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vertu delà sainte obéissance, de confesser les crimes ; mis à leur charge devant 1 Inquisition on l’autorité épiscopale (Denifik bt Châtelain, Chai tulai ium universitatis Parisiensis, Paris, 1891, t. II, p. 129, n.S6C>).

Lorsque Clément V eut été pleinement informé des événements, lorsqu’il eut constaté 1 accumulation des aveux, il sollicita les princes chrétiens de se saisir des Templiers et de mettre le séquestre sur leurs biens en son nom (a a novembre 130-) ; Duruv, Histoire de la condamnation des Templiers, Taris, 16541 7. Il espérait, par ce moyen, empêcher les autres souverains d’Europe d’imiter les procédés violents de Philippe le bel.

Content d’une mesure qui le justiûuit en quelque sorte, le roi de France lit des concessions importan- j tes, du moins par écrit, le i ! décembre 1307 (Baluze-Moi. lat, Vitæ paparum Aenionensium, t. III, p. 92-94) : il remit les personnes des Templiers entre les mains des légats pontificaux, en l’espèce les cardinaux Bérenger Frédol et Etienne de Suisy ; quant à leurs biens meubles et immeubles, il avoua les avoir séquestrés au profit de la Terre sainte ; des receveurs et des gardiens autres que ceux des deniers royaux les géreraient désormais et rendraient compte de leur administration,

La remisi des Templiers aux juges d’Eglise n’avait point été effectuée, quoi que prétendît le roi : personas Templariorum ipsorum posuimusvestro et Ecclesie nomine in manibus cardinalium ëéîumdem (Baluze-Moli. at, op. cit., t. III, p. y3). Elle n’était que fictive : les prisonniers demeurèrent dans les mêmes geôles qu’auparavant. Le seul changement qui intervint consista en ce qu’ils furent tenus à la disposition des cardinaux-légats. L’expédient, si peu important qu’il parût, eut des conséquences autrement graves.

VIL Rétractations des Templiers. — Dès que Jacques de Molai eut appris que les juges d’Eglise entendraient ses frères, il se ressaisit. Il invita ses subordonnés à rétracter leurs aveux. Une tablette de cire passa de cellule en cellule. On y lisait : « Sachez que le roi et les cardinaux viendront demain. D’autres frères rétracteront leurs aveux, rétractez vousmême et rendez cette note au porteur » ; (P.Viollet, dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIV (1914), p. n5etK. Sohottmuxlbh, Ler Untergang des Templerordens, Berlin, 1887. t. II, p. 3^). Si Molai renseignait mal les prisonniers au sujet de la venue éventuelle de Philippe le Bel, il leur donnait un ordre précis. Soixante environ lui obéirent (Fi.nkb, Papstlam und Untergang des Templerordens, t. II, p. 338). De Molai donna, d’ailleurs, lui-même l’exemple (Op. cit., t. II, p. 116). Les cardinaux Bérenger Frédol et Etienne de Suisy, tout dévoués au roi de France, se trouvèrent dans un cruel embarras. Au risque de déplaire à leur souverain, ils consultèrent Clament V. Les nouvelles qui parvinrent de France émurent vivement le pape. En février 1308, des ordres précis furent expédiés aux inquisiteurs et aux évoques. Leur action judiciaire se trouvait suspendue et le Saint Siège se réservait la poursuite exclusive de l’affaire des Templiers.

VIII. Agissements de Philippe le Bel. — Le changement d’attitude de Clément V contrecarrait les plans de Philippe le Bel. Inquiet de la tournure que pouvaient prendre les événements, le roi garda et les biens et la personne des Templiers ; puis il erilama une furibonde campagne de chantage contré ceux qu’il voulait perdre et contre Clément V. De* pamphlets odieux, sortis de la plume savante et en fiellée de Guillaume de Nogaret cl de Pierre Dubois, désignent le pape à l’animadversion publique. Tout ce qui, jadis, avait été dit de Boniface V11I, est répété sur le compte du nouveau pontife. Tout devient matière à critique : le népotisme de Clément, ses exactions contre le clergé. Puisque le pape omet les devoirs de sa charge pastorale, c’est au roi, zélateur de la loi divine, à agir d’urgence (Boutakic, Notices et extraits de documents inédits relatifs à l’histoire de France sous Philippe le liel, dans Xotices et extraits des manuscrits, t. XX, 2e partie (1862), p. j 66186). Bientôt une assemblée de notables, tenue à Tours du 5 au 15 mai 1308, approuve la conduite de Philippe et déclare les Templiers dignes de mort à cause de leurs forfaits (G. Picot, Documents relatifs aux Etats généraux et assemblées réunies sous Philippe le liel, Paris, 1901, p. LVII, 487-720).

Fort de l’approbation des Etats, le roi se rend à Poitiers pour y avoir une entrevue avec le pape. Il se montre en grand apparat aux séances du consistoire, entouré des princes du sang, de barons, d’évêques, des procureurs des Etats de Tours, et livre à Clément V un assaut formidable. « Saint Père, Saint Père, dit Plaisians, faites vite. Autrement le roi ne pourrait s’empêcher, et, s’il le pouvait, ses barons ne pourraient pas s’empêcher, et si ses barons le pouvaient, les peuples de ce glorieux royaume ne poui raient pas s’empêcher de venger eux-mêmes i’injure du Christ… Agissez donc, agissez. Autrement, il nous faudrait vous parler un autre langage. » Gilles Aycelin insinue plus perfidement : « Le prélatqui néglige d’étoufîer l’erreur, c’est comme s’il s’en rendait coupable » ; Ch. V. Langlois, Journal des Savants. 1908, p. 429. D’ailleurs, lesméfaits desTempliers

« sont notoires, clairs, indubitables, plus

clairs que la lumière de midi… ; ils ne peuvent ni ne doivent être révoqués en doute par aucune personne qui soit vraiment catholique et qui veuille éviter le péril de favoriser l’hérésie » ; G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. 125.

La menace était claire. Si Clément V ne punissait pas les crimes avérés des Templiers, il favoriserait l’hérésie, délit prévu par la législation inquisitoriale ; par suite, il risquerait d’être déposé. Pourtant, ni les discours insolents de Guillaume de Plaisians, ni le ton agressif de Gilles Aycelin n’effrayèrent Clément qui, malgré tout, se refusa à croire à la culpabilité des Templiers et à prononcer leur condamnation.

« Nous disons quel’Eglisenous estsi chère que

nous sommes prêts pour la défense de la foi catholique à subir la mort et à souffrir le martyre » ; Finkk, op. cit., t. II, p. 150. Et finement le pape émit un doute sur la pureté des motifs qui inspiraient la conduite de Philippe le Bel. a Quant à nous, nous ne croyons pas, nous n’avons jamais cru que le roi de France ait été mû par quelque désir de cupidité. Nous tenons pour certain qu’il n’a agi que par zèle de la foi, cela ressort avec évidence de ses propositions, à savoir qu’il n’a pas l’intention de s’approprier les biens des Templiers, mais que sa volonté est de les mettre à la disposition de l’Eglise pour la croisade » ; Fi.nkb, op. cit., p. 150.

Le trait décoché à l’adresse du roi de France porta. Philippe le Bel comprit qu’il fallait changer de tactique. Le pape lui avait rappelé ses engagements. Le 27 juin 1308, la personne des Templiers fut remise, officiellement du moins, à l’Eglise ; mais, excipant des causes de maladie, le roi retint Molai dans les prisons de Chinon et ne se dessaisit d’aucun des grands dignitaires de l’ordre.

Au mois d’août 1308, les prisonniers comparurent devant trois cardinaux : Bérenger Frédol, Etienne de Suisy et Landolfo Brancacci ; tous, re-