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SYLLABUS

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Ce qu’il y a de singulier dans cette opinion, c’est que toutes les lettres et allocutions de Pie IX, mentionnées (Unis le Syllabus, sont transformées en définitions ex cathedra. Malgré l’autorité du docte écrivain, une pareille affirmation ne peut pas être regardée comme vraiment probable. Il faudrait de Bolides preuves à l’appui. Cf. Bikdbrlack, Staatslexieon, toc Syllabus, aol.e67.Par exemple, la proposition 3ae est extraite d’un bref laudatif, adressé par Pie IX à l’évoque de Montréal (v. 5 1’partie, prop. 3a’, Valeur des décisions doctrinales’),

l’eut-on dire avec vraisemblance que le Syllabus a donné à ce document la valeur d’une définition ex cathedra ?

Comme on le voit, il n’y a pas accord entre les docteurs sur cette question. De ce désaccord, comme de solides raisons intrinsèques, il résulte donc que l’opinion attribuant au Syllabus le charisme de V infaillibilité personnelle du Pape n est pas évidente et certaine : « Non constat ».

§ IV. Opinion deceu.v qui soutiennent que le Syllabus contient un enseignement infaillible, parce qu’il est garanti par l’infaillibilité de l’Eglise. — A défaut île l’infaillibilité du Pape, n’est-il pas nécessaire d’invoquer ici l’infaillibilité de l’Eglise î Ne doit-on pas dire que le Syllabus, auquel 1 Épiscopal catholique adonné son assentiment, est devenu, par cette voie, une norme certaine et infaillible ? C’est l’opinion du P. Wbknz (Op. cit., t. I, n° 278) ; du P. Ojbtti (Synopsis, voc. Syllabus) ; d’Air.HNER (Compend, jur. eccl., p. 09, 60) ; Acta Sanctæ Sedis, t. III, p. 63 ; du P. Frins, Kirchenlexicon, voc. Syllabus col. 1021 : < Syllabus etiam vi primae publicationis de/initio ex cathedra merito dici potest, quamvis id minore claritate et certitudine constet quani de Encyclica Quanta cura. At cum utrique docuniento, etiam Syllabo, accesserit consensus magisterii dispersi Ecclesiae, utraque deeisio ex alio quoque fonte est nornia certa atque infalltbilis. » (Wernz, /. cit.), et de bien d’autres docteurs. Ces auteurs soutiennent que le Syllabus contient un enseignement infaillible, parce qu’il est garanti par l’infaillibilité de l’Eglise.

Nous l’avons déjà vii, il est manifeste que l’unanimité morale de l’Episcopat catholique a reconnu le Si lia bus comme un « acte authentique du Souverain Pontife, réprouvant à juste titre les erreurs modernes ».

Il n’y a et ne peut y avoir, croyons-nous, aucune dissidence entre les théologiens sur le fait de ee consentement de l’Eglise universelle. Mais quel en est exactement l’objet et la portée ? Ici encore, tous les docteurs ne donnent pas la même réponse.

Les uns jugent que, depuis le jour où l’adhésion de l’Episcopat est devenue évidente, le Syllabus tout entier s’est trouvé garanti par l’infaillibilité même de l’Eglise. Par suite, chaque article du document ne réclame plus un simple assentiment religieux, mais, selon la matière, un assentiment de foi divine ou ecclésiastique.

Cet argument serait absolument sans réplique, si l’on prouvait qu’en effet l’Episcopat catholique a reconnu dans le Syllabus une définition ex cathedra, ou que, après l’acceptation du Syllabus, les propositions qu’il contient ont passé dans l’enseignement de l’Eglise universelle, comme vérités de foi.

Or, rien de moins prouvé, et d’autres docteurs font à bon droit les deux observations suivantes :

D’abord, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut, on ne peut soutenir que l’unanimité morale des évêques ait déclaré voir dans le Syllabus une définition ex cathedra.

