Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/777

Cette page n’a pas encore été corrigée

1541

SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

13 V2

quand cela serait ? Hartmann pourtant ne veut pas entendre parler de matérialisme.— Pour bien comprendre la raison de son opposition à cette doctrine, il est nécessaire de se reporter plus haut, c’est-à-dire à l’ensemble de son système. // y a des /iris dans la nature, voilà une proposition fondamentale, ou plutôt une vérité éclatante, qui tiendra toujours tout matérialisme tu échec (P. /., t. I.p. ^ sq.). Car poulies expliquer, ces tins, il faut admettre, en dernière analyse, une intelligence, une pensée ordonnatrice ; la volonté elle-même (Schopenhauer) n’y suffit p s, etc. Seulement, cette pensée ordonnatrice est inconsciente en soi, elle ne prend conscience d’ellemême qu’à l’état d’individuation, c’est à-dire en se partageant pour ainsi dire entre les organismes, dans le miroir desquels, précisément, « lie se réfléchit.

En d’autres termes : d’une part, il est impossible de contester les résultats acquis par la physiologie ; inutile de tourner autour, la pensée dépend rigoureusement du cerveau, etc. ; d’autre part, le matérialisme, dont cette constatation semble jusqu’à plus ample informé assurer le triomphe, ne peut pourtant pas rendre compte de la linalilé incoustestable qui règne dans la nature. Comment sortir de là ?

En distinguant conscience et pensée (ou idée) ; en disant que c’est la pensée consciente qui dépend du cerveau, et que la pensée toute pure en est affranchie ; en admettant dès lors que l’intelligence qui préside à l’évolution universelle est inconsciente en elle-même. Voilà comment ia critique du matérialisme se tourne chez Hartmann en preuve de sa thèse fondamentale : Le principe premier est Vinconscient.

Tout repose, comme on le voit, au moins par un côté, sur le fait de la liaison delà pensée (consciente) avec l’organisme. Regardons-y d’un peu plus près. Au vrai, il y a, pour rendre compte de ce fait général, une autre hypothèse que la distinction entre conscience et pensée, et l’inconscience originelle et essentielle de celle-ci. Et même, pour la construire, nous n’avons qu’à partir d’une propre affirmation de Hartmann discutée ci-dessous, à savoir que la conscience suppose l’idée’. Supposons en effet que l’idée à son tour soit en nous dans une dépendance directe ou indirecte de l’organisation (directe, s’il s’agit de la représentation sensible, indirecte [i. e. par la représentation sensible elle-même], s’il s’agit de l’idée proprement dite ou représentation intellectuelle ) : la dépendance de la pensée consciente par rapport à l’organisation sera, c’est trop clair, expliquée du même coup.

Voilà donc l’autre hypothèse, et qui n’est pas plus favorable en fin de compte au matérialisme, qu’on veuille bien l’observer, que celle de Hartmann : car il reste par ailleurs que cette dépendance de fait où se trouve la pensée (consciente) par rapport à Porganisme ne l’empêche pas de faire valoir, pour ainsi dire, sur d’autres points son inaliénable autonomie (cf. argumentation classique : spiritualité de l’opération intellectuelle). Echappant ainsi au matérialisme, l’hypothèse en cause se trouve aussi satisfaire à l’autre donnée du problème ((inalité). Pour le bien entendre, il ne faut que pousser un peu plus loin notre analyse.

Pourquoi, de fait, la pensée est-elle en nous dépendante de l’organisation ? Cela tient, en définitive, au fond de potentialité inévitable qu’enveloppent par nature nos puissances créées et finies, avec l’indétermination essentielle et primitive qui en

1. Au sens généra ! de « représentation » (Vorttellung).

résulte, et, dès lors, pour la rompre, la nécessité d’une détermination objective, qui, dans notre condition présente, se trouve être à l’origine l’excitation du sensible matériel. Et la pensée intellectuelle ou rationnelle elle-même n’échappe pas, tout d’abord, à cette loi, encoie qu’elle n’y soit assujettie que d’une manière médiate et comme accidentelle, puisqu’elle a tout d’abord pour matière obligée de son exercice les sensations ou les images, immédiatement liées, elles, aux organes, et puisque c’est seulement après avoir reçu ce premier branle qu’elle peut prendre son essor vers la région supérieure des idées, où elle retrouve proprement son indépendance.

Autrement dit et en touteprecision.ee n’est pas tant la pensée consciente que la/>ense’etoutcourtquiadela sorte pour condition (immédiate ou médiate) le fonctionnement de l’organisme ; et, encore une fois, la raison en est dans la potentialité et l’indétermination originelle de nos facultés de connaître. On voit la conséquence : c’est qu’une intelligence qui serait en acte par elle-même, serait aussi dès lors consciente par elle-même. Or qu’il faille, maintenant, et de toute nécessité, une intelligence en acte à l’origine des choses, c’est, pour ne pas chercher momentanément ailleurs et demeurer dans le cercle de notre présente discussion, ce que nous aurons occasion d’établir par la critique d’un deuxième argument de Hartmann, emprunté aux rapports de la conscience et de l’idée. Autrement dit encore, entre les deux hypothèses que nous venons d’opposer l’une à l’autre, celle de Hartmann et la nôtre, qui décidera ? Les propres considérations’que nous allons faiie valoir à rencontre de la thèse hégélienne, dans laquelle, comme on va voir, celle de Hartmann vient à un moment donné s’absorber.

3. Conscience et idée. — Un autre motif prédominant de la philosophie de l’Inconscient, et par lequel celle-ci manifeste sa parenté étroite avec l’hégélianisme, c’est donc que « la conscience suppose l’idée, comme son contenu nécessaire, tandis qu’à l’inverse i’idée ne suppose pas la conscience (P. /., t. II, p.40). »

L’affirmation est équivoque. Avant d’avoir conscience d’une idée, il faut commencer par en concevoir une, rien de plus ex ; <ct : mais s’ensuit-il que, prise du moins dans son plein développement ou parvenue à sa perfection la plus haute, l’idée n’enveloppe pas la conscience à titre d’élément intégrant ? Conclusion qui, à ne considérer d’abord que le monde de l’expérience, apparaît du premier coup comme singulièrement aventureuse ; car enfin, quelque jugement qu’on doive porter sur la possibilité de phénomènes psychologiques inconscients (Cf. sup., II, B), une chose demeure acquise en tout état de cause, à savoir que notre activité intellectuelle n’atteint juste son point culminant que quand au contraire elle se connaît elle-même.

Bien mieux, qui prendra sur soi de refuser ce privilège à la Pensée en soi ou à l’Idée absolue ? C’est le fond de la thèse hégélienne, en somme, dont la discussion se trouve ainsi engagée (n’oublions pas que Hartmann se donne précisément pour tâche de concilier Hegel et Schopenhauer). On a relevé, non sans raison, la supériorité que vaut à cette conception générale (toute panthéistique qu’elle reste par ailleurs) sa façon de mettre tout de suite l’accent sur le caractère essentiellement rationnel ou intelligible de l’être. En ce sens, Hegel serait déjà plus près du spiritualisme. Sans compter que, par l’Idée et avec l’Idée, la léléologie rentre en scène et reprend

1. San* préjudice des autres, redisons-le.