Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/726

Cette page n’a pas encore été corrigée

1439

SOCIALISME

1440

sera plus. Secondairement, sa famille a pourtant des titres qui ne permettent pas de la frustrer sans raisons graves ou qui lui assurent l’avoir paternel, à défaut de testament. (Voir, sur tous ces points, Vbrmsbrsch, Quæstiones de Justitia, p. agi sqq.)

Et, pour résumer, en quelques mot », tout ce qu’il importe de retenir en cet exposé, nous dirons : que la propriété soit légitime, c’est une vérité de foi. Quant aux titres qui assurent sa nécessité relative aux conditions humaines, ils se fondent sur le droit naturel, au sens assez complexe que nous avons expliqué. La foi n’est plus, en ce point, directement en cause. L’on