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THEOSOPHIE

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fondateur ». A vingt-neuf ans, le jeune initié est investi et possédé par un Seigneur (Bouddha) de compassion, qui l’utilise connue organe, et provoque une opposition violente, finalement meurtrière. Durant cinquante ans, les disciples restent dans l’influence du Maître qui continue de les visiter au moyen de son corps astral, etc. Ceci est présenté sérieusement à ceux qui seraient « arrêtés par les contradictions des évangiles » 1 (Esoteric Christianity, or the lesser Atysteries, l>y Annie Besant, London, 1901, p. 126 et suiv. — La version steinerienne (ou l’une des versions) de la vie du Christ est donnée dans l’opuscule Die geistige Fiihrung des Menschen und der Mensckheit, Berlin, 1911, p- 54-65).

Ce qui importe encore plus que ces détails, c’est la place attribuée au Christ par ceux des théosophes qui maintiennent Jésus de Nazareth au nombre des

« grands initiés ». Cette place, inférieure à celle du

Bouddha Gautama, est sensiblement celle des autres Maîtres ou Instructeurs auxquels les écrivains des Loges prêtent généreusement une existence historique : Osiris, Orphée, etc. : c Qu’il s’agisse de Mithra, Krishna, Bacclïus, Osiris, le Christ, le nom seul varie ». (Annie Besant, Theosophy and Us évidences, p. 19). « Pourquoiaccepterions-nous, demande le vieil Olcolt, comme Société, plutôt Jésus que Vasistha, Gautama ou Zoroastre ? » (H. S. Olcott, Theosaphy, Religion and Occult Science, p. 5g). Plus agressive encore, Hélène Blavatsky n’accorde aucune place à Jésus dans le glossaire théosophique otliciel. K. Steiner propose de voir dans le Christ une réincarnation et une synthèse de Mithra (divinité indo-iranienne) et de Dionysos (Bacchus) (Von Jésus zu Christ us, p. 12).

Ce que devient la Rédemption. — Si de la personne de Jésus-Christ nous passons à son œuvre et notamment à la rédemption, ce ne sont plus des dénégations et des divagations que nous trouverons chez les maîtres de la théosophie, mais des anathèmes.

« Dogme cruel et idiot. » « Ce dogme cruel conduit

ceux qui continuent d’y croire au seuil de tous les crimes imaginables, plus aisément qu’aucune autre doctrine que je connaisse. Ce n’est pas seulement un rêve d’égoïsme, c’est un cauchemar de l’intelligence humaine * (The Key to Theosopliy, pp. 1 45. 150, 151. C’est l’auteur qui souligne les mots : tous les crimes imaginables). Et l’on n’entend pas ici les fureurs d’une femme emportée : c’est bien la doctrine officielle des Loges théosophiques, doctrine seule cohérente avec les principes du salut par l’homme seul, de la self-made destiny et du Karma. « Naturellement, observe H. Snowden Ward, le sacrifice expiatoire de Jésus… ne peut être admis par aucun de ceux qui croient au Karma. » (Karma, p. 5).

Plus habile, devant un de ses auditoires européens (car aux Indes, personne ne la surpasse en violence anticlirétienne), Annie Besant s’avise d’une interprétation théosophique du dogme delà rédemption. La voici : « Qu’est-ce que la doctrine de la rédemption au point de vue théosophique ? C’est la déclaration que la rédemption accomplie par le Christ ne consiste pas dans la substitution d’un individu à un autre, mais dans l’identité de nature entre l’homme divin et les hommes qui s’élèvent vers la divinité ; que la divinité même de Christ lui permet, grâce à cette identité, de répandre sa force et ses secours dans ses frères, divins comme lui, mais qui n’ont pas encore atteint sa stature. » (La Théosophie est-elle antichrétienne ? Conférence en français, Paris iqo4, p. 18).

