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THÈOSOPH1E

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dans ses acteurs et épisodes les plus notables, l’histoire des Sociétés théosophiques auxquelles fait allusion le décret du Saint-Oilice. Dès à présent, les lecteurs sont à même d’apprécier a vec quelle justice, quel sens de l’histoire, de la raison et des convenances, les membres des Sociétés théosophiques peuvent se vanter de posséder en elles « la pierre angulaire des futures religions de l’humanité, … le chaînon pur et béni entre ceux d’en haut el ceux d’eu bas » (Annie Besant, Une introduction à Li théosophie, p. ia). Tout homme sage peut juger également de quel droit les théosophes en prennent à l’aise avec l’histoire et les doctrines du christianisme. La courte histoire de la Société ihéosophique montre à l'évidence ce qu’il advient des œuvres fondées sur le sable des opinions humaines et défendues par les moyens qu’inspire la passion de procurer à tout prix le succès à ces opinions.

II. Les enseignements théosophiques. — Sur la nature de leurs enseignements, les plus notables théosophes ne sont pas d’accord. La théosophie estelle une religion ? — Non, répond carrément Mme Blavatsky (The Kej to Theosophy, London, 1893, p. 1 et /|0.) — Oui, affirme non moins clairement Mme Besant (Une introduction à la Théosophie, trad. fr. J. S., Paris, 1903, pp. Il et 12). Mettons que c’est là une question de mots. L’accord se rétablit dès là qu’il s’agit du but à atteindre : religion ou science, connaissance ou gnose, la théosophie est aux yeux de ses adeptes, la doctrine destinée à remplacer toute religion. Elle doit offrir en conséquence un enseignement complet sur Dieu et sur l’homme.

Pas de Dieu personnel. — Sur Dieu, les théosophes font profession de rejeter absolument la doctrine chrétienne, ou même simplement spiritualiste.

« Croyez-vous en Dieu ? » se fait demander la grandemaîtresse par son futur prosélyte. A cette question, 

voici la réponse : « Gela dépend du sens que vous donnez à ce terme. — l’entends par là le Dieu des chrétiens, le Père de Jésus, le Créateur. — A ce Dieu-là nous ne croyons pas. Nous rejetons l’idée d’un Dieu personnel… Le Dieu de la théologie est un tissu de contradictions et une impossibilité logique (sic). Aussi ne voulons-nous avoir rien à faire avec ui (The Key to Theosophy, p. /, a-4a). » On ne peut être plus clair.

« Alors, insiste le néophyte, vous êtes athées ?

— N >n, que nous sachions, à moins qu’on applique l'épithète d’athées à ceux qui ne croient pas en un Dieu anthropomorphique [on notera ici l'équivoque, constamment suggérée du reste par Mme Bla.vatsky. Du fait que les chrétiens (et tout homme qui S’entend)conçoivent Dieu sous les analogies humaines, donc anlhropomorphiquement, l’auteur veut insinuerqu’ils le conçoivent à la façon d’un homme, affecté de défauts et imperfections humaines, bref comme un Dieu anthropomorphe. Mme Blavatsky fait porter sur la notion même de Dieu le défaut dont est nécessairement affectée notre faconde le concevoir]. Nous croyons en un Principe divin universel, dont tout procède et dansjequel tout sera résorbé à la un du grand cycle de l'Être… Notre Déité est It is, au neutre] le mystérieux Pouvoir d'évolution et d’involution, l’omniprésente, omnipotente et même omnisciente Potentialité créatrice 1. »

En deux mots : « La théosophie, en matière religieuse, est panthéiste : Dieu est tout el tout est Dieu »

1. Thr Key to Theosophy, p. 44. On æ demande comment une Divinité non personnelle peut être conçue comme « omnisciente » ; et comment toute cette description ne constitue pns une suite d’anthropomorphismes. Mais il ne faut pas être trop difficile !

