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1671

THOMISME

1672

Le 29 juin KJ23, à l’occasion du dixième centenaire de la canonisation du Docteur Angélique, Pie XI traçait aux écoles catholiques, par l’Encyclique Studiorum ducem, la voie à suivre.

« Après le tableau rapide que nous avons fait des

grandes vertus de Thomas, on comprend aisément 1 excellence de sa doctrine, qui jouit dans l’Eglise d’une singulière autorité. Certes nos prédécesseurs furent toujours unanimes à le louer. De son vivant, Alexandre IV n’a pas craint d'écrire : « A notre cher fils Thomas d’Aquin, illustre par la noblesse de sa naissance et la sainteté de sa vie, à qui fut départi par la grâce de Dieu le trésor de la science. » Jean XXII parut consacrer non seulement ses vertus mais encore sa doctrine, en adressant aux cardinaux, en Consistoire, ces paroles mémorables : « Il a illuminé l’Eglise plus que tous les autres docteurs ; dans ses écrits on profite plus en un an que chez les autres maîtres en toute une vie. »

« En considération de ce renom d’intelligence et de

science surhumaine, Pie V le mit au rang des docteurs, en approuvant le titre de Docteur Angélique.

« Au reste, la meilleure marque de la très haute

estime en laquelle l’Eglise tient ce docteur, n’est-elle pas le fait que les Pères de Trente voulurent voir deux livres seulement, la Sainte Ecriture et la Somme Théologique, déposés par respect sur l’autel, dans la salle de leurs délibérations. En ce genre, pour ne pas rappeler un à un tous les documents du Siège Apostolique, qui sont innombrables, nous avons eu la joie de voir, par l’autorité et l’insistance de Léon XIII, la doctrine de l’Aquinate renaître ; ce mérite de notre prédécesseur est si grand que, comme nous l’avons dit en une autre occasion, à défaut de tant d’autres décisions et mesures pleines d’une haute sagesse, celle-là suffirait à l’immortelle gloire de Léon. Sur ces traces marcha bientôt Pie X, pontife de sainte mémoire, surtout par le Motu proprio Doctoris Angelici, qui renferme cette parole remarquable : « Depuis la bienheureuse mort du saint Docteur, il ne s’est tenu dans l’Eglise aucun concile où il ne soit intervenu par sa doctrine. » Puis Benoit XV, notre prédécesseur très regretté, a plus d’une fois manifesté le même sentiment ; il eut la gloire de promulguer le Code de Droit canonique, où

« la méthode, la doctrine et les principes » du Docteur Angélique sont pleinement consacrés. Ces hommages rendus à son très divin génie, nous les

approuvons de telle sorte que nous estimons devoir décerner à Thomas le titre de Docteur non seulement Angélique, mais encore Commun, c’est-à-dire universel ; parce que, comme il résulte d’innombrables documents littéraires en tout genre, l’Eglise a fait sienne sa doctrine. Mais il serait infini de parcourir tous les actes de nos prédécesseurs à cet égard. Nous nous bornerons donc à montrer que Thomas a écrit sous l’inspiration surnaturelle de l’Esprit dont il vivait ; et que ses écrits, renfermant les principes et les lois de toutes les sciences sacrées, méritent d'être appelés universels… »

Après avoir rappelé les prescriptions de Léon XIII et de Pie X en particulier, destinées à promouvoir l'étude et l’amour de la doctrine thomiste, le Souverain Pontife ajoute que la discrétion doit tempérer le zèle.

« Entre les vrais amis de saint Thomas, que doivent être tous les Qls de l’Eglise adonnés aux hautes

études, nous voulons voir cette noble émulation dans une juste liberté, qui favorise le progrès des études ; jamais de ces paroles malveillantes qui, loin de servir la vérité, ne peuvent que détendre les liens de la charité. Que donc chacun se fasse un devoir

de remplir le précepte du Code de Droit canonique :

