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SYLLABUS

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La question bien posée serait celle-ci : le Syllabus n’est pas par lui-même, du moins certainement, une définition ex cathedra. Mais les contradictoires des propositions qui y sont condamnées, n’en sont pas moins de foi, parce qu’elles sont garanties par l’infaillibilité de l’Eglise ; elles ont été en eflfet acceptées el enseignées unanimement comme vérités de foi par le magistère de l’Eglise dispersé.

Cette dernière assertion constitue un fait qu’il faut prouver. Et nous disons précisément que cette preuve n’apparaît pas claire, évidente, semble même faire défaut pour certaines propositions, sur le sens desquelles le consentement de l’Episcopat n’est pas suffisamment manifesté aux théologiens pour légitimer une conclusion ferme sur !e point discuté.

Nous le répétons, l’unanimité morale des évêques a accepté le Srllabus comme un jugement authentique du Souverain Pontife, mais non comme un jugement définitif, absolu, porté en vertu du magistère infaillible ; de plus, il n’y a pas eu complet accord entre les évêques pour l’interprétation de certaines propositions… On ne peut donc pas dire, au moins avec certitude, que toutes les propositions du Syllabus sont garanties par le consentement unanime des évêques, par l’infaillibilité de l’Eglise. Le Docteur P.iul Schanz et le P. Biederlack défendent avec autorité la même opinion’.

Au reste, ces divergences d’interprétation se sont manifestées dès le commencement, au lendemain de la publication de l’encyclique Quanta cura et du .Srllabus, et ont persisté jusqu’à nos jours 2. On discuta, et avec quelle ardeur, sur le sens du Syllabus, principalement des propositions qui se rapportaient aux doctrines libérales, le sens et la portée du bref de Pie IX adressé à Mgr Dupanloup, à l’occasion de son commentaire sur le Syllabus. Qu’on relise l’histoire de ces polémiques ; on verra si la bataille fut vive, si les camps étaient tranchés, et si l’on peut encore parler d’un accord, au moins sur un minimum de sens 3. Le dissentiment pouvait-il être plus profond, puisqu’on alla jusqu’à accuser l’évêque d’Orléans d’avoir faussé le sens du Syllabus, <t d’avoir violenté les enseignements du Saint-Siège au point de les plier au sens des théories qu’ils condamnent » ? Cf. Laorange, Mgr Dupanloup, t. II, p. 304 ; Maynard, op. cit., p. 1 36 sqq.

« Tout libéral, écrivait-on, tombe nécessairement

sous la réprobation de l’Encyclique. En aucun sens un catholique ne peut être ni se dire libéral. » Cf. Lbcikubt, op. cit., t. III, p. 383.

Ces faits prouvent, à n’en pas douter, la division profonde qui régnait entre catholiques, libéraux et ultramontains.

Enfin, des théologiens de marque, d’une parfaite orthodoxie, dit le P. Biederlack (Cf. Staatslexicon…, v. Syllabus, col. 664), ont soutenu, dès l’apparition du Syllabus, des opinions différentes, et un grand nombre affirment encore aujourd’hui

1. Cf. Sciianz, Staatslexicon, t. V. col. 641 -663, toc. Syllabus, Hcrder, 1904 ; Biedf.hlack, Staatslexicon, t. V, col. 667, toc. Syllabus, Herder, 185*7.

2. Cf. Biedeulack, Staatslexicon, vrc. Syllabus, col. 664.

3. La Convention du 15 septembre et V Encyclique du 8 décembre par Mgr l’Evéque d’Orléans, Paris, 1865 ; Vie de Mgr Dupanloup, par l’abbé LagRAMGK, t II, oh. xvi, xvil, xviii, Paris, 1902 ; Louis Vêuillot, par Rugène Veuii.i.ot, t. II, ch. xvi, Paria, I90Π; Maynakd, Mg’- Dipanloup cl M. Lagrançc son historien, ch. xi, Mgr Dupanloup et le Syllabus, Pari », 1884 j Hgf IUusakd, Histoire du Card. Pie, t. II, ch. vii, et vm. Poitiers. ISS 1) ; Monde et Correspondant, an. 1365 ; Défenses de l’opus culc intitulé : Mgr Dupanloup, par Mgr Victor Pelletier. Paiis, Haton, 1876.

que cette question de l’infaillibilité du Srllabus est loin d’être tranchée. Cf. Palmibri, Opta theolog. moral. , t. II, n. 165, 166, Prati, 1890, el n. io5, 1899 ; D r Hbiner, Der Syllabus…, p. 20 sq.

