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THOMISME

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XLII, 688 : Xec sic assumptus est ut prius creatus post assumeretur, sed ut ipsa assumptione crearetur. Saint Léon le Grand, Ep., xxxv, a, P. L., LIV, 807 C : M’attira quippe nostra non sic asstimpta est ut prius creata post assumcretur, sed ut ipsa assumptione crearetur. Facundus d’Herniianc, Pro defensione trium cap.. XI, 7, P. /.., LXV1I, 818 : Semper ad Dei Verbi subsistentiam humanitas illa périmait, nunquamque sibi velui in propria persona subsistil, assumentis subsistentiam nacta et in iltam nascendo transiens vel transeundo nascens, cui causa oriendi totumque quod oria est, ipsa fuit assumptio. Voir dans cette insistance à rapprocher creatio et assumptio, et à expliquer l’une par l’autre, la seule perception d’une simultanéité temporelle, et non pas l’intention de souligner un rapport formel, serait faire violence aux mots. Un commentaire purement chronologique viderait ces textes du sens dont ils sont pleins. Sans aller jusqu’à confondre le concept formel de creatio avec celui A’assiunptio, il faut laisser à l’ablatif instrumental ipsa assumptione toute sa force grammaticale. L’intention de saint Augustin et des Pères qui l’ont suivi est de montrer dans {’assumptio naturæ humanae, une création sui generis, terminée à l’Etre du Verbe.

Et ce ne sont pas là des textes isolés, péniblement glanés à travers l’une et l’autre Patrologie, mais de véritables lieux communs, éclairant la pensée commune des Pères. Le premier montre dans le Verbe le fondement de l’Etre du Christ ; le second montre le caractère singulier de cette création terminée à l’Etre divin.

Saint Thomas devait ici — comme clans la matière de la grâce — opérer la fusion entre l’esprit de saint Augustin et celui de saint Jean Damascène. Il considère l’union hypostatique dans l’opération divine qui la produit, avec saint Augustin ; il la considère dans son effet formel, avec le Damascène. Il écrit, IIP, q. 2, art. 8 : Utrum unio Verbi incarnati sit idem quod assumptio. R. d. q… prima et principalis differentia inter assumptionem et unionem est quod unio importât ipsam relationem, assumptio aillent actionem… Ex hac autem differentia accipitur secundo alia differentia : nam assumptio dicitur sicut in fîeri, unio autem sicut in facto esse… D’où il résulte que soit in fîeri, soit in facto esse, l’assomption de la nature humaine à l’unité de la personne du Verbe apparaît à saint Thomas comme le fondement d’une relation proprement ontologique.

2e Etre de personne et être de nature. — On croit éluder la nécessité de l’Etre unique dans le Christ, en faisant observer que saint Thomas affirme seulement l’unité d’Etre personnel ; que par ailleurs il affirme un double être de nature, et qu’il doit l’affirmer, pour n’être pas monophysite ; on nous montre cette aflSrmation, IIP, q. 17, a. 2 : Quia in Christo sunt duæ naturæ et una hypostasis, necesse est quod ea quat ad naturam pertinent in Christo sint duo, quæ autem pertinent ad hypostasim in Christo sint unum tantum. Esse autem pertinet et ad naturam et ad hypostasim : ad hypostasim quidem sicut ad id quod kabet esse ; ad naturam autem sicut ad id quo aliquid habel esse. On nous la montre beaucoup plus distinctement dans la Quæstio unica de unione Verbi incarnati, art. 4 : Utrum in Christo sit unum tantum esse :

