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THOMISME

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ont unenaturequi restreint l’être et sont composées d’essence et d’être, comme de principes distincts.

Dans la série des vingt-quatre propositions, celle-ci est présentée comme une application des principes universels touchant le partage de tout l’Etre en puissance et acte.

La célèbre distinction divise, depuis des siècles, les écoles ; on ne s’accorde même pas unanimement à la reconnaître comme l’expression authentique de la pensée de saint Thomas. Il ne sera donc pas superflu de s’arrêter un instant à ce point de fait. Dans cette digression historique, nous prendrons pour guide un spécialiste éminent de la littérature médiévale. Dans un mémoire inséré aux Acta Hebdotnadæ thomisticae, Homæ celebralae, 19a 3 nov. 192/1, in laudemS. Thomæ Aquinatis sexto labente sæculo ab honoribus Sanctorum eidecretis, Homae, 1925, p. 131-190, Mgr M. Ghabmann étudie la tradition la plus primitive, à la lumière de documents presque tous inédits. Doctrina S. Thomæ de distinction* reali inter essentiam et esse.

Après avoir rappelé brièvement la place qui revient dans la métaphysique thomiste à cette doctrine, reconnue comme la vraie pensée de saint Thomas par l’unanimité de ceux qui l’acceptent et par plusieurs de ceux qui ne l’acceptent pas, discutée néanmoins en dépit de textes fort clairs, l’éminent auteur recueille le témoignage de l’antiquité, en commençant par la génération qui a connu saint Thomas.

Voici d’abord le chef des averroïstes latins au treizième siècle, Siger de Brabant. Dans ses Questions sur Aristote, entièrement ignorées jusqu’à ce jour et récemment découvertes par Mgr Grabmann dans un manuscrit de Munich (Clm. 9859), Siger traite la question e.r professo. Il expose les diverses opinions ; l’une d’elles est désignée, dans le manuscrit, par une note marginale, comme opinio fratris Thomae. Effectivement, l’énoncé en est emprunté au commentaire In IV Metaph., 1. 2. Siger, écrivant peu après l’année 1268, se prononce contre « l’opinion du frère Thomas ».

Voici encore un document parisien, postérieur de cinq ans à la mort de saint Thomas. Ce sont les positions prises à Paris en 1279 parle maître Ioannes Præmonstratensis et par Frater Stephanus, dans deux Quodlibeta (Codex Vindobonensis, lat. 2165). Elles supposent manifestement que Thomas a tenu la distinction réelle.

Voici toute la phalange des adversaires de la distinction réelle, qui la combattent pour l’avoir rencontrée chez saint Thomas. Au premier rang, Henri de Gand, doctor solemnis, dans son 1 er Quodlibctum, .de l’année 1276. Henri de Gand avait eu pour précurseur Robert de Lincoln ; il eut pour émule le maître Arnulphe, autrement nommé Ranulphe d’Homblonière, auteur d’un Quodlibetum donné à Paris en 1274 (Biblioth. de l’Arsenal, Cod. 379). Puis voici les disciples de Henri de Gand : avant tout, Godefroid des Fontaines, beaucoup plus radical que son maître dans son opposition à la distinction réelle ; Jean de Pouilli, en son I er Quodlibetum (Cod. Vat. lat. 1 01 7) ; Thomas de Bailli, chancelier de l’Université de Paris, dans son 5e Quodlibetum (Bibliothèque d’Avignon, Cod. lat. 1071). Puis l’école franciscaine presque entière, notamment Richard de Middleton, ordinairement plus proche de saint Thomas, en son Commentaire sur les Sentences et en son I er Quodlibetum (vers l’année 1285). Pierre Jean Olivi, dont nous pouvons maintenant lire le Commentaire sur les Sentences dans l’édition du Rév. P. B. Jansen, S. 1. ; Duns Scot, qui dit rondement : Simpliciter falsum est quod esse sit aliud ab essentia.

