Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/792

Cette page n’a pas encore été corrigée

1571

SYLLABUS

1572

ainsi formulée : le Syllabus ne forme qu’un seul tout avec L’encyclique Quanta cura, tant leur liaison est intime ; or, dit Mazzella (1. cit.), Encyclieam Quanta cura plénum et infallibilem auctoritatem habere liquet ex verbis quibus concluditur : la formule grave et solennelle par laquelle le Pontife conclut son encyclique montre manifestement qu’il s’agit d’une décision souveraine et infaillible ; donc le Syllabus est infaillible comme l’Encyclique ellemême.

Cet argument a son poids, et il est d’autant plus digne de considération que beaucoup d'évêques, en adhérant au Syllabus, appuyèrent ce sentiment de leur autorité.

Nous n’oserions pas dire toutefois qu’il est absolument concluant. Beaucoup d’auteurs regardent assurément l’encyclique Quanta cura comme une définition ex cathedra : ils remarquent cependant que, si l’assertion paraît indubitable pour l’encyclique Quanta cura, elle ne s’impose pas avec la même évidence quand il s’agit du Syllabus, Cf. Wbhnz, op. cit., t. 1, n. 278, et not. 58', p. 385 ; Ojetti, Synopsis rerum moralium et juris canonici, ad. voc. Syllabus, 2e édit., Prati, 1905.

D’ailleurs, même pour l’encyclique Quanta cura, il n’y a pas l’unanimité des Docteurs. Cf. Hbrgenrœtiibh, Kathol. Kirche und christl. Staat, traduction anglaise, p. 207. London, 1876. A la vérité, le P. Wkrnz, signalant l’opinion de ceux qui dénient à cette Encyclique le caractère de définition ex cathedra, la qualilie de manifestement improbable, plane improbabilis. Op. cit., t. I, not. 58, p. 385.

Quoi qu’il en soit, l’unité morale de l’encyclique et du Syllabus est-elle évidente ? Il semble bien, au contraire, que la circulaire d’Antonelli désigne deux documents distincts et même indépendants. « Quant à moi, dit le Cardinal, il (le Souverain Pontife) m’a ordonné de veiller à ce que ce Syllabus imprimé vou< fût expédié, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, à l’occasion et au temps où le même Souverain Pontife, par suite de sa grande sollicitude pour le salut et le bien de l’Eglise catholique et de tout le troupeau qui lui a été divinement confié par le Seigneur, a jugé à propos d'écrire une autre lettre Encyclique à tous les évêques catholiques. » Le Secrétaire d’Etat, au nom et par ordre du Souverain Pontife, transmet donc en même temps aux évêques, deux documents pontificaux distincts et indépendants : le Syllabus et une autre lettre Encyclique : ce sont deux actes du Souverain Pontife dont.chacun a sa valeur propre.

On est donc en droit de conclure que, par cette voie, l’infaillibilité ne s’impose pns.

Reste une troisième raison que les défenseurs de cette opinion invoquent avec plus de succès. Le Syllabus, disent-ils, a tous les caractères d’une définition ex cathedra. C’estla grande preuve de Franzelin. Le P. Dksja.cq.uks, dans son article sur le Syllabus. reproduit textuellement la lettre où le savant théologien expose son sentiment à un professeur de théologie, qui l’avait consulté sur la question.

« En résumé, conclut l'écrivain (Etudes, juillet

1889, p. 354-360), Franzelin pensait que le Syllabus est comme l’encyclique Quanta cura, bien que sous une forme différente, une décision doctrinale ex cathedra, et que, si l’on tient compte des circonstances, la sentence définitive du Souverain Pontife y est exprimée d’une manière suffisante et authentique. »

Nous le reconnaissons volontiers, grâce à cette raison très sérieuse, et aux nombreuses et grave ! autorités qui l’appuient, ce système acquiert un haut degré de probabilité.

Toutefois, peut-on dire que cette raison consti tue une preuve apodictiquc, d’une évidence telle qu’elle enlève toute probabilité à l’opinion contraire ? Les raisons convaincantes, dit le P. Frins (Kirchenlexicon, voc. Syllabus, col. 10 19-1020), manquent pour pouvoir afïirmer avec certitude que le Syllabus est une définition ex cathedra. La réponse aflirmalive est théoriquement douteuse. Donc en pratique, on ne doit pas l’imposer.

§ IL Opinion de ceux qui soutiennent que le Syllabus est un acte authentique de Pie IX, obligeant universellement les fidèles, non pas cependant une définition ex cathedra. — Il n’est que juste d’en convenir, croyons-nous, le second système c’est-à-dire l’opinion de ceux qui soutiennent que le Syllabus est un acte authentique de Pie IX, obligeant universellement les fidèles, non pas cependant une définition ex cathedra, garde une vraie probabilité.

En effet, une des conditions essentielles d’une définition ex cathedra est la volonté, l’intention du Pape suffisamment manifestée de prononcer définitivement sur la doctrine. Jusqu'à présent, a-t-on bien clairement démontré que cette condition était réalisée pour le Syllabus ? Elle ne semble pas résulter avec évidence de la forme sui generis du Syllabus, ni du ton de la circulaire qui le notifie. M. l’abbé Boudinhon développe longuement cet argument dans son article sur le Syllabus. Cf. Revue du Clergé français, 15 avril 1900. L’histoire montrerait plutôt que le Pape, dans le cas, n’a pas voulu faire appel au maximum de son autorité enseignante.

En 1862, la commission compétente avait terminé le long travail ordonné par Pie IX ; elle avait abouti à donner un nouveau catalogue de soixante et une propositions, munies chacune d’une ou plusieurs notes théologiques. Ce catalogue fut soumis à l’examen des trois cents évêques alors présents à Rome, qui en très grande majorité approuvèrent la condamnation. Pie IX se proposait d’employer la forme solennelle d’une bulle spéciale pour le publier. A cause des indiscrétions de la presse italienne et de l’opposition de certains évêques, le Pape renonça à son projet d’une bulle de condamnation. Mais, en 1864, pour signaler cependant au monde catholique les erreurs modernes, il recourut au mode moins solennel d’un catalogue authentique, formulant quatre-vingts propositions comme atteintes déjà par divers documents antérieurs. — Il ne semble vraiment pas que Pie IX marquât ainsi l’intention de recourir au suprême degré de son magistère doctrinal.

§111. Opinion du P. Hinaldi. — Une autre nuance d’opinion a été savamment exposée par le P Rinaldi. (Ilvalore del Sillabo.c. ni, p. 7 sqq). L’auteur soutient que le Syllabus est un document pontifical, contenant des propositions toutes condamnées par le Souverain Pontife parlant ex cathedra : mais l’acte qui les condamne, ce n’est pas le Syllabus, ce sont les actes pontificaux auxquels le Syllabus renvoie : le Syllabus n’est pas cette sentence elle-même, il n’en est que la notification authentique ; c’est un index autorisé qui ceriifie que les sentences dont il est le résumé ont été rendues ex cathedra, et qui supplée ce qui aurait pu manquer à leur promulgation.

Comme preuve de sa thèse, il donne deux raisons principales : l’une est extrinsèque et se tire de l’accueil fait au Syllabus par tous les évêques de la catholicité ; nous allons préciser la portée de cet argument ; l’autre est intrinsèque, elle est fondée sur le texte même du Syllabus et sur les circonstances de son envoi ; cet argument prête beaucoup à la controverse, et l’auteur lui-même (op. cit., p 101) déclare ne pas vouloir faire dépendre sa thèse de la valeur de cette preuve.