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THOMISME

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ment singulièrement vénérable, chrétiennement. Il sutlira donc de montrer qu’il est considérable intel lectuellement. Nul ne s'étonnera de nous voir présenter avec sympathie et respect des propositions que l’Eglise nous recommande comme contenant la pensée naturelle de saint Thomas. Si le bien-fondé de cette recommandation nous échappait, nous nous tairions, tout simplement ; grâce à Dieu, nous n’avons qu'à suivre la pente naturelle de notre esprit.

Nous n’avons pas cru devoir encombrer ces pages de références. Les synthèses de la métaphysique thomiste se sont multipliées au cours des années dernières. Nommons la plus récente : Edgar dr Broynb, S. Thomas d’Aquin, Bruxelles-Paris, 1938. Parmi les auteurs que nous serons amenés à contredire, il en est pour qui l’antithomisme n’est qu’une forme, entre autres, de l’anlichristianisme. Leur nom n’avait aucun titre à figurer dans un débat rationnel. D’autres, en revanche, pourraient trouver mauvais de se voir pris à partie dans un recueil consacré à l’apologie de la doctrine catholique. Il eût été inutile, et peut-être inconvenant, de leur faire affront. Cependant le magistère ecclésiastique a recommandé, en connaissance de cause, non pas de vagues tendances, mais un thomisme concret. Une revendication de principes en faveur de ce thomisme n’a pas besoin d'être justiûée. Nous nous efforcerons de la faire objective et courte.

On sait, par ailleurs, que la doctrine de saint Thomas sur la motion divine dans la créature libre a été l’objet de commentaires divergents. Nous n’y reviendrons pas, nous étant suffisamment expliqué là-dessus à l’article Providencr, et récemment dans un volume intitulé : Providence et libre arbitre. Paris, Beauchesne, 1927. Le Syllabus des 2 4 propositions n’y touche point 1

II. La gloire posthume de saint Thomas. — Mort le 7 mars 1274, saint Thomas attendit jusqu’au 18 juillet 13a3, soit un peu moins de cinquante ans, les honneurs des autels. L’idée de sa gloriûcation à venir était née dès le premier jour, et l’Ordre des Prêcheurs ne s’en désintéressa jamais. Le délai s’explique surtout par l’autorité même qu’avait acquise le Docteur angéliqueet qui, dans la pensée de l’Eglise, donnait à la consécration officielle de son enseignement une gravité singulière. Au début du xiv c siècle, devant les puissances de dissolution qui travaillaient le monde chrétien, le geste parut opportun et ne fut plus différé.

Les démarches préliminaires de la canonisation s’ouvrirent en 1 3 1 7 et comprirent quatre phases successives : initiative de la province dominicaine de Sicile (1317-1318) ; introduction de la cause et première enquête à Naples ( 1 3 1 8- 1 3 1 9) ; enquête supplémentaire à Fossanova (13ai) ; acte de la canonisation (13a3). Guillaume de Tocco, prieur du couvent dominicain de Bénévent, qui avait connu Thomas à Naples en 1272-1274, porta le principal poids des travaux qui se conclurent en Avignon.

Le 18 juillet 1323, Thomas d’Aquin fut inscrit par l’autorité pontificale au catalogue des saints. Les fêtes de la canonisation, rehaussées par la présence de Robert, roi de Sicile, et de la reine, se déroulèrent pendant huit jours avec un éclat extraordinaire. Jean XXII avait ouvert la série des discours en développant ce texte : « Le Seigneur a glorifié son

1. Le R. P. Mattiussi y touche en passant, dans son commentaire de la 21e proposition, ch. xi, p. 271-277 de l'édition française. Nous avons en la satisfaction de nous trouver pleinement d’accor duvec lui.

saint. » (Ps., iv, 4), et proclamant que, après les Apôtres et les premiers Pères, Thomas avait, plus que tout autre docteur, illuminé l’Eglise de Dieu. Robert de Naples, prince lettré autant que pieux, se fit lui-même entendre parmi les orateurs sacrés. A la messe de saint Thomas, célébrée dans l'église de Notre-Dame-des-Doms, le 18 juillet, Jean XXII prêcha de nouveau sur ce texte : « Tu es grand et tu opères des prodiges. » (Ps., lxxxv, 10).

Les interventions du Saint-Siège en faveur de la doctrine thomiste sont innombrables. Il ne saurait être question de les énumérer ici. Bornons-nous à quelques-unes des plus solennelles, au cours du dernier demi-siècle.

Le 4 août 1879, par l’Encyclique Aeterni Patrist Léon XIII donnait le signal d’un retour à la philosophie thomiste. Il montrait d’ailleurs dans saint Thomas l'écho fidèle de la tradition antique, et reprenant im mot de Cajetan, In II » m II æ, q. 1 48 a. 4 » fin, félicitait le Docteur angélique d’avoir, « pour prix de son respect singulier envers les anciens Docteurs, hérité de leur intelligence à tous ». Il recommandait de puiser sa doctrine « à la source même, ou du moins à ces ruisseaux qui, proches de la source, roulent des ondes encore pures et limpides, selon le jugement ferme et commun des doctes ».

Le 29 juin 191 4, par le Mota proprio Doctoris Angelici, visant spécialement l’Italie, Pie X recommandait l'élude de saint Thomas dans les écoles catholiques. On lit dans ce document : « Il est clair qu’en donnant pour guide principal à nos maîtres, dans la philosophie scolastique, saint Thomas, nous avions principalement en vue ses principes fondamentaux. Car s’il faut écarter cette opinion de quelques anciens que peu importe à la vérité de la foi que l’on pense ceci ou cela sur les choses créées, pourvu qu’on pense bien sur Dieu, attendu que l’erreur sur la nature des choses engendre de fausses idées sur Dieu, il faut aussi garder saintement et inviolablement les principes philosophiques posés par saint Thomas d’Aquin, qui procurent sur les choses créées des vues pleinement conformes à la foi, réfutent les erreurs de tous les temps, permettent de discerner avec certitude les attributs incommunicables de Dieu et éclairent merveilleusement soit la diversité soit l’analogie qui existent entre Dieu et ses œuvres ; diversité et analogie que le IVe concile de Latran avait notées en ces termes : Entre le Créateur et la créature, on ne saurait noter aucune ressemblance, sans qu’il faille noter entre eux une plus grande dissemblance… »

— Peu de jours après (27 juille'), paraissaient, avec l’approbation de la Sacrée Congrégation des Etudes, les vingt-quatre propositions représentant sancti Doctoris principia et pronuntiata maiora. Le rapprochement des dates peut tenir lieu de commentaire.

Le Corpus Turis Canonici, composé par les soins de PieX, publié par l’autorité de Bbnoit XV (1918), renferme ces deux canons, touchant l'étude de la philosophie et de la théologie dans les écoles catholiques, selon les principes de saint Thomas.

589 § 1. JReligiosi in inferioribus disciplinis rite instructif in philosophiæ studia salttm per biennium et sacræ theologiæ saltem per quadriennium, doctrinæ D. Thomæ inhærentes ad normam can. 1366 § 2, diligenter incumbant, secundum instructions Apostolicæ Sedis.

1366 § 2. Philosophiæ rationalis ac theologiae studia et alumnorum in his disciplinis instilutionem professores omnino pertractent ad Angelici Doctoris rationem, doctrinam et principia, caque sancte teneant.