« diriger l'étude de la philosophie rationnelle et de

la théologie, et la formation des élèves dans ces facultés, selon la méthode, la doctrine et les principes du Docteur Angélique, et les garder religieusement !) ; que tous se conforment à cette règle, de manière à pouvoir vraiment l’appeler leur maître. Mais qu’ils n’exigent les uns des autres rien de plus que ce qu’exige de tous l’Eglise, de tous maitresse et mère. En effet, dans les questions controversées couramment dans les écoles catholiques entre auteurs de bonne marque, chacun reste libre de suivre l’opinion qu’il estime plus vraisemblable. » (

Sur la pensée du Saint-Siège à l'égard de la doctrine thomiste depuis six siècles, voir les documents réunis par le P. J.-J. Bbrthikr, O. P., dans ses deux ouvrages : Vétude de la Somme Théologique de saint Thomas d ? Aquin, Fribourg (Suisse), 18y3 ; Sanctus Thomas « Doctor commuais » Ecclesiae, vol. I, Testimonium Ecclesiae, Romae, 191 J.

1. La continuité des directions pontificales en cette matière est indéniable. Pour la rendre manifeste, nous reproduirons deux documents : l’un de Benoit XV, répondant le 9 mars 1915 à une question posée par le Général de la Compagnie de Jésus ; l’autre de Pie XI, dans l’Encyclique Studiorum dticern, traduit ci-dessus.

BeneHictus XV, Respontum datum 9 mart. 1915.

Beatissime Pater, Ad pedes Sanctitatis Vestræ provolutus humiiiter peto ut fcianelilas Wstra ad dubia omnia tollenda responsum datum a p. m. P. Gênerait Martin in quæslione de reali inter esæntiuin et existeuliani distinctione approbare bénigne dignetur. — Re.~ponsum vero fuit sequens :

« Sententia realis distinctiouis inter essenliam et existentiara, prouti sententia contraria, est in Socielate libéra

et unieuique licet eam seqoi et docere, sub bac tamen duplici conditione : 1) Ne eum quasi funJamentum faciat totius philosophiiie christianae, alque necessariam asserat ad probandam exislenliam Dei eiusque attribut », iofinitudinem etc., et ad dogmata rite explicanda et illuslranda. 2) Ne ulla nota inuratur probatis et eximiis Societatis Doctoribus, quorum laus est in Ecclesia.

Et Deus… »

Romae, die 9 martii 1915. — W. Lcdochowski, Præp. Gen. Soc. Iesu.

Prædictuin responsum R. P. Martin novimus exaratum fuisse iuxta mentem Leonis MM tel. rec, ideoque illud approbamus el nostrum omnino facimus.

Ex aedibus Vaticanis die 9 uiorlii 1915. — Benedictus PP. XV.

La pensée positive du Saint-Siège fut précisée par une Instruction rédigée à la suite d’une réunion de la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités, tenue en février 1916 avec la participation du cardinal Mercier. Aux termes de cette instruction, rendue publique le 7 mais 1916 par l’autorité de Benoit XV, la Somme Théologique doit être le livre de texte pour la partie scolastique, et les vingt-quatre propositions doivent être proposées à titre de directions sûres : proponanlur veluti tutæ normae direclivae.

Pins XI. Litteræ Encyclicæ Studiorum ducem, 20 iul. 1923 ; Acta Ap. S., t. XV, p. 223-4.

…Scilicet inter amatores sancti Thoraae, quales omnes decet esse Ecclesiæ filios qui in studiis oplimis versantur, bonestam illam quidem cupiraus iusta in libertate aemulationem unde studia progrediuntur, intercedere, at obtrectulionem nullam, quæ nec veritati sufTragatur et unice ad dissolvenda valet vincula caritatis. Sanctum igitur unieuique eorum esto quod in Codice Iuris canonici præcipitur, ut « philosophiæ rationalis ac theologiæ studia et alumnorum in his disciplinis instilutionem professores omnino pertractent ad Angelici Doctoris ratienem, doctrinam et principia, eaque sancle teneant » ; atque ud hanc normam ita se omnes gérant ut eum ipsi suum vere possinl appellare magistrum. At ne quid eo amplius alii ab aliia exigant, quam quod ab omnibus exigit omnium magistra et mater Ecclesia : neque enim