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THOMISME

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VII. Application à la théologie de l’Incarna-Uan. — Le mystère de l’Incarnation niellait saint Thomas en présence d’une révélation précise et auguste entretoutes. S’il n’a point prétendu l’épuiser, on peut être sur qu’il n’a rien négligé pour en ir l’impression fidèle et pour la rendre avec toute l’exactitude dont il était capable. Voyons- le donc d’abord en présence de la donnée révélée.

Dans son commentaire sur saint Jean, c. i, lect. 7, il rencontre le texte : Verbum caro factum est, et s’applique à en exprimer la substance. D’abord il écarte les diverses erreurs qui en ont faussé le sens.

D’une part, erreur d’Kutychès, qui par un littéralisme grossier imagina une. conversion du Verbe divin en la chair. Erreur d’Arius qui, moins grossier dans son littéralisme mais non moins impie, n’accorda au Christ que la chair et point d’àme. Erreur d’Apollinaire qui, par un amendement à l’hérésie d’Arius, accorda au Christ une àme sensitive, mais point d’àme intellectuelle. Après avoir réfuté ces diverses erreurs et justifié, par raisons d’opportunité, l’énergique concision de l’apôtre, saint Thomas passe aux erreurs opposées.

Erreur de Nestorius, qui distinguait dans le Christ la personne de Dieu et celle de l’homme. Erreur plus subtile des Trois-Chapitres, amendant la conception de Nestorius et n’admettant plus qu’une personne, mais deux suppôts.

Ayant ainsi déblayile terrain, saint Thomas formule sa propre conception de l’union hypostatique.

Si vero quæris quomodo Verbum est homo, dicendum qood eo modo est homo quo quicumque alius est homo, se. habeus htiinanam natuiMiu ; non quod Verbum sit ipsa humana natura, sed est divinuin suppositum unitum humanæ naturae. Hoc autem quod dicitur : Verbum caro factura est, non aliquam mututionein in Yerbo, sed solum in natura « ssumpln de novo in unitalem pers.mæ divinae dicit : Et Verbum caro factum est, per unionein ud carnem ; unio autem relatio quædam est ; relationes autem de noTo dictæ de Deo in respectu ad creaturas, non important mutationein ex parle Dei, sed ex parte creaturae novo modo se habenti* adDeuin.

Voilà donc la réalité en face de laquelle se met saint Thomas, et qu’il s’agit d’analyser selon la mesure de nos esprits : la condition de cette humanité novo modo se habentis ad Deum. La condition de l’humanité du Christ est autre qu’elle ne serait si cette humanité n’avait pas été assumée par le Verbe divin. Elle est assumée par le Verbe divin en unité de personne.

Et donc le Verbe incarné est un composé, unique dans toute l’œuvre divine, un composé en qui se rencontrentle Créateur et la créature. Le seul énoncé des termes dit assez qu’on ne 1 expliquera point. Mais pour aller aussi loin que possible dans la traduction du système, que va faire saint Thomas ? Il recourt aux analogies créées, et se tourne vers les composés qui existent dans la nature.

On sait quelle place tient dans sa philosophie la théorie de l’acte et de la puissance. On sait également que, non content de résoudre la réalité en ses éléments intelligibles, il se préoccupe de hiérarchiser ces éléments et d’assigner à l’acte le rôle qui lui appartient en regard de la puissance qu’il informe. Cette préoccupation se fait jour dans l’analyse de l’être créé, composé de principes distincts, l’essence et l’être ; dans l’analyse de la substance corporelle, composée de principes distincts, matière et forme substantielle ; dans l’analyse de l’être vivant, composé de principes distincts, matière vivante et àme vivifiante ; dans l’analyse de la personne humaine, composée de principes distincts, corps vivant et àme intellectuelle. L’analogie du composé humain est la

Tome IV.

moins imparfaite dont il puisse s’inspirer pour tenter l’analyse du composé théandiique.

