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THEOSOPHIE

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THÉOSOPHIE. — I. Histoire. — II. Doctrine.

— Dans une audience plénière tenue le mercredi iG juillet 191 9, la Sacrée-Congrégation du Saint-Oflice, à un doute ainsi proposé : « Les doctrines dites actuellement théosophiques sont-elles conciliables avec la foi catholique ? Est-il permis en conséquence de donner son nom aux Sociétés tuéosophiques, d’assister à leurs réunions, de lire les ouvrages, revues, journaux ou écrits théosophiques ? » a répondu après mùr examen : t A’on, aux deux questions. »

Cette décision, approuvée par Sa Sainteté Bbnoit XV, le 17, a été promulguée le icj, et publiée dans les Acta Apostolieat Sedis (I er août 1 919, p. 317).

Il ressort des termes mêmes de cette déclaration que les catholiques doivent s’interdire toute participation aux Sociétés théosophiques, « ’en retirer s’ils en faisaient partie, et considérer les doctrines qui s’y enseignent, les initiations qui se pratiquent dans les Loges et les ouvrages qui s’y débitent, comme incompatibles avec la profession loyale du christianisme catholique.

Pour expliquer cette décision, il ne sera pas inutile de présenter brièvement l’histoire des Sociétés théosophiques et d’en rappeler succinctement les enseignements majeurs.

I. Histoire.

« Les » Sociétés théosophiques. — Ce pluriel est

d’usage relativement récent : c’est en 1913, en effet, que les sections allemande et suisse de la première Société théosophique, d’accord avec un groupe de théosophes français dirigé par Mme Alice Bellecroix, ?4M. Edouard Schuré et Eugène Lévy, ont fait sécession, à la suite d’incidents qui seront résumés plus bas.

Jusqu’alors, en dépit des tendances de l’école théosophique de l’Europe centrale, dirigée par le Styrien Rudolph Steiner, l’entente s’était maintenue entre ces nouveaux venus, cherchant île préférence leurs ancêtres dans la tradition hellénique, et l’ancienne école, anglo-américaine, prenant ses inspirations principales dans l’Inde.

C’est à cette dernière école qu’est due la fondation en 18/5 de la première — et, jusqu’en 1 9 1 3, unique

— Société théosophique. L’histoire de la Société se confond pendant ces quarante années avec celle des deux femmes qui en ont été l’âme.

Mme Blavalsky. — Russe d’origine, mariée au général Nicéphore Blavatsky, Hélène Petrovna de Hahn resta veuve de bonne heure et voyaga en Orient, puis aux Indes, où elle se fit initier aux sciences occultes par des maîtres indigènes. Après un premier essai infructueux pour fonder en Egypte une société de spiritisme, Mme Blavatsky passa en Amérique et réussit, avec l’aide d’un journaliste américain, le « colonel » H. S. Olcott, à établir un groupement autonome qui prit le nom de Société théosophique (New- York, 17 novembre 1870). Energique, intrigante, douée de remarquables facultés de médium, la fondatrice commença dès lors une propagande qui donna de nombreux adeptes à la jeune Société. La nouvelle organisation rallia peu à peu tout ce qui, dans le mouvement occultiste, est plutôt philanthropique, exotique, artistique et mondain. Avec un art consommé, Mme Blavatsky recueillit et fondit en un seul corps les principales traditions de l’occultisme : des éléments empruntés aux mythes de l’antiquité classique, à la magie, au gnosticisme voisinent, dans VIsis dévoilée, avec les notions prises aux religions et aux philosophies de l’Inde. Toutefois, dans cet évangile de la théosophie, comme dans les ouvrages successifs qui le commen tèrent ou le résumèrent (Isis unveiled, 2 vol., 187.5 ; /’hc secret Doctrine, 6 vol. ; The Key to Theosophy, 1889), c’est l’élément hindou qui l’emporte de beaucoup : à peu près toute la terminologie, les classifications et notions principales viennent de l’Inde. C’est dans l’Inde également, à Adyar (près de Bénarès ), que fut établi et est encore le sanctuaire central et le centre de la Société. C’est là que s’opérèrent les « merveilles » dont Hélène Blavatsky se prévalut jusqu’au jour où une enquête scientifique, dirigée sur place par la Société des Recherches psychiques de Londres, fit justice de ces jongleries. (On trouvera ce rapport, accablant pour la Société théosophique, dans les Proceedings ofthe Society for Psychical Research, déc. 1884 : Report on Phenomen.i cunnected with Theosophy, p. 209-401. On connaît par ailleurs l’autorité hors pair de la Société des Recherches psychiques de Londres, dirigée par les Professeurs H. Sigdwick, F. W. Myers, F. Gurney, R. Hodgson, MM. Arthur et Gerald Balfour, etc.).

Fort atteinte par ce coup, la Société le fut davantage quand plusieurs des dirigeants, M. Olcott et Mme A. Besant, entre autres, crurent avoir la preuve qu’un des vice-présidents, l’Américain W. Q. Judge, fabriquait de toutes pièces les messages que des théosophes conûants attribuaient aux Mahâtmas tibétains, dépositaires prétendus de la Sagesse antique. Vieillie, Hélène Blavatsky avait fermé les yeux sur cette déloyale pratique ; à sa mort, elle laissait la Société en fermentation : une femme allait sauver son œuvre.

Mme Annie Besant. — Sur cette femme, nous sommes abondamment renseignés par une suite de conûdences autobiographiques, dont la première raconte l’histoire jusqu’en 1895. Elevée dans levangélisme le plus austère, allant jusqu’à l’exaltation inclusivement, Annie Wood fut mariée à un ministre anglican très positif, le Rev. Frank Besant. Bientôt mère de deux enfants, la future théosophe fut vite lasse des exigences de la vie de ménage. Sa foi anglicane, sa foi chrétienne vacillèrent ; finalement, elle s’enfuit, brisa avec son Eglise, déserta son foyer, et s’engagea comme cuisinière pour gagner sa vie.

Peu à peu, cette femme intelligente émerge : elle a partie liée avec le fougueux athée Bradlaugh, prêche le matérialisme et le malthusianisme le plus crus, se mesure dans de tapageuses conférences avec des pasteurs dissidents, publie un Manuel du librepenseur en deux volumes. Dix ans de cette fiévreuse campagne n’ont pas raison de son besoin d’action : dégoûtée du matérialisme par la vue des matérialistes, Annie Besant rencontre alors Hélène Blavatsky, qui la conquiert, la magnétise, l’initie. Elle est désormais, et sera de plus en plus, l’âme et la voix de la Société théosophique : avant même de succéder à Mme Blavatsky, comme présidente, Mme Besant — qui s’est fait initier entre temps à la Franc-Maçonnerie proprement dite 1, — se fixe à Adyar et, de là, par ses écrits, par des campagnes triomphales qui la ramènent périodiquement en Europe, raj’onne sur le petit monde théosophique. En 1903, Pierre Loti paye d’une page enthousiaste le bon accueil qu’il reçoit à la maison des Sages (l’Inde sans les Anglais, 1903, ch. vi). Le Congrès de Paris, en 1906, marque l’apogée du prestige d’Annie Besant. Désormais, les dif 1. Une loge maçonnique, le Droit humain, fonctionne dans le sanctuaire théosophique d’Adyar. La revue la Lumière Maçonnique (septembre-octobre 1912, p. 473) insère une photographie avec cette légende : « La S.’. Annie qui est placée au premier rang, au milieu, est la S.*. Annie Basant, 33e ; à sa droite est la S.’, I’runcesca Arundale, 33e, etc. ».