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SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

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de cetle rie universelle, la conscience n’est-elle pas l’expression la pins haute ? Spencer lui-même ne la considcre-t-il pas comme le point culminant de l'évolution biologique ou même, et ipso facto, de l'évolution tout court ? Et elle serait essentiellement inadaptée. — puisque, encore un coup, elle ne rime soi-disant à rien ? Elle serait essentiellement inadaptée, elle qui conçoit l’idée d’adaplation et l’applique et la retrouve partout ! On l’a appelée « la moitié antiscientilique de l’existence universelle », et sans elle il n’y aurait juste pas de science I

7. le « comment ». — Il y a plus encore. Ce n’est pas seulement le pourquoi de son apparition qui devient de la sorte inintelligible, c’en est aussie comment. Le lecteura encore présente à l’esprit l’explication proposée à cette tin par Sergi entre autres, et la comparaison qu’il fait de la conscience, cette phase finale, et accidentelle, du processus nerveux, avec la coloration violette qui se produit au terme des phénomènes chimiques déterminés dans le chlorure d’argent par son exposition à la lumière (cf. supr. n. 1). Image qui, avec nos idées modernes sur la nature des qualités secondes, est bien faite, de primeabord, pour donner le change ; selon ces idées, en effet, les couleurs en général, comme v. g. les saveurs et les sons, n’existent comme telles que dans la conscience, il suffit donc qu’elles entrent en scène pour qu’aussitôt on rejoigne celle-ci. Ou plutôt, pour qu’on ait l’illusion de l’avoir rejointe ; car c’est là précisément qu'à notre présent point de vue réside la difficulté : si ce que nous appelons la couleur violette s’identilie, en tant que tel, avec la sensation que nous en avons, lorsque la dite couleur se manifeste, e’est à la conscience même qu’on se trouve avoir affaire, et ce n’est qu'à elle ; or il s’agit juste de savoir comment elle apparaît (et non plus simplement si on quand elle apparaît) ; pour parler la propre langue de nos auteurs, i l s’agit juste de savoir comment il se fait qu'à un moment donné, quel qu’il soit, ce n’est pas ce qu ! importe, la série physiologique des réflexes se double d’une série collatérale de « subjectivités » : dire que les choses se passent alors comme quand les réactions chimiques dont le chlorure d’argent exposé à la lumière est le siège aboutissent à sa coloration en violet, c’est donc, puisque le violet revient ici à un fait subjectif, répondre à la question par la question même, en d’autres termes n’y pas répondre du tout. En d’autres termes encore, Sergi ne compare ainsi la conscience qu'à (Ûlc-mêmc, et du même coup il la postule, sans plus de façon, au lieu de l’expliquer et dans le même instant où il s’engage à l’expliquer ; il se la donne toute produite, pour ainsi parler, au lieu de nous faire voir et à l’instant même où il devait nous faire voir comment elle l’est. Nouvel escamotage. Décidément la psychologie a ses prestidigitateurs.

Reprenons d’une autre manière. Quand on dit v. g. dans les manuels de physique et de physiologie, ou même de psychologie, que les cou leurs comme telles ne sont que des sensations, c’est-à-dire que des modes de la conscience, cela peut bien soulever des objections à d’autres égards (car enfin il n’a jama ; s été prouvé, après tout, que la qualité n’appartient pas à la réalité cxtramentale, et l’on n’a peut-être pas le droit de passer ainsi, sans plus, d’un mécanisme de méthode, dont il est tout à fait loisible aux Bai ants de s’inspirer, à un mécanisme de doctrine qui, lui, ne relevé que de la philosophie)', mais en soil’aflii’ination n’a rien de logiquement répréhensihle, puisque alors la conscience est donnée d’autre part et qu’il ne s’agit que de lui rapporter ou lui faire produire l'élément

1. Cf. art. Idiîalismp, col. 5r.°-56".

qualitatif des objets sensibles, sans rechercher le moins du monde comment elle est donnée. Mais il tombe sous le sens que ce n’est plus du tout la même chose, lorsque précisément on le recherche : l’assimilation de la conscience à la coloration violette du chlorure d’argent n’est plus qu’un trompe-l'œil, car c’est tout un, en pareil cas, de dire que cette couleur apparaît ou que la conscience apparaît ; car la couleur violette, ainsi entendue, revenant à un mode delà conscience, présuppose, c’est trop clair, la conscience même, dont il fallait éclaircir, dont on avait pris à tâche d'éclaircir la genèse.

Et si par couleur violette on entend l'élément proprement objectif du phénomène, abstraction faite de la sensation correspondante, ce n’est plus qu’un fait physico-chimique comme les autres, étranger de tous points à la conscience et dont il n’y a plus rien à tirer pour l’explication de celle-ci. D’une manière comme de l’autre, la comparaison boite et la théorie chancelle qui y prenait son point d’appui. Mais c’est surtout la phrase suivante (toujours dans le texte de Sergi) qui de ce point de vue précis donne prise à la critique. « Le fait mental, qu’il soit complété par la conscience ou qu’il demeure dans l’inconscience, reste absolument identique dans tous les éléments de son processus, lesquels sont de caractère physique. » Mais s’il reste identique dans tous les éléments de son processus, si ce sont de part et d’autre les mêmes événements physiques, comment se fait-il qu’ils soient tantôt complétés par la conscience, et tantôt non ? Voilà donc les mêmes causes qui, dais les mêmes circonstances, ne produisent plus les mêmes effets ! Autant dire que, dans les conditions normales, l’eau tantôt bout, tantôt ne bout pas à 100 degrés ; que, toutes choses égales d’ailleurs, le volume d’un gaz à température constante tantôt varie en raison inverse de la pression qu’il supporte, tantôt selon un autre rapport ; que les angles de réflexion sont tantôt égaux, tantôt inégaux aux angles d’incidence ; etc. C’est le renversement de toute science 1

Et qu’on n’objecte point que ce n’estpasici production, mais simple accompagnement. Pure question de mots, tout d’abord. Sergi écrit bel et bien, à la fin du même passage, c’est-à-dire deux lignes plus loin, que « le phénomène mental dérive des cléments physiques ». Une chose qui dérive d’une autre a, règle générale, toutes les peines du monde à n'être pas produite par elle. — Passons d’ailleurs sur ce point et admettons que ce ne soit, à la lettre, qu’accompagnement. Toujours est-il que les réflexes nerveux tantôt s’accompagnent, donc, tantôt ne s’accompagnent point d' « aspects subjectifs ». Il faut pourtant une raison à cette différence ; car tout a sa raison, même de simples reflets qui, pour inconsistants et fugitifs qu’on les imagine, n’en sont pas dispensés pro tanto d'être les reflets de quelque chose. Or cette raison ne peut se trouver dans les réflexes eux-mêmes, qui, éclairés ou non de cette manière, restent, nous aflirnie-t on, identiques dans tous leurs éléments ; auxquels, nous assure-t-ou encore, il n’y a rien de changé quand la conscience s’y ajoute, sinon précisément qu’elle s’y a joute. I. a raison cherchée se trouve donc ailleurs ; qu’estce à dire, s ; non que le mental a vraiment son principe à lui, ou qu’il dérive d’une, activité originale, dont les manifestations peuvent bien être liées de façon ou d’autre aux phénomènes organiques, mais sans qu’elle en perde rien de sa foncière indépendance, sans qu’elle cesse pour autant d'être ce que la psychologie coinmuney a toujours vii, l’expression d’une réalité distincte, obéissant à des lois propres et irréductibles comme elle ?