Voici d’autre part la plus vieille école thomiste,

défendant la distinction réelle comme la pensée de saint Thomas : Gilles de Rome, O.S. A., qui s’oppose à Henri de Gand ; Bernard de Gannat, 0. P., qui s’oppose à Godefroid des Fontaines ; Robert de Collotorto, O. P., un Anglais ; Bernard de Trilia, O.P. (t 1292), un Espagnol, qui avait suivi à Paris l’enseignement du Docteur angélique.

Ce n’est pas qu’on ne puisse nommer des thomistes très authentiques qui, sur ce point, ne se rallient pas à la pensée du maître : Mgr Grabmann a mis tout son zèle à les découvrir ; il nomme Thierry de Fribourg, O.P. ; Gérard de Bologne, O. Carm. ; Jacques Capocci de Viterbe, O. S. A., archevêque de Bénévent puis de Naples (f 1 308), fervent admirateur de saint Thomas, qui, en se prononçant contre la distinction réelle, a soin de marquer son respect pour une doctrine défendue par de si hautes autorités ; Jacques de Metz, O.P. ; Jean Sterngacius, célèbre mystique O. P. ; Hervé de Nédellec, maître général des Frères Prêcheurs, par ailleurs éminent défenseur de la pensée thomiste contre Henri de Gand, Godefroid des Fontaines et Durand ; Pierre d’Auvergne, qui n’appartient pas à l’Ordre des Frères Prêcheurs, mais ne le cédait en rien à ces derniers par son attachement à la pensée thomiste, au jugement deToléméede Lucques.

Après avoir noté ces rares exceptions, Mgr Grabmann se croit autorisé à dire que l’ancienne école thomiste, en très grande majorité, a suivi la voie tracée par Bernard de Gannat, Robert de Collotorto. Bernard de Trilia et autres, en affirmant que la distinction réelle de l’essence et de l’existence est bien la pensée de saint Thomas. Il apporte plus de vingt noms, diversementillustres ; nous pouvons nous dispenser de les transcrire, dès lors que le sentiment commun de l’ancienne école thomiste est constant. Depuis le xme siècle on discute, parfois la question d’histoire, plus souvent la question métaphysique. Niée par Durand, Scot, par toute l’école nominaliste, par Suarez et Vasquez, au xixe siècle par le Cardinal Franzelin et d’autres, la distinction réelle a fait depuis longtemps l’unanimité dans l’école thomiste ; elle n’a cessé de compter des défenseurs parmi les théologiens de la Compagnie de Jésus : Molina.les théologiens de Coïmbre, le Cardinal Pallavicini, Sylvestre Maurus ; au xix’siècle et au xxe, elle a compté des partisans illustres dans diverses écoles. Nommons Sanseverino, les cardinaux Pecci et Mercier, Mgr Farges, M. Domet de Vorges ; dans la Compagnie de Jésus, Liberatore, Schiffini, De San, Remer, Gény.le cardinal Billot.

Tel théologien, qui néglige d’y appuyer son système, ne fait pas difficulté de la reconnaître chez saint Thomas. Tel Cl. Tiphainb, S. I. (f 16/J1), dans son traité De hypostasi et persona, c. vi, n. 7, p. 28 dans l’édition de 1881 : « Essentiam in creaturis omnibus re distinguit ab essentia (id enim vel negare vel in dubium revocare, hominis est aut impudentis aut in eius doctrina peregrini.) »

Mais c’est trop nous attardera un point d’histoire. Remarquons plutôt avec quelle rigueur saint Thomas, en affirmant la simplicité absolue de l’Etre divin, le met à part de tout le créé. Ainsi In Beetium de Hebdomadibus, 1. I : Considerandum quod, cum simplex dicatur aliquid ex eo quod caret composilione, nihil prohibet aliquid esse secundum quid simplex, inquantum caret aliqua compositione, quod tamem non est omnino simplex … Si ergo inveniantur aliquæ formæ non in materia, unaquæque eurum est quidem simplex quantum ad hoc quod caret materia, et per consequens quantitate quæ est dispositio materiæ ; quia tamen quælibet forma est determinativa ipsius