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SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

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vif de tout le débat), sensations, émotions, jugements, inférences…, actuellement réalisés quoique non perçus (et non plus simplement quoique non aperçus, comme lorsqu’il ne s’agissait que d’inconscient relatif ou de subseonscient). Que la physiologie nerveuse ou cérébrale n’y suffise pas d’un bout à l’autre, qu’on y ait besoin de quelque chose de spécifiquement psychologique, relevant de la vie mentale comme telle et ne relevant que d’elle, d’accord : mais cette réalité psychologique postulée par l’explication des phénomènes constatés, est-elle nécessairement du même ordre qu’eux, nous voulons dire une réalité proprement actuelle comme eux’? Si par hasard il n’y fallait rien de plus que des virtualités diverses, dont l’épanouissement seul alllenrerait à la conseknee tandis qu’elles se déroberaient en elles-mêmes à ses prises ? Les choses à ce compte changeraient singulièrement de face, puisque, nous l’avons constaté tout à l’heure, une fois que c’est virtualité tout court, la question d’inconscience ne se pose même plus. — Cette autre hypothèse vaut pour le moins d’être examinée.

Qu’elle n’offre rien que de plausible en ce qui touche i" les habitudes, actives ou passives, "c’est ce qui va comme de soi. Car les premières, les habitudes actives ou proprement dites, sont juste constituées par le perfectionnement, l’assouplissement, la détermination de nos diverses puissances vitales dans le sens de leur exercice aniérieur, d’où la facilité toujours plus grande avec laquelle elles agissent désormais et leur propension ou tendance toujours plus marquée en ce sens même : tendance, facilité d’agir, assouplissement (pour ne point insister sur puissance), nous rentrons en plein dans le domaine de la virtualité. Quant à l’habitude passive ou accoutumance, qui consiste dans l’aptitude à être de moins en moins modifié, nous voulons bien qu’elle supprime la conscience, niais r. "est-ce pas juste aussi en supprimant la sensation ou l’impression, parce que celle-si requiert, comme chacun sait, une différence de niveau que l’accoutumance faitdisparaitre ? n L’habitude, ce grand artisan d’inconscience, nous fait perdre, note M. Baudin (op. cit., p. n3), la sensation du frottement de nos vêtements, delà pression exercée par notre propre poids sur la plante de nos pieds, etc. ».

De l’habitude à la mémoire, — 2", considérée dans celles de ses fonctions qui nous intéressent ici uniquement, conservation et reviviscence (conservation avec aptitude à la reviviscence), il n’y a qu’un pas. Nous voulons bien encore qu’elle emporte autre chose, surtout dans la vie spirituelle, qu’une simple modification du cerveau, à savoir un élément proprement psychologique, qu’on nous permette d’y revenir, ou, comme s’exprime un manuel très estimé aujourd’hui, une * réalité psychologique obscure, mais agissante, etc. » — seulement quelle réalité ? de quelle nature ? On verra un peu plus loin que l’idée d’une conservation des états primaires à titre d’états ou plutôt de faits actuels (tels enfin, avec la conscience en moins, qu’ils se sont produits une première fois), est loin d’aller toute seule : n’est-ce pas une raison de plus de les considérer comme subsistant à litre, de virtualité, justement ? Et dès lors, ne serions-nous pas beaucoup moins éloignés de nous entendre ? « Conscience rapide suivie d’oubli, écrit-on. signifie, pour les partisans de la théorie physiologique (D. Roustan, Psychol., p. 80), conscience suivie d’une modification nerveuse inconsciente’ ; elle signifie pour nous : conscience suivie d’un état

1. Sorte de pléonasme, d’ailleurs. Insconscienle, la modification nerveuse lest [iar définition même, à l’égal it phénomène purement organique.

encore psychologique, mais inconscient » — ; tiaduisez, ou rectifiez : <t conscience suivie d’un état hahituel, d’une modification habituelle inconsciente », inconsciente, qui plus est, par définition même (cf. supra), aussi inconsciente par définition même que la modification nerveuse, si bien qu’à parler franchement, l’inconscient a bien l’air ici de ne plus rimer à rien.

Le cas de l’invention scientifique (al. artistique) appelle, — 3°, une précision analogue. Les partisans de la théorie adverse ont accoutumé de se réclamer à cet égard du témoignage de Poincaré : « Souvent, quand on travaille une question difficile, on ne fait rien de bon la première fois… ; ensuite, on prend un repos plus ou moins long, et l’on se remet à la besogne. Pendant la première demi-heure, on continue à ne rien trouver, et puis tout à coup l’idée se présente à l’esprit. On pourrait dire que le travail conscient a été plus fructueux parce qu’il a été interrompu et que le repos a rendu à l’esprit sa force et sa fraîcheur. Mais il est plus probable que ce repos a été rempli par un travail inconscient, et que le résultat de ce travail s’est révélé ensuite au géomètre, le travail conscient ultérieur l’ayant simplement excité à « revêtir la forme consciente » {Science et méthode, p. 52). — N’en déplaise à l’illustre savant, « il est plus probable », selon nous, que la vraie explication reste celle qu’il indique pour l’écarter aussitôt et aux termes de laquelle « le repos a rendu à l’esprit sa force et sa fraîcheur » ; ou, pour mieux dire, ce n’est que la moitié de la vraie explication, et il y faut ajouter l’assouplissement des facultés mentales intéressées, leur « entraînement » dans cette direction, par l’effet (par l’effet de « vitesse acquise ») du « travail conscient » qui a précédé, qui a, remarque l’un ou l’autre auteur, dû précéder (cf. v. g. D. Roustan, op. cit., p. 83 et p. 90 ; item H. Poincark, op. cit., p. 54 et p. 60). « Tel problème insoluble sur lequel on s’endort, se trouve résolu au réveil : c’est la pensée inconsciente qui a tout fait » (E. Baudin, op. cit., p. n4). Psychologie un peu expeditive, semble-t-il. On dirait bientôt que cette solution, nous la découvrons en nous-mêmes, toute élaborée, sans le moindre effort, en n’ayant rien d’autre à faire que de nous laisser faire ; — non, le problème ne « se trouve » pas « résolu », on le résout au réveil, actuellement et activement, à la minute sans doute, mais en pleine conscience, parce qu’un sommeil réparateur a, encore un coup, fait retrouver toute son élasticité à l’esprit, préparé et entraîné depuis quelque temps en ce sens. Cette interprétation est autrement « économique », à notre avis, que le recours à la fée Inconscience. Il ne paraît pas que nous tenions encore l’argument décisif en faveur de l’inconscient tel qu’on l’entend dans toute cette affaire, c’est-à-dire comme caractère éventuel du fait psychologique. Ne se tourne-t-il même pas, lui aussi, au profit de la thèse virtualiste ?

4. Réponse à une objection. — On dira peut-être qu’il est fort difficile de se faire une idée positive, précise et concrète, de ces virtualités mêmes auxquelles il nous paraît que tout revienne ici en dernière analyse, jusqu’à plus ample informé du moins(cf. v. g. Rabier, Psychol., p. 64, n. 1). — Soit : comme toutes les causes en général, nous ne pouvons guère nous les représenter qu’en fonction de leurs effets, mais c’est le cas de toutes les causes, justement, qu’on ne s’avisera point, j’imagine, de rayer pro tanlo de la liste des réalités. Je ne conçois la puissance d’un explosif que par rapport aux ravages qu’il exerce en éclatant : en est elle moins formidable, et en existe-t-elle moins ?