R. d. q… ex coJem dicitur aliquid esse unum et ens. Esse enim proprie et rere dicitur de supposito snbsistente : accidenlia enim et formæ non subsistentes dicuntur esse in quantum eis aliquid subsistit… Considerandum est autem quod aliquæ formæ sunt quibus est aliquid ens non sim^l’citer sed secundum quid, sicut snnt omnes formæ accidentales ; aliquæ autem formæ sunt

quibus res subsistons simpliciter habet esse, quia videlicet constiluunt esse substunliale rei subsisteutis. In Christo autem suppositum subsistens est personuKilii Dei, quæ simpliciter substunlificatui- per nuluram dirinam, non autem simpliciter substantificalur per naturam humanam : quia persona Filii Dei fuit ante humanitatem assumptum, nec in aliquo persona est augmen tara seu perfectior per naturam humanam assumptam. Substautiticatur autem suppositum aeternum per naturam humanam in quantum est hic bomo ; et ideo, sicut Chris tua est unum simpliciter propter unitatem suppositi, et duo secundum quid propter duas naturas, ita habel unum esse simpliciter propter unitatem suppositi, et duo secundum quid propter duas naturas, ita habet unum esse simpliciter propter unum esse aeternum aelerni suppositi. Ksi autem et uliud esse huius suppositi, non inquantum est aeternum, sed inquantum est temporaliter bomo f.icttiui : quod esse etsi non sit esse accidentale, quia bomo non prædicalur accidentaliter de Kilio Dei…, non tamen est esse principale sui suppositi, sed secundarium. Si autem in Christo essent duo supposita, tune ulrumque suppositum haberet proprium esse sibi principale ; et sic in Christo osset simpliciter duplex esse.

D’où l’on s’empresse de conclure que, dans l’unité de la personne du Christ, il faut distinguer un double être : l’Etre incréé de la nature divine et l’être créé de la nature humaine.

Le malheur de cette argumentation est de procéder a priori, et de ne tenir aucun compte des lumières que saint Thomas nous fournit sur sa propre pensée.

Tout d’abord, faisons retour sur la doctrine du composé humain, véritable pierre de touche pour l’intelligence des développements relatifs au composé théandrique.

On sait avec quelle rigueur saint Thomas affirme l’unité de forme substantielle dans le composé humain. Cette unique forme substantielle, c’estl’âme intellective, et l’on pourrait être incliné a priori à croire que saint Thomas répugne à parler, dans l’homme, d’une âme sensitive et d’une âme végétative. Qu’on ne se presse pas trop de conclure. Saint Thomas n’oublie pas que l’âme intellective, une par son essence, est multiple par sa vertu, I », q. 76, a. 5, ad 3 : Anima intellectiva, quamvis sit una secundum essentiam, tamen propter sui perfectionem est multiplex virtute. Il va plus loin ; et amené à discuter ex professo la question des puissances de l’âme, il ne craindra pas de débiter, pour ainsi dire, l’âme spirituelle en trois tronçons, dont l’un sera l’âme proprement rationnelle, le second l’âme sensitive, le troisième l’âme végétative. Il sait très bien que ce ne sont pas trois âmes, mais une même âme en trois fonctions différentes. La hardiesse de son langage est notable. I’, q. 78, a. 1 : … Est quædam operatio animæ quæ in tantum excedit naturam corpoream, quod neque etiam exercetur per organum corporale ; et talis est operatio animæ rationalis, Est autem alia operatio animæ infra istam. q :.ae quidem fit per organum corporale, non tamen per aliquam corporis qualitatem. Et talis est operatio animæ sensibilis …Infima autem operationum animae est quæ fit per organum corporeum et virtute corporeæ qualitatis… et talis est operatio animae vegetabilis.

Ce langage est notable. Il montre que saint Thomas ne répugne nullement à parler de plusieurs âmes, encore qu’il sache fort bien qu’il n’y en a qu’une ; étant assez clairement entendu qu’il s’agit d’une même âme en plusieurs fonctions distinctes. A raison de ses fonctions distinctes, l’anima rationalis est appelée quelques lignes plus bas anima sensibilis, et encore quelques lignes plus bas, anima vegetabilis. Retenons cette observation. Car s’il