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STIGMATES DE SAINT FRANÇOIS

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nomène nerveux vaso-moteur ; mais pour que ce sang jaillisse au dehors, pour que la peau s"ulcère et livre passade au contenu des vaisseaux rompus, il faut une effraction du tégument : or, cela est complexe et ne ressembîepas au mécanisme des réflexes, toujours essentiellement simple. l’A puis, un pareil phénomène, exaltant l’activité du système vascu-Laire tout en le paralysant jusqu’à la dystrophie des tissus, n’est pas seulement contra lietoire : il est contraire à la conservation de l’individu, ce qui jure avec la définition même de la physiologie.

Toute idée suggérée et acceptée tend à se faire acte, a dit le professeur Bernheim (loi de l’idéodynamisme). Mais il ne faut pas prendre à la lettre cette affirmation : cela est vrai d’une idée que l’organisme a une tendance naturelle à réaliser, cela est vrai d’une idée de sécrétion, de mouvement, de nutrition, etc. Gela n’est pas vrai d’une idée quelconque. Les idées abstraites par exemple ne tendent pas à se faire actes. Les idées concrètes absurdes n’y tendent pas davantage : on aura beau me suggérer et me faire accepter l’idée de m’élever dans les airs par mes propres forces, ou de décrocher la lune, je ne tendrai nullement vers l’acte correspondant.

Pour ces raisons, que nous avons développées ailleurs plus abondamment (Institut Catholique de l’aris, iqii : — cf. Bévue Pratique d’Apologétique, iï> décembre 1911), nous ne concevons pas comme possibles des stigmates naturels, nuisibles pour le corps et stériles pour l’âme. Et l’hypothèse contraire nous a toujours paru une mauvaise cause, d’ailleurs soutenue par d’exécrables moyens : pétitions de principes, récusations de témoins, inductions vicieuses, analogies forcées, citations tronquées (ibidem, pp. 44a sq.).

§ 3. — Du reste, même réalisés, lesstigmates naturels seraient-ils facilement confondus avec lesstigmates surnaturels ?

Nullement : concédons aux positivistes que, peut-être, des faits demain prouveront l’existence de stigmates naturels : concédons à nos confrères incrédules que, peut-être, demain l’interprétation des faits déjà constatés rendra cette existence présumable ; concédons enfin aux rationalistes que, peut-être, demain l’impossibilité des stigmates naturels paraîtra moins évidente. Je dis que même alors, lesstigmates surnaturels seront encore distincts des stigmates morbides, et voici pourquoi :

Nous ne sommes pas vétérinaires ; nous soignons des malades composés d’un corps et d’une âme. Nous ne croyons pas qu’il soit de notre droit, en soignant l’un, d’ignorer l’autre ; et nous pensons même, à l’exemple de maîtres incontestés, que cela est l’intérêt des malades, que cela est notre devoir. Si la façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne, la façon de souffrir est plus intéressante pour nous que la souffrance : toutes choses égales d’ailleurs, un médecin qui n’y fait pas attention diminue son pouvoir. Les stigmatisés, à ce titre, entretiennent une école féconde, car on apprend auprès d’eux le sens sublime de la douleur et le prix de l’àme. Les stigmates naturels, comme tous les phénomènes de la pathologie nerveuse, seraient des désordres stériles, décevants, épuisants : ils coûteraient cher à ceux qui tenteraient de les conjurer, comme tous les produits de l’autosuggestion ; ils accapareraient pour une exhibition sans protit toute l’énergie des sujets qui les subiraient et qui mettraient, en outre, par ces plaies spontanées, leurs ours en péril ; peut-être enfin ne seraient-ils pas louloureux, comme tant de manifestations de l’hys Tome IV.