Ces faits, cette controverse ne semblent-ils pas le démontrer : il n’y a pas eu et il n’y a pas dans l’Église consentement moralement unanime au sujet du Syllabus, du moins un consentement moralement unanime, tel qu’il nous permette de déduire avec certitude que le Syllabus a été accepté comme document infaillible, ou qu’il est du m >ins garanti dans toutes ses parties par l’infaillibilité de l’Église, du magistère dispersé ? — Nous l’avouons cependant volontiers : l’opinion affirmative paraît solidement probable.

Mais on insiste. « Le Syllabus, dit-on, est infaillible, au moins parce que l’unanimité morale de l’Episcopat l’a accepté et proposé aux fidèles comme une règle de doctrine obligatoire, à laquelle on e-U obligé en conscience, non seulement de rendre le respect extérieur, en ne l’attaquant pas, mais de soumettre son intelligence et son cœur, et de conformer ses actes, dans la vie politique notamment. Or, il est inadmissible et inconcevable qu’une pareille obligation soit imposée à l’Eglise universelle, à l’égard d’un document doctrinal qui ne serait pas infaillible… »

Cette preuve est radicalement erronée, et restreint singulièrement l’autorité du Souverain Pontife. Le Pape, en effet, pour commander et imposer sa volonté à l’Eglise universelle, n’a pas besoin, chaque fois, d’user de son pouvoir souverain au suprême degré, c’est-à-dire, avec le charisme de l’infaillibilité. Une règle de doctrine peut être proposée comme strictement et universellement obligatoire sans être positivement infaillible, et les ûdèles sont obligés en conscience de se soumettre extérieurement et intérieurement.

Léon XIII n’a-t-il pas écrit un grand nombre d’encycliques doctrinales, pour instruire les chrétiens, rappeler au monde, qui les oublie, les vérités fondamentales de la religion ? Les évêques ne les ont-ils pas reçues et proposées aux fidèles, comme des directions doctrinales auxquelles il faut se conformer ?


S’ensuit-il que les encycliques du grand Pontife soient des documents infaillibles ?

De tout ce que nous venons de dire, il nous paraît résulter qu’il n’est pas improbable et téméraire d’affirmer que le Syllabus n’est pas garanti par l’infaillibilité de l’Eglise.

Sans doute, les contradictoires de certaines propositions condamnées dans le Syllabus peuvent être des vérités de foi ; mais cela constera pur ailleurs et non pas parce qu’elles sont dans le Srllabus.

Le Syllabus, écrit le Docteur Hiîinkr, est-il une définition ex cathedra, ou bien n’est-il qu’une déclaration de la plus haute autorité, adressée sous forme de loi obligatoire au monde catholique tout entier ? La question n’est pas définitivement tranchée. Les théologiens ne sont pas d’accord sur ce point, et aussi longtemps que l’autorité suprême en matière de doctrine n’aura pas donné de sa pensée un commentaire autorisé, tout catholique reste libre d’adopter l’une ou l’autre opinion. Le P. Pksch, S. J., dans la nouvelle édition de sa Théologie dogmatique, après avoir signalé les opinions divergentes des auteurs pour expliquer et défendre l’infaillibilité du Syllabus, ajoute : « Alii censent Syllabum, etsi non constet de ejus infallibilitate, esse tamen normam authenticam, a Summo Pontifice loti Ecclesiae præceptam, cui omnes se subjicere debeant. Ita Ciioupin. (Valeur des décisions doctrinales du