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TEMPLIERS

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Penne, des précepteurs d’oulre-mer, de Normandie. d’Aquitaine, de Poitou et de Provence. Le même jour prenait lin le concile de Vienne.

XIII. Le supplice des dignitaires de l’ordre — Le jugement des dignitaires de l’ordre subit de longs retards. Ce ne fut que le 22 décembre 1313 (Regestum démentis papæ I", n. io33 ;) que Clément V délégua unis pouvoirs aux cardinaux iS’ieolas de Fréauville, Arnaud d’Aux et Arnaud Nouvel. La sentence délinitive fut lue en présence de la foule, assemblée surle Parvis Notre-Dame, le 18mars 13 1 4 Elle condamnait les chefs de l’ordre à la prison perpétuelle. Dans un élan de sincérité et de courage, Jacques de Molai etGeoffroi de Charnay s’écrièrent :

« Nous ne sommes pas coupablesdes choses dont on

nous accuse, mais nous sommes coupables d’avoir bassement trahi l’ordre pour sauver nos vies. L’ordre est pur ; il est saint ; les accusations sont absurdes, les confessions menteuses », Ch. V. Langlois, Le procès des Templiers d’après des documents nouveaux dans Revue des Deux-Mondes, t. C1II (1891), p. 4 ll J.

L’incident imprévu troubla les cardinaux, qui remirent au lendemain leur décision et se contentèrent pour le moment de livrer Molai et Charnay au prévôt de Paris. Cela ne faisait point le jeu de Philippe le Bel. Le jour même, le conseil royal décréta la mort immédiate des deux chevaliers, tenus pour des relaps. Vers le crépuscule, un bûcher était dressé dans l’île des Javiaus et ses flammes projetaient des lueurs lugubres sur les murs du palais royal. Les yeux tournés vers Notre-Dame, Molai et Charnay expirèrent héroïquement, en proclamant leur innosence.

XIV. La liquidation des biens de l’ordre. — Le gros héritage des Templiers excita la convoitise générale. Les petits potentats souhaitèrent avoir leur part de butin aussi bien que les grands souverains. La décision de Clément V, prise lors du concile de Vienne, les déçut tous. Si Philippe le Bel, en poursuivant la ruine de l’ordre, avait réellement compté s’enrichir de ses dépouilles, il fut cruellement trompé par l’événement. Ses embarras financiers ne diminuèrent pas, même à l’époque où il percevait les revenus des biens confisqués (Borrbixi dk Skrf.es, Recherches sur divers services publics du XIII’au XVIIe siècle, Paris, 1909, t. III, p. 39). Du moins obtint-ildes Hospitaliers une compensation de 200.000 livres tournois. Louis X le Hutin et Philippe V le Long montrèrent des exigences injustifiées. Ils avaient la force pour eux : les Hospitaliers n’entrèrent en possession de l’héritage du Temple qu’après avoir consenti des compositions onéreuses ; ils durent donner quittance des dettes contractées par le roi, la reine et les princes, et non soldées au moment de la confiscation de 1307, abandonner les revenus perçus par les agents du lise durant le séquestre, payer une somme de lâo.ooo livres tournois. Hors de France, l’Hôpital dut supporter des transactions moin » lourdes. Malgré les embarras que lui créèrent les espoirs déçus, dans le reste de l’Europe, en l’espace une dizaine d’années, il entra en possession de la majeure partie de la fortune immobilière du Temple. Il n’y eut d’exception qu’en Aragon où les biens du Temple sis au royaume de Valence et ceux que l’Hôpital y possédait passèrent à Tordre de Calatrava et aidèrent à fonder, à Montesa, une nouvelle milice religieuse. De même, l’ordre du Christ fut créé, par Jean XXII en Portugal, le 1/1 mars 131g, avec les dépouilles des Templiers. En Caslille, les ordres d’Alcantara, de Saint-Jacques de Compostelle et de Calatrava s’emparèrent

de celles-ci et ne rendirent jamais gorge (J. Dbla villk Lu R.OULX, Les Hospitaliers à Rhodes jusqu’à la mort de Philibert de Nadaillac (1310-1421), Paris, 1913, p. 28-yo).

XV. La question delà culpabilité. — Nous possédons, semhle-t-il, à l’heure actuelle, les éléments nécessaires pour résoudre avec quelque certitude la question angoissante de la culpabilité des Templiers. Les historiens l’ont tranchée jadis en sens divers suivant leurs passions personnelles, leurs sentiments à l’égard de la royauté. La question doit être circonscrite ; elle ne se pose que pour la portion française de l’ordre du Temple. Dans toutes les autres contrées de l’Europe, non soumises à l’influence française, l’innocence des Templiers est apparue avec évidence. En France même, le problème se résout en plusieurs points de détail : le reniement du Christ, les crachats sur le crucilix, l’incitation à la sodomie, les baisers impudiques, l’adoration de l’idole Baphomet, étaient-ils prescrits par la règle ? constituaient-ils les rites du cérémonial de l’initiation ?étaient-ils usités dans la tenue des chapitres ?

XVI. Absence de preuves matérielles.— Si les Templiers se livrèrent à des pratiques idolâtriques, ils eussent dû en laisser des traces matérielles. A Paris, on exhiba une tête d’argent doré, renfermant des ossements de femme et portant l’inscription : Caput LVlll ; c’était un reliquaire semblable à ceux dont la piété chrétienne se plaît encore à parer les autels aux jours de fête (Miciiklet, Procès des Templiers, t. II, p. 218). En 1789, on déterra à Essenois, à quelques kilomètres de l’ancienne commanderie de Voulaine, un coffret de pierre sculptée, sur lequel étaient gravés des caractères arabes (un moulage existe au musée de Dijon ; on en trouvera une reproduction dans J. LoiSBLBUR, La doctrine secrète des Templiers, Paris, 1872). Un archéologue a prétendu y reconnaître l’arche danslaquelle on serrait Ténigmatique idole, Baphomet ; mais il n’a pu rien articuler à l’appui d’une hypothèse, issue tout entière de son imagination trop vive (E. Pfiïiffiîr, Zwei vermeintliche Templerdenhmale, dans Zeitschrift fur Kallurgeschichte, t. IV (1897), p. 385-41y ; Mionard, Monographie du coffret du duc de lilacas, Paris, 185a ; S. Riîinach, La tête magique des Templiers, dans Revue de l’histoire des religions, t. LXIll (1911), p. a5-39).

Au Louvre, il existe un certain nombre de petites statuettes de bronze sur le socle desquelles se lisent ces mots : Baphomets. L’une d’elles est même datée de 1156. Après les avoir soumises à un examen sérieux, M. IIkhon dk Villkfossk les a tenues pour des faux grossiers. « Il est probable, écrit-il, que la fabrication [de ces faux] ne remonte pas beaucoup plus haut que l’année 1819, date qui coïncide avec celle des discussions relatives aux pratiques de magie et de sorcellerie imputées aux Templiers » ; H11Iletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1900, p. 386-31a. Enfin, à la suite d’une communication de M. Salomon Reinach faite à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le 26 août 1910, sur les origines delà légende suivant laquelle les Templiers auraient adoré Baphomet, il a été affirmé qu’actuellement n’existe aucune idole ayant jadis passé pour être un Baphomet. Depuis, ce verdict n’a point été, que je sache, contredit.

Existe-t-il un exemplaire d’une règle secrète ou d’un livre préconisant l’hérésie et les mœurs infâmes ? Certes, si la police royale eût saisi quelque document de ce genre, elle l’aurait produit triom-