.V. l’inverse d’un trouble morbide indolore, il existe des souffrances non morbides : j’en appelle au témoignage des parturientes, qui sont dans un étal physiologique au milieu des plus cruelles douleurs. La douleur, en ell’et, ne crée pas la maladie ; elle n’est pas un désordre, mais seulement, quelquefois ou par accident, le symptôme d’un désordre. D’ailleurs, elle n’est par elle-même ni naturelle ni surnaturelle, mais la façon dont on l’accepte en décèle l’origine et par conséquent l’espèce. Ox, les douieurs des stigmatises présentent d’abord un caractère d’héroïsme (S. Bonavbntuhe, Légende de saint François, c. xii, t. VII, p. 20, 0, col. 2 B ; Imbeht-Gourbkyrb, les Stigmatisation- : , t. II, c. x, p. 126 et le H. P. Poulain, Op. cit., c. xiii, § i(>), et en outre ni rayonnement d’humilité (Ribbt, Mystique divine, IV, PI » - l.)7-<)8).

Ce sont là des signes que les hôpitaux ne suflisent pas à faire surgir, et même on peut dire que la

« mentalité » de leurs clients mythomanes ou « pithiatiques

» ne saurait s’en accommoder. — La douleur des stigmatisés a en outre le caractère d’une grâce, et la « substance de cette grâce, c’est la compassion au Christ, la participation à ses douleurs (RiBhT) « : aussi l’orgueil est-il banni de cette douleur : on ne peut ni la désirer ni l’exhiber, on la ressent longtemps, et elle dure encore quand la plaie est dans l àme seule (S. Jean de la Croix, Vive Flamme de l’Amour, II, 2e vers, Commentaire). Rien n’y fait, ni les hésitations de la Nature, ni les menaces de l’inquisition ; les maîtres de la psychiatrie ont noté eux-mêmes ces signes (Du.mas, loc. cit., Bévue des Deux Mondes, p. aoa). — Au demeurant, même pour les yeux « laïques >, la manière dont les plaies apparaissent, la vision qui les annonce, l’échec de toute intervention humaine, l’inefficacité et l’inutilité des soins, l’apparition et la disparition aussi vraiment qu’invraisemblablement rapides, l’adaptation du fait à des besoins, à des bienfaits, à des grâces où le temporel n"a rien à voir, tout cela montre que les stigmates surnaturels sont un élément d’ordre, font partie d’un ordre, et sont par conséquent le contraire d’un désordre et donc d’une maladie. Imaginons au contraire ce que pourraient fournir des névropathes ou des délirants d’après le genre habituel de leurs manifestations : scènes stéréotypées, exaltation bruyante, trouble communicatif, stérilité morale et sociale, ou plutôt ruineux appel à l’énergie d’autrui pour réparer le désordre. « Le sujet (halluciné ) non seulement ne croit rien, n’accepte rien qui soit en opposition avec son idée dominante, comme on le voit dans les délires systématiques, mais il ne voit rien, n’entend rien en dehors dusyslème d’images de son idée (Janbt, les Névroses, p. 318) ». Si l’on compare à cela la vision de l’humble Louise Lateau qui déclare que le Christ ne la regarde même pas, qui se souvient après l’extase des détails de sa vision, qui interrompt l’extase sur l’ordre d’un religieux désigné à son insu par son évêque et sur cet ordre seul, on trouvera là des différences éloquentes qui, pour se manifester dans l’ordre psychologique et moral, n’en sont pas moins égales ou supérieures en valeur aux ressemblances et lointaines qui n’ont lieu que dans l’ordre physique. (Cf. D r Lbfkhvrk, Louise Lateau, &~)’&, — et. outre l’ouvrage déjà cité d’un religieux italien sur Gemma Galgani, Le Gou-VKLLO, Apparitions d’une aine du Purgatoire en Bretagne, Téqni, kji’i) Ces considérations jettent un jour appréciable sur l’épreuve spécifique des stigmatisés. A votre école, ô bienheureux endoloris, on ne pense à l’homme qu’en Dieu. Votre souffrance n’apparaît pas comme un symptôme, mais comme un remède. Elle ne se

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