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TERRE

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La fosse circumpacifique. — La Téthys n’a jamais fait, à l’état de mer transversale, le tonr entier du globe terrestre ; prenant naissance dans la région actuellement occupée par les îles de la Sonde et par l’Indo-Chine, elle se terminait dans la région actuellement occupée parles Antilles. C’était, comme nous avons dit, une demi-ceinture.

La demi-ceinture se continuait par une boucle qui faisait le tour du domaine immense, large de plus de 15.ooo kilomètres, aujourd’hui couvert par l’Océan Pacitique. Celte boucle, qui achevait la ceinture, est ce que l’on appelle la fosse circumpacifique.

Elle existe de nos jours, tandis que la Télhys, en tant que mer, n disparu ; il y a encore, tout autour du Pacitique actuel, une fosse maritime profonde, souvent très profonde, qui court parallèlement au rivage, ou parallèlement aux chaînes d’îles prolongeant ce rivage. Cette fosse circumpacifique est dominée par la chaîne de montagnes qui suit la côte : car toutes les côtes pacitiques sont des côtes montagneuses, faites de plis parallèles au bord maritime. Elle est jalonnée par de nombreux volcans, encore actifs, ou éteints récemment, qui forment au Paciûque une ceinture de feu.

Il semble que la fosse circumpacifique ait toujours existé, et qu’elle se soit simplement déplacée au cours des âges, le sens de ce déplacement étant vers l’intérieur du domaine pacitique. Les grandes chainesde montagnes qui courent le long de la côteouest de l’Amérique, Montagnes Rocheuses et Cordillère des Andes, sont faites de sédiments déposés dans des géosynclinaux : l’ensemble de ces géosynclinaux, c’est l’ancienne fosse maritime. De même la chaîne côtière qui court à l’est de l’Australie et les chaînes, grossièrement parallèles, plus ou moins ruinées par les effondrements, qui nous apparaissent sous la forme d’arcs insulaires reliant entre elles quelques grandes îles allongées, toutes ces chaînes du Pacitique occidental nousmontrentdes sédiments, aujourd’hui exondés et plissés, jadis formés en condition géosynclinale. Il y a donc eu, de tout temps semble-t-il, en tout cas depuis le Cambrien, un faisceau de géosynclinaux courant autour de la région pacifique. Quand ce faisceau s’est plissé et est devenu une chaîne de montagnes, la fosse maritime, ensemble des fosses géosynclinales, s’est reformée plus loin, gardant sa forme de boucle, simplement un peu rétrécie : persistance inliniment mystérieuse et d’une durée paradoxale.

A l’intérieur de cette boucle, s’étend le domaine pacifique, permanent lui-même, en ce sens que, depuis les plus anciens âges, il est un domaine réservé, défini, presque délimité. Mais nous ne savons pas s’il a toujours été occupé par la mer ; et l’on a souvent émis l’hypothèse d’un continent pacifique, accidenté de chaînes de montagnes, qui aurait persisté jusque très près de nous, jusqu’aux temps tertiaires, et se serait peu à peu démoli, fracturé, disloqué, affaissé, malgré les plissements nouveaux qui y dressaient des montagnes nouvelles. Ce qui paraît le plus probable, c’est que le domaine pacitique intérieur, entouré parles mers circumpacifiques dont le fond et les bords étaient incessamment variables, ait été lui-même agité de mouvements presque incessants. On doit le concevoir comme une région perpétuellement mobile delà lithosphère, parcourue par de vastes ondes de plissement, creusée d’immenses rides, obombrée de longues et hautes chaînes, rides et chaînes au dessin harmonieux, parallèles, près des bords du domaine, au contour des mers qui lui faisaient ceinture. Nous ne savons pas quelle était, à un instant déterminé de la durée, la répartition, dans ce domaine, des terres exondées

et des eaux marines. Elle était probablement changeante : de même que variait à chaque instant, dans la Téthys, la proportion des étendues insulaires et des étendues maritimes. Il est possible que, d’une façon générale, la surface exondée l’ait emporté sur l’autre et que le domaine pacifique intérieur ait été, jusqu’aux temps tertiaires, surtout continental. Après les derniers plissements, qui se sont produits au Tertiaire, la proportion s’est renversée ; le domaine pacifique, de continental, est devenu maritime, et d’immenses gouffres s’y sont ouverts, non pas sans doute par de brusques effondrements comme dans l’Atlantique, mais par de graduels affaissements, conformes encore, dans leur dessin général, à la permanente harmonie de cette région privilégiée.

La Laurent ia. — Ainsi nommée du fleuve Saint-Laurent qui, sur une partie de son cours, lui sert de limite, la Laurentia est une immense unité depuis très longtemps figé », c’est-à-dire réfractaire au plissement. Depuis avant le Cambrien, elle ne s’est pas plissée. Tous les terrains sédimentaires, y compris le Cambrien, sont, dans cette unité, demeurés horizontaux. Il n’y a eu, dans la Laurentia, au cours de plusieurs millions de siècles, que des déplacements verticaux, dénivelant certains compartiments par rapport aux autres, produisant des transgressions marines momentanées sur telle ou telle partie du domaine habituellement continental, ou plongeant définitivement aux abîmes marins telle autre partie jusque là exondée et qui paraissait stable. La Laurentia comprend tout le centre des Etats-Unis et presque toute l’Amérique anglaise ; elle est limitée au Sud-Est par la chaîne des Appalaches (hercynienne), à l’Ouest par les Montagnes Rocheuses (chaîne alpine), au Nord par les Montagnes des Terres de Grant et d’Ellesmere qui appartiennent à la chaîne tertiaire ; elle comprend aussi la plus grande partie du Groenland, l’Islande et l’île de Jan Mayen, et, avant d’être ruinée par les effondrements de l’Atlantique Nord, elle s’étendait certainement jusqu’à la chaîne calédonienne et empiétait même sur la région nord-occidentale de l’Ecosse. On ne peut mieux la comparer qu’à une gigantesque banquise, endormie du sommeil polaire et qui ne s’en réveillera peut-être jamais ; autour d’elle les vagues se dressent ; elles déferlent sur ses bords ou même, momentanément, grâce à des ruptures locales qui provoquent l’immersion d’une partie du bloc, elles l’envahissent. Bientôt la région inondée remonte au jour ; et la banquise, à peine diminuée, se reconstitue et reprend, pour de longs siècles, son immobilité.

Le Nord de VEurasie. — Séparé de la Laurentia par la chaîne calédonienne, le Nord du continent eurasiatique a, depuis le Cambrien, une histoire analogue. C’est encore une région figée, et qui serait une unité si elle n’était divisée en deux morceaux par une zone plissée qui est l’Oural. A l’ouest de l’Oural s’étend la plate-forme russe, prolongée jusqu’à la chaîne calédonienne par la Fennoscandia et limitée au Sud par la chaîne hercynienne ; à l’est de l’Oural, s’étend la vaste Sibérie, le faite sibérien comme l’appelait Eduard Suess ; dans ces deux morceaux, dont chacun est une véritable unité, tous les sédiments, depuis le Cambrien, sont restés horizontaux. Il y a eu, çà et là, à diverses époques, des invasions marines, allant parfois jusqu’aux arcs hercyniens du Sud ; mais c’est le régime continental qui prévalait, et toute la moitié orientale de la Sibérie paraH être demeurée continentale depuis le Silurien. Cette Sibérie orientale, particulièrement stable, est la Terre d’Angara des géologues.