(Annie Besant, Why I oecame a theosopkist, London, 1891, p. 18), Ce panthéisme — il y en n plusieurs, comme chacun sait, — est cmanatiste comme ce lui de ses sources indiennes : * L’univers est crée par l'émanation du grand souille de l’unité » (A. Besant, Une introduction à la Théosophie, p. ai).

I.e rôle de l’homme. — Entre le principe ineffable de tout, S A T, et la matière, les théosophes intercalent (sans d’ailleurs leur assigner un rôle constant et délini) un grand nombre d'émanations (Logos, dieux, archanges, éons, Elémentaires supérieurs et inférieurs, etc.) d’une spiritualité de plus en plus mélangée d’impureté. L’homme actuel est le point de réunion entre le divin, l’esprit d’une part, et la matière, d’autre part. A ce titre, il est le résumé et l’image de l’univers, un univers en miniature.

L’homme est un composé instable de sept degrés d'être différents, de sept plans : quatre pour l’homme physique (animal, matériel), trois pour l’homme spirituel (supérieur, divin). Le nœud du composé humain esteonstilué par le cinquième principe (dans l’ordre ascendant), le premier des trois principes spirituels, le Manas : unique dans son essence, le Manas se dédouble pour un temps en s’unissant à la matière. Sous sa formalité inférieure, il régit, anime le corps(composé des quatre principes inférieurs : corps physique ; — principe vital ; — corps astral, c’est-àdire double, corps pbantomatique ; — siègedes passions, de l’attrait sensible). Sous sa formalité supérieure, il tend à dominer le Kâma, l’attrait sensible '.

La mort libère le Manas, et l’homme entre alors, après un stade de dissolution plus ou moins lent, dans un état nommé Dévachan, où il s’assimile les expériences de la vie terrestre qu’il vient de terminer. C’est dans le Dévachan que l’homme recueille ce qu’il a semé : une loi inexorable et absolue dejustice distributive, aveugle, inconsciente, le Karma, régit en effet toute l’activité dévachaniqne. D’après cette loi, mystérieuse et inconnaissable dans son essence, mais certaine dans son jeu, tout homme subit après sa mort les conséquences, physiques el inévitables, de ses actes bons ou mauvais. Ces conséquences, conçues par certains théosophes comme des entités distinctes, par d’autres comme une sorte d’atmosphère, agissent automatiquement et provoquent une réincarnation nouvelle, dans un état meilleur ou pire que la vie précédente, mesuré exactement par la valeur du Karma. En certains cas, le Karma est si chargé qu’il peut faire rétrograder jusqu'à une réincarnation dans une espèce animale. Inversement, le Karma peut, de progrès en progrès, s’alléger tellement qu’il disparaisse, laissant place à la croissance du germe spirituel et divin que l’homme porte en soi. A la limite, ce germe, le Boddhi, étant pleinement évolué, s’absorbera, se perdra dans l’essence universelle. Ce sera le Nirvana (H. P. Blavatsky, The Key to Theosophy, p. 78).

La morale : origines et prescriptions. — La mo 1. Cet exposé se réfère à la doctrine, essentiellement hindouiste (et partiellement bouddhique) de l’ancienne Société théosophique, celle de Mines H. Blavatsky et Annie Besant. La nouvelle Société, issue du schisme de 1913, et à laquelle son maitre Itudolph Steiner a donné le nom d’Anihroposophie, distingue dans le composé humain deux groupes ternaires, l’un matériel : le corps physique, le corps éthérique, le erps astral ; l’autre spirituel : le Moi-ipirilæl, l’Esprit de vie et l’Homme-Esprit. Ces deux organismes sont réunis entre eux pur le Moi, principe individuel, virtuellement triple, qui est le nœud vital et comme le gond du composé humain. Steiner prend soin d’ailleurs de faire coïncider sa terminologie avec celle de la théosophie hindouiste. Là-dessus. R. Steiner, la Science occulte, trad. J. Saueiwein. Paris 1914.