Ensuite, lorsque des propositions tirent du magis tère disperse une infaillibilité certaine, c’est qu’il y a eu accord véritable, unanimité morale de l’Episcopat catholique à défendre chacune de ces propositions comme vérité de foi, c’est que leur doctrine a pris corps dans l’enseignement ordinaire de l’Eglise. Peut-on dire qu’il en va de même pour les quatrevingts propositions, très variées, parfois très complexes, que les évêques reçoivent en bloc dans un document pontilical ? Peut-on dire que, depuis l’acceptation du St/llabus, les propositions, qui précédemment pouvaient prêter aux discussions entre catholiques, sont entrées dans l’enseignement de l’Eglise universelle, sont enseignées comme vérités de foi ?

La chose est d’autant moins claire que les interprétations épiscopales ont été moins concordantes. Tout leruonde sait, par exemple, que l’interprétation de Mgr Dupanloup diffère notablement de celle des docteurs ultramontains. Or, bon nombre de prélats de tous paysont adressé leurs félicitations publiques à l’illustre évêque d’Orléans. Cf. Lecanuet, Montalembert, t. III, p. 388-38g, Paris, Poussielgue, 190a ; Lagrangb, Mgr Dupanloup, t. II, p. 301, Paris, Poussielgue, 1886.

Le désaccord des interprètes ne changerait évidemment rien à l’infaillibilité objective, s’il s’agissait d’un acte déjà infaillible, comme rendu par le Pape ex cathedra, et diversementeompris par les évêques.

Mais, quand c’est du consentement moralement unanime des évêques qu’il s’agit de tirer l’infaillibilité elle-même, et que ce consentement n’existe qu’avec des nuances de doctrine fort accentuées, est-il évident et incontestable que les propositions s’imposent par l’infaillibilité de l’Eglise universelle ?

§ V. — Quelqu’un dira peut-être : « Cette preuve tirée des divergences d’interprétation s estsansvaleur : il y a bien d’autres définitions de l’Eglise que tous les théologiens n’interprètent pas avec une égale rigueur, et qui n’en sont pas moins des décisions infaillibles ; il y a toujours un minimum de sens certain. » Cette objection a été prévue et expressément résolue par ce que nous venons de dire ; pour plus de clarté, nous pouvons ajouter ceci :

Cette observation est fort juste, lorsqu’il s’agit d’un document que l’on sait déjà certainement infaillible. L’exemple suivant est classique. Le concile du Vatican [Const. De fide catliolica, c. 1 ; D.B., 1782 (1631)J, définit formellement que Dieu est incompréhensible. Toutefois, en quoi consiste exactement cette incompréhensibilité ? Les docteurs ne sont pas d’accord sur ce point. Mais il y a évidemment un minimum de sens certain, qui est de rigueur, de foi, qu’il faut donc absolument tenir. Cf. Franzblin, De Deo uno, thés. 18, p. 324, Romae, 1883. De même, c’est de foi définie : à la sainte messe, le prêtre offre à Dieu un véritable sacrifice. Concil. Trid., Sess. xxii, De Sacrificio Missae, cap. 1, et can. I, D.B., g38 (81 G) et q48 (826). Mais en quoi consiste formellement le sacrifice ? Les explications varient. Cf. Franzelin, De Eucharistia, thés. 1 4, 15, 16, P- 3^9 sqq., Romae, 1873. Il y a cependant un minimum de sens absolument certain, en vertu de la définition dogmatique.

Mais il en va tout autrement lorsqu’il faut tirer l’infaillibilité, comme dans l’espèce, du consentement unanime des évêques ou de l’enseignement même de l’Eirlise.

Regar 1er déjà le Syllabus comme un document certainement infaillible, à l’égal d’autres définitions dogmatiques indubitables, raisonner ensuite comme si ce premier point était acquis, c’est supposer ce qui est en question ; c’est une simple pétition de principe.