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SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

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main insensible ; avec un peu de perspicacité, il doit comprendre le but de la recherche ; il s’y prête, et il cherche à influencer la conscience normale du sujet ; il la suggestionne à son tour 2 ; … c’est cet inconscient, je n’en doute pas 3, qui souffle à la conscience prime l’idée du nombre, et celle-ci reçoit l’idée sans savoir d’où elle lui vient*… » — On se demande involontairement si l’auteur n’ironise pas, tout simplement. Auquel cas nous serions du même avis quant au fond. Quoi qu’il en faille penser, nous répéterons qu’il est bien plus naturel de recourir, pour expliquer la suggestion, à une perception subconsciente du moi prime lui-même, ou plutôt du moi tout court, qui n’est pas plus réellement désintégré alors, ou altéré, ou dédoublé, que dans les faits analogues de la vie commune. Celles-ci, en effet, nous offre, redisons- le aussi, de nombreux exemples de ces associations provoquées ou déclenchées par des sensations de ce genre, rapides et fugitives au possible, qu’on n’a éprouvées que comme à l’état nais sant et auxquelles on n’a pas pris garde, mais qui n’en exercent pas moins leur action, prouvant ainsi, pratiquement, leur réalité. Et l’on n’y a pas pris garde parce que l’attention était ailleurs. Là même serait l’équivoque, ou une première équivoque, c L’excitation, dit encore Binet, après avoir relaté l’expérience des piqûres, quoique non perçue parle moi normal, a produit un certain effet sur ce moi, elle y a amené une idée » (de chiffre) correspondante (op. cit., p. 185) — « ( quoique non aperçue » ; voilà, si nous y voyons bien, ce qu’il fallait dire, et ce que disant on eût été préservé de mettre en avant un moi second, ou somnambulique* qui « soufflerait » le premier, hypothèse énorme elle aussi, qui le contestera ? pour exempt de doute qu’on avoue être soi-même à cet égard.

Tout cela est si vrai, enfin, que plus d’une fois le propre texte des auteurs effleure pour ainsi parler notre explication. Soit entre autres, cette demi-page des Altérations : « Et maintenant, si nous jetons un coup d’oeil d’ensemble sur ces phénomènes, nous voyons que la démarcation de conscience, telle qu’elle existe chez l’hystérique, ne constitue pas une démarcation brusque, suspendant toute relation entre les consciences. Loin de là ; les phénomènes psychologiques de chaque groupe exercent sur le groupe voisin une influence incessante, et la division de conscience ne suspend pas même le jeu de l’association des idées ; il arrive qu’une idée associée à une autre l’éveille et la suggère, bien que les deux appartiennent à des consciences différentes. La division laisse donc subsister l’automatisme des images, des sensations et des mouvements. Elle consiste seulement dans une limitation de la conscience (op. cit., p. ujl). » Nous reposerons la même question que tantôt : si ce sont deux consciences tout de bon distinctes à qui appartiennent, respectivement, l’idée suggestive etl’idée suggérée(ou, comme parlent aujourd’hui certains psychologues, la représentation inductrice et la représentation induite),

1. Puisque, par hypothèse, ces sensations perdues par le moi prime sont recueillies par l’autre. Cf. sup., ibid.

2. Comment, encore un coup ?

3. On aurait bien tort d’en douter.

4. Cela vaut, en somme, une réflexion dans le même goût du même savant psychiatre, à propos d’un cas analogue, celui de la main insensible a qui l’on fait fait écrire le mot « toussez j> ou la question « comment tous portez-vous ? » et qui répète la question posée ou l’ordre donné, au lieu d’y répondre ou de les passer au moi normal :

« rien n’a été compris, semble-t-il, p-ir le personnage

inconscient, qui est encore trop rudimentaire pour juger, iaisouner, et qui ne sait faire qu’une chose, imiter

p. 97). »

comment l’association a-t-elle encore lieu ? La « division » ne peut « laisser » ainsi « subsister l’automatisme des images, des sensations et des mouvements » que si ce n’est pas une division à la lettre.

« Elle consiste » plutôt ou « seulement », ajoute de

fait Binet, « dans une limitation de la conscience »

— oui, delà conscience claire ou aperceptive, nous sommes tout à fait d’accord, ainsi que sur cette autre formule : « les phénomènes de chaque groupe exercent sur le groupe voisin une influence incessante » — ; oui encore, ceux du groupe ressortissant à la subconscience sur ceux du groupe qui relève de la conscience claire, et vice versa. Mais, qu’on nous excuse d’y insister à ce point, il n’y a rien là qui prouve apodictiquement, ni même d’une manière quelconque, et à le prendre aussi dans l’acception courante du tenue, que « la personnalité du sujet se scinde » pour autant « en deux » (ibid, , p. 288)’.

4. Equivoque fondamentale. Deux sens de* personnalité. » — 1 A le prendre, disions-nous à l’instant, dan3 l’acception courante du terme », là même git, croyons-nous, le malentendu. Le moment est venu de démêler cette équivoque qui, effectivement, pourrait bien être ici 1 le nœud de toute l’affaire ». Comme nous l’avons insinué déjà, elle revient à confondre deux sens différents, l’un strictement psychologique, l’autre métaphysique, de ce fatidique terme de « personnalité » ; ou plutôt à étendre à la personnalité métaphysique, sans trop y prendre garde, des conclusions qui ne valent, en toute rigueur, que pour ce qu’on pourrait appeler la personnalité psychologique. Que faut-il entendre par cette distinction 2 ?

Commençons par le concept métaphysique. Chacun de nous n’est pas seulement homme, c’est-à-dire doué tout ensemble des attributs essentiels de l’animalité et de la raison, il est encore et surtout un homme, parlons plus exactement, tel homme individuel, existant en lui-même et, comme disait Leibniz, « en son particulier », à titre d’unité vivante et complète, dans une absolue distinction à cet égard d’avec tous les autres, agissant par soi, subsistant en soi, n’appartenant qu’à soi, avec son nom à soi par lequel on le désigne invariablement et par lequel on ne désigne que lui, son nom

« propre » — bref, sujet unique et ultime de tout

ce qu’on peut lui rapporter ou attribuer en tant qu’il existe, principe ultime et unique aussi de toutes les opérations qui portent la marque de sa nature raisonnable et dont il assume seul toute la responsabilité. Telle est, en chacun de nous, la personne humaine, à savoir ce principe et ce sujet même ainsi défini. Tandis que « nature » ou l’ensemble des caractères qui me constituent dans mon espèce, répond à la question « que suis-je ? », « personne » répond à la question « qui suis-je ? », en désignant l’être très déterminé qui possède cette nature et dont la place est fixée par elle dans un certain ordre de choses ou de réalités. — Quanta c personnalité » (ou « subsistance »), ce sont les termes abstrait ! corrélatifs, signifiant la perfection dernière qui l’ai qu’une nature individuelle existe ainsi en elle-même et s’appartient à elle-même, le complément suprême qu’elle exige pour exister et s’appartenir de la sorte.l

1. N’est-ce pas encore ce que semble donner à entend M. P. Janet. quand il relève que In sensution perdue pa le moi normal « peut être retrouvée comme faisan partie d’un autre groupe de phénomènes, d’une s<>r d’autre conscience » (Cf. *"/>., n° 2, sub. fin.) ? l’ouiquoij dès lois, mettre en cause « la nature de la personne méJ ta physique » (ib.) ?

2. Soit dit par parenthèse, ces considérations intéret-J sent tout autant le problème des dédoublent' < t> succetsifêi