Notons d’abord avec quelle insistance saint Thomas rappelle, en s’nppuyant sur l’autorité d’Aristote, que la créature, constituée dans un certain degré d’être substantiel, ne peut, sans détriment de ce degré d’être, se voir constituée dans un nouveau degré d’être substantiel ; mais tout degré d’être qui survient, après sa constitution dans ce degré d’être substantiel, ne peut cire qu’accident. De ce principe universel, il fait l’application particulièrement au composé humain, en qui les fonctions de la forme substantielle, de l’âme végétative, de l’âme sensitive, sont récapitulées dans l’unique àme spirituelle. Voir notamment CG., Il, 58 ; JJe anima, a. 2 ; Qaodl. 1, q.’1 a. 1. Quodl., Il a. 5 ; Comp. J’hcol., (jo, <j 1, 02 ; l q. 70 a. 3’.

.Nous reproduirons largement une exposition particulièrement lucide.

De spiritualibus crealuris q. unica, art. 3. Utium subslunlia spiritualis, quac est anima humana, unialur corpori per médium.

Rdq. huius quæstionis veritas aliqualiter dependet ex præmissa. Sienim anima rationalis unitur corpori solum per contactum virlualem, ut motor, ut aliqui pOMierunt, iiiliil prohibebit dicere quod sint multu média inler animam et corpus, et inayis inter animam et malaria m primam. Si vero ponatur anima uniri corpori ut forma, necessee ?tdieeie quod uniatur ei immédiate. Omnis enini forma, sive subslantialis sive accidenta lis, uniturmateriae vel subiecto. Unum quodque enim secundum hoc est u :  ; um secundum quod est eus : est autem unum quoique eus actu performan, sive secundum esse substantia le, sive secundum esse accidentale : unde omnis forma est actus, et per conséquent est ratio unilatis qua uliquid est unum. Sicut igitur non esl dicere quod sit aliquod aliud médium quo materia habeat esse per suam formam, ita non potest dici quod sit aliquod aliud médium uniens formam maleriae vel subiecto. Secundum igitur quod anima est forma corporis, Don potest e-se aliquid médium inter animam et corpus ; secundum veroquod est motor, sienibil prohibet ibi ponere multa média : manifeste enim anima per cor1 us movet alia membra, etetiam per spiiitum movet corpus. Sed tune dubium restât, quod sit proprium subiectum animæ quod comparetur ad ipsam sicut materiaad formam. Circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt quod sunt multæ fortune substantiales in eodem individuo, quarumuna substeruitur alteri ; et sic materia prima non est immediatura subiectum ultimæ formæ substantialis, sed subicitur ei mediantibus formis mediis ; ita quod ipsa materia, secundum qnodestsub forma prima, est subiectum proximum formæ secundae.et sic deinceps usque ad ultimam formam. Sic igitur subiectum animae rationalis proximum est corpus perfeclum anima sensitiva, et huic unilur anima rationalis immédiate ut forma. Alia opinio est quod in uno individuo non est niai una forma substaatialis ; et secundum hoc oportet dicere quod per formam substantialera.quæ est forma humana, babet hoc individuum non solum quod sit homo, sed quod sit animal et quod sit vivum et quod sit corpus et substantia et ens ; et sic nullu alia forma substantialis præcedit in hoc homine animam humanara, et per consequens nec accidentalis : quia tune oporteret dicere quud materia prias perficiatur per formam accidentalem quam substantialem ; quod est impossible : oportet enim omne accidens fundari in substantia. Ilarum autem duarum opinionum diversitas ex hoc procedit, quod quidam ad inquirendum veritatem de natura rerum processerunt ex rationibus inlelligibilibus ; et hoc fuit proprium Platonicorum ; quidam vero ex rébus sensibilibus ; et hoc fuit proprium philosnpbiae Arislotelis…

[Exposition de l’opinion platonicienne].

1. Il existe, dans les éditions de saint Thomas, un opuscule qui truite la question d’ensemble De pluralitate formarum (Op. xlv de l’édition romaine). Cet opuscule, que plusieurs mis. attribuent à Thomas Anglicus, doit être restitué à Thomai de Sutton, 0. P., fin du XMP siècle.

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