, qui a pour correspondant en grec ^ « iruiot. Les Masseba avaient encore deux autres significations : elles servaient d’autels ; on offrait souvent sur elles des sacrifices, on les frottait du sang des animaux ou d’huile. Ce pouvait être aussi des présents offerts à la divinité pour obtenir une faveur, ou pour la remercier.

Nous n’avons aucun renseignement certain sur le culte des arbres chez les Israélites avant leur installation en Chanaan ; avec le temps, ils s’y adonnèrent de plus en plus.

Les prophètes parlent des « arbres verts » sous lesquels on sacrilie. Cette expression a le même sens qu’adorer les idoles (cf. Dtut., xa, 2 ; Jer.. 11, 20 ; Ezec., vi, 13). Il ne faut pourtant pas croire que tous les arbres mentionnés dans la Bible soient par le fait destinés à ce culte. Plusieurs dataient du temps préisraélite, et on n’a aucune preuve que les Hébreux les aient adorés. Tels sont le chêne de Sichem {Gen., xii, 6 ; xxxv, 4 ; Jos., xxiv, 26 ; Jud., ix, 37), les térébinthes, notamment le bois de térébinthes d’Hébron (Gen., xiii, 18 ; xiv, 13 ; xviii, /J), le chêne sous lequel Debora, la nourrice de Rébecca, était enterrée (Gen. xxxv, 8). D’autres arbres avaient été plantés en reconnaissance d’un bienfait, comme le tamaris de Be’er-Sheba’{Gen., xxi, 33), ou indiquaient la situation d’un lieu, comme le térébinthe sous lequel Abimélech avait été proclamé roi {Jud., ix, 6), le palmier sous lequel jugeait Debora {Jud., iv, 5). Dans tous ces cas, le culte des arbres n’a rien de totémique, pas plus d’ailleurs que les noms déplantes donnés souvent aux Israélites. Il y en a 25 cités dans la Bible, comme’Ela (chêne), Qôs (buisson d’épines), Thamar (palmier), Thappiteh (pommier), etc., etc. La signification de plusieurs de ces 25 noms reste douteuse, quelques-uns sont des noms de personnes, peu des noms de famille. Pourquoi n’aurait on pas appelé un enfant « buisson d’épines », parce qu’on le croyait destiné à piquer les autres ? Encore une fois, il n’y a là rien de totémique.

Les animaux vénérés des Israélites n’étaient pas considérés comme des incarnations de la divinité. Les Egyptiens avaient cette conception ; mais non les Israélites. Il est question, dans l’Ancien Testament, d’honneurs accordés au serpent, au cheval, au chien et à l’àne, au porc, aux souris et au veau. Dans aucun cas on ne peut y voir de totémisme. Les