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THOMISME

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rent « t y lixerplus ou moins le choix « le la volonté. L'élection suit le damier jugement pratique ; il est le dernier, justement parce que ia volonté a le dernier mot. L'élection est formellement de la volonté, fondamentalement de l’intelligence. C’est la volonté qui, en arrêtant l’intelligence sur tel aspect des choses, détermine le dernier jugement pratique. Il y a priorité mutuelle et causalité réciproque entre le jugement pratique et le choix volontaire. I a q. l05 a. I ; 1' 11 » ' q. y et 10 ; q. 13 et j4 Cause contingente de sa propre détermination, à raison de sa perfection même, la volonté donne à l’impulsion reçue de Dieu la direction de son lihre choix. 1Il Ce.., 73.

Par les deux puissances qui concourent à la conduite de notre vie, nous reflétons diversement les attributs divins : l’intelligence nous conforme à Dieu, acte pur et intelligence ; la volonté nous conforme à Dieu, moteur de l’univers.

Conclusion. — On peut ramasser en peu de mots ces premiers principes thomistes.

La transcendance de l’Etre divin, avec son corollaire, l’analogie de l'être.

La synthèse universelle autour des notions d’acte et de puissance, avec ses applications à divers degrés : composition réelle d’essence et d'être dans tout le créé ; composition réelle de matière et de forme dans tout le sensible ; composition réelle de substance et d’accident.

Le monde des esprits, avec ses formes pures, distinctes comme autant d’espèces.

Le monde des corps, avec ses composés substantiels de matière et de forme, capables de multiplication dans l’espèce, grâce à ce principe d’individuation qu’est la matière quantitative.

L’unité de forme substantielle, loi universelle de ce monde.

Au sommet, l’homme, trait d’union entre le monde des esprits et le monde des corps par son âme spirituelle qui, opérant dans l’un et dans l’autre, appartient par son être même à l’un et est engagée dans l’autre ; abrégé complet de la création par la multiple vertu de son àme, associée d’une part à la liberté des esprits, d’autre part aux plus humbles fonctions de la matière.

Au-dessous, les animaux et les plantes, distingués et animés par des âmes qui, destinées aux seules fonctions de la vie organique, périssent avec l’organisme.

L’homme, appelé à connaître tout être et à posséder tout bien en Dieu, puisant dans les données des sens la semence d’opérations intellectuelles ; incliné par nature au bien universel de sa nature, et se déterminant par choix au bien particulier, réel ou apparent.

Telles sont les grandes lignes de la synthèse thomiste.

Les fins de non-recevoir qu’on lui oppose parfois impliquent des paralogismes étranges et uneconception plutôt déconcertante de l'évidencemétaphysique. Tel anatomisle demandait, pour adhérer aux doctrines spiritualistes, qu’on lui montrât « un bout d'âme ». A l'égard de la synthèse thomiste, on entend parfois formuler des exigences de même ordre. Nous ne saurions y satisfaire.

Mais nous croyons que ces propositions, prises une à une, s’imposent à la réflexion et valent par elles mêmes. Nous croyons de plus que, prises en bloc, elles se donnent un mutuel appui et valent par la synthèse.

Saint Thomas ne dissimule pas ses emprunts, et son texte apparaît constellé de références. Tel con naisseur éminent de la scieuce médiévale a pu s’arrêter à cette observation du dehors, et méconnaître l’existence d’une « philosophie thomiste ». P. Duhkm écrit : « La vaste composition… se montre à nous comme une marqueterie où se juxtaposent, nettement reconnaissables et distinctes les unes des autres, une multitude de pièces empruntées à toutes les philosophies du paganisme hellénique, du christianisme patristique, de l’islamisme et du judaïsme. » Le système du monde, t. V, p. 562, Paris. 1917

Ce jugement trahit quelque précipitation. La vérité apparaît autre si, au lieu de s’en tenir à l’inventaire des sources, on prend la peine d'éprouver la trame du développement. On constate aussitôt que saint Thomas transforme tout ce qu’il touche. Assurément, il tient en quelque estime l’apport de la raison naturelle et n'éprouve pas le besoin de faire table rase ; son entreprise n’a rien d’un Discours de la méthode. Mais s’il se montre accueillant à tout et à tous, ce n’est pas indigence ; c’est largeur d'âme et hauteur d’esprit. Il prend son bien où il le trouve, mais avant de le prendre, il l’a éprouvé. Qu’on examine un à un les articles de la synthèse précédente : on constatera sur tous l’empreinte originale d’un puissant esprit. L’expérience est facile. Les penseurs qu’il met à contribution, saint Thomas ne les subit pas, parce qu’il les domine tous. Il n’en redoute aucun, parce qu’il a conscience de sa force, et le legs du passé se retrouve chez lui, dégagé de toute scorie.

L’empirisme aristotélicien a subi des corrections multiples et un approfondissement qui le rend méconnaissable. Le mysticisme platonicien a été refondu à la lumière du spiritualisme chrétien ; à la place d’une théorie aventureuse, règne une discipline austère. Saint Thomas doit immensément à saint Augustin ; néanmoins, on l’a vii, il ne craint pas de lui fausser compagnie à tel tournant décisif. Ainsi en est-il à plus forte raison de tout autre Père : quand il s’attache au texte de Denys, loin de l’annexer tel quel, il le dissèque, il le critique. Il ne néglige ni Avicenne, ni Averroès, ni Maimonide, mais pour une perle qu’il y découvre, que de leçons il leur donne ! Il est vraiment le « spirituel qui juge tout et n’est jugé par personne ». (I Cor., 11, 15).

Le trait le plus original de cette philosophie est une robuste et simple unité. Unité non pas d’un conglomérat fortuit, mais d’un organisme vivant qui informe tout : présomption de vérité dans l’ordre naturel et gage de fécondité dans l’adaptation à l'œuvre théologique.

VI. La méthode théologique de saint Thomas. — La méthode théologique de saint Thomas s’exprime, au début de la Somme, avec une clarté souveraine. Après avoir déclaré dans son prologue qu’il adaptera son enseignement aux besoins de ceux qui débutent dans la science sacrée — secundum quod congruit ad eruditionem incipientium, — il affirme avant tout la résolution d'éviter les questions inutiles, qui engendrent confusion. Dès la première question, intitulée De sacra doctrina, il jette le lecteur in médias res.

L’article 1 constate l’impuissance de l’homme devant les vérités du salut. D’où découle immédiatement la nécessité d’une révélation divine. Cette nécessité est double. Il appartient à la révélation divine de découvrir à l’homme la fin dernière surnaturelle vers laquelle il doit ordonner ses intentions et ses actions. Il appartient encore à la révélation divine d’affermir la raison naturelle dans le domaine même qui lui est propre, et où elle ne sa ; i-