Le seul sens plausible de cette phraséologie captieuse et délibérément équivoque, c’est que la rédemption consiste dans l’évolution — sur le modèle

Tome IV.

et avec l’aide du Christ divinisé, arrivé au Nirvana

— du germe divin qui est, par identité, le même en chacun de nous qu’il était dans le Christ. Si l’on veut qualilier de « chrétienne » une explication de ce genre, ouvertement panthéiste et ravalant à la mesure humaine la divinité de Jésus-Christ, c’est qu’on n’entend pas ce qui est dit, ou qu’on ne s’entend pas soi-même.

Il nous semble inutile de pousser plus loin cette enquête. La théosophie, dans son principe, qui est le panthéisme émanatiste ; dans ce qu’elle affirme : Karma automatique, réincarnations animales ou humaines, Dévachan, Nirvana, cosmogonie et histoire également fantastiques ; dans ce qu’elle nie et condamne : prière, sacriiiee, grâce, surnaturel, rédemption, divinité personnelle du Christ, incapacité de l’homme seul à se sauver ; dans son terme enfin, qui est la dissolution de toute foi positive, est manifestement incompatible avec le christianisme.

Conclusion. — En terminant la lecture de ces notes, plus d’un lecteur se demandera sans doute comment un pareil ensemble de doctrines, propagé par de tels apôtres, réussit à faire des prosélytes, à troubler dans leur foi des chrétiens en nombre respectable, à motiver les graves avis de Rome.

Il faut, croyons-nous, reporter la première et principale responsabilité de ces aberrations sur l’ignorance religieuse de trop de nos contemporains. Chrétiens par le baptême et par un attachement instinctif, mais vague et mal éclairé, aux croyances traditionnelles, beaucoup d’hommes et de femmes sont à la merci des empiriques de l’ordre religieux, un peu comme les campagnards peu avertis sont à la merci des empiriques prometteurs de santé. L’absence de critique en particulier, si extraordinaire chez les maîtres théosophes, ne choque point ceux de leurs auditeurs qui, esprits positifs dans tout le reste, ont accoutumé de reléguer la religion dans un domaine nébuleux, où règne le pur sentiment D’autre part, la spiritualité de certains enseignements des Loges, la noblesse des préceptes moraux et la minutie laborieuse des méthodes ascétiques empruntées à la vieille Sagesse de l’Inde, fournissent à plusieurs — notamment des médecins et des marins — un aliment et une atmosphère qui les tire du matérialisme épais sans leur imposer ni dogmes révélés à croire, ni pratiques indispensables. La théosophie est ainsi, pour nombre de gens, une facilité et, relativement, un progrès. Doctrine d’initiés, elle bénéficie en outre de l’attrait du mystère. La mode s’en mêle : la perspective de moissonner, dans le grand jardin défendu, un bouquet de fleurs éclatantes ou capiteuses — convictions toujours provisoires, opinions flatteuses qui n’engagent à rien, — séduit bien des esprits.

La médiocrité de la plupart des Instructeurs de la théosophie ne réussit pas toujours à rendre inolTensifs les charmes dont elle prétend détenir le secret. Les pitoyables inventions messianiques de Mme Annie Besan », le jargon scientifleo-spirituel du docteur Rudolph Steiner peuvent paraître souvent bien ridicules aux gens de sang-froid. Mais tout le monde n’est pas de sang froid ; et derrière cette façade prétentieuse déjà lézardée, les Loges ouvrent toujours, aux yeux las des trop pures lumières chrétiennes, leur clair-obscur prometteur. C’est pourquoi il n’a pas paru inutile à l’autorité romaine de dénoncer avec quelque solennité les doctrines de la nouvelle théosophie.

Dans les notes qui précèdent, nous nous sommes elforcé d’exposer brièvement ces doctrines en laissant parler les maîtres eux-mêmes. C’est peut-être le moyen le plus sûr de les réfuter. Comme l’Eglise

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