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TEMPLIERS

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Société archéologique du Midi de la France, t. Y, i q3 et Mémoires de l’Académie de Toulouse, t. Il <1864), p. 122.

Les dépositions reçues par les agents du pouvoir royal tarent communiquées à Clément V, avant et pendant les fête8 de son couronnement, c’est-à dire en novembre 1305, et aussi lors de l’entrevue de Poitiers qui eut lieu en avril et en mai 1807. Le pape n accorda à ces démarches aucune importance (MlCBBLBT, Procès des Templiers, t. I, p. 207). Ce que voyant, Philippe le Bel travailla, dans le plus strict secret, à grouper des témoignages contre l’ordre. D’anciens frères, qui en avaient été chassés pour mauvaise vie, se chargèrent de le renseigner (Micdbli-t, op. cit., t. I, p. 168). D’autres, feignant la conversion, au nombre de douze, se faufilèrent dans les rangs des Templiers atin d’épier leurs prétendus forfaits. Enûn, d’après le chroniqueur Jean dk Saint- Victor (Baluzb-Mollat, Vitae paparum Avenionensium, t. I, p. 8), Guillaume de Nogaret lit arrêter des transfuges du Temple dispersés dans le royaume, obtint d’eux des témoignages et « les tint longtemps et très secrètement enfermés dans les prisons de Corbeil », du consentement de frère Imbert, jacobin, confesseur du roi et inquisiteur de l’hérésie. Ces individus s’offrirent

« courageusement et audacieusement à prouver que

des crimes se perpétraient chez les Templiers, même à l’occasion des professions ordinaires ».

Quand des charges suffisantes eurent été réunies contre l’ordre du Temple, le roi de France s’essaya à convaincre Clément V, qui refusait de s’engager à quoi que ce fût. Il échangea avec lui une correspondance assidue, lui expédia à maintes reprises des ambassadeurs qui le pressaient d’agir. Bref, poussé à bout, le pape se décida à ouvrir une enquête. Le ait août 130^, il communiqua à Philippe le Bel sa décision (Baluzb-Mollat. Vitae, t. III, p. 60). Après avoir pris conseil des cardinaux et à la requête du grand maître Jacques de Molai, qui jugeait son ordre injustement accusé, une information judiciaire serait instruite suivant les règles du droit. Les dignitaires des Templiers réclamaient une sentence d’absolution, si les juges délégués par le Saint-Siège reconnaissaient leur innocence, et se soumettaient à l’avance aux condamnations qu’on prononcerait contre eux, au cas où leur culpabilité serait avérée, ce qu’ils tenaient pour impossible (Quod nullatenus credebant).

Philippe le Bel connaissait les longueurs de la procédure canonique ; il ne voulut point s’y exposer. Peut-être doulait-il de la valeur des témoignages recueillis par Guillaume de Nogaret, de la bouche de gens peu recommandables et pour le moins fort suspects. Après avoir longuement délibéré avec son conseil, le roi frappa un coup de maître, strictement légal, puisque frère Imbert l’avait requis d’agir. Telle fut l’occasion de l’arrestation des Templiers, opérée le 13 octobre 1807.

V. Protestation de Clément V. — Quoi que prétendissent les gens du roi et quoi qu’aient cru les contemporains — curia romana hoc <> dinunte, écrit Jean dk Saint-Victor (dans Baluzb-Mollat, Vilac paparum Avenionensium, t. I, p. 8), — l’arrestation s’était faite à I’insu du pape et contrairement à ses vues. Clément V protesta hautement. Le 27 octobre, il écrivait en ces termes à Philippe le Bel : « Très cher (ils, ce que nous disons avec douleur, nu mépris de loute règle, pendant que nous étions loin de vous, vous avez étendu la main sur les personnes et les biens des Templiers ; vous avez été jusqu’à les mettre en prison, et ce qui est le comble de la dou leur, vous ne les avez pas relâchés ; même, à ce qu’on dit, allant plus loin, vous avez ajouté à l’aflliction de la captivité une autre affliction que, par pudeur pour l’Eglise et pour nous, nous croyons à propos de passer actuellement sous silence… Nous avions signilié à votre Sérénité par nos lettres, que nous avions pris en main cette affaire et que nous voulions rechercher diligemment la vérité. Dans la même lettre, nous vous priions d’avoir soin de nous communiquer ce que vous aviez découvert à ce sujet, vous promettant de vous transmettre de ce que nous découvririons nous-même. Malgré cela, vous avez commis ces attentats sur la personne et les biens de gens qui sont soumis immédiatement à nous et à l’Eglise romaine. Dans ce procédé précipité, tous remarquent, et non sans cause raisonnable, un outrageant mépris de nous et de l’Eglise romaine. 1 Le pape terminait sa lettre de protestalion en priant Philippe de remettre la personne et les biens des Templiers aux mains des cardinaux Bérenger Frédol et Etienne de Suisy. Toutefois — la chose a son importance — il restait muet sur l’innocence des chevaliers et ne blâmait que le manque d’égards dont on avait usé envers lui (E. Bbnan, Etudes sur la politique religieuse de Philippe le liel, Paris, 1899, p. ^17-419).

VI. Aveux des Templiers. — Le courroux de Clément V s’apaisa bientôt. Après le coup de théâtre du 13 octobre 1307, les officiers royaux, prévenant presque<|)artout l’action de l’Inquisition, avaient obtenu des aveux écrasants, en appliquant tous les moyens d’intimidation possibles. La torture la pins cruelle avait triomphé des résistances. Les prisonniers n’avaient d’autre choix que de confesser les crimes qu’on leur imputait ou de se vouer à une mort certaine. Les ordres du roi étaient formels et explicites : « On leur dh-a comment le pape et le roi sont informés par plusieurs témoins bien dignes de foi, membres de l’ordre [ces deux affirmations étaient mensongères], de l’erreur et de la bougrerie [mœurs contre nature] dont ils se rendent spécialement coupables au moment de leur entrée et de leur profession, et ils leur promettront le pardon s’ils confessent le vérité, e ?i revenant à la foi de sainte Eglise, ou qu’autrement ils seront condamnés à mort » ; G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiers, Paris, 1923, p. 27. t

Les Templiers qui avaient avoué n’eurent pas plus tard la ressource de la rétractation, quand ils furent traduits devant les tribunaux de l’Inquisition. Les i. ; ens du roi. par un abus criant, assistaient à leur interrogatoire et s’assuraient qu’ils persévéraient dans leurs premières déclarations.

Des iltO accusés produits devant l’inquisiteur général Guillaume Imbert, quatre seulement proclamèrent leur innocence. Tous les autres, y compris les hauts dignitaires de l’ordre, avouèrent les blasphèmes ; environ les trois quarts d’entre eux confessèrent les gestes impudiques au moment de l’initiation et un quart à peu près l’incitation à la sodomie. Presque tous se défendirent avec horreur d’avoir jamais pratiqué ce vice dégradant (Michklrt, Procès des Templiers, t. II, p. 277-420). Le grand maître reconnut sa propre honte et celle de ses inférieurs, à deux reprises différentes, le 24 et le : >.5 octobre (G. Lizkrand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. 33 et Dbniflb et Châtelain, Chartularium unir versitatit Parisiensis, Paris, 1891, t. II, p. 12g-130). Il implora humblement le pardon du roi et l’absolution du pape et se déclara prêt à accepter la pénitence qui lui serait imposé*. Bien plus, une cédule, scellée de son sceau, enjoignit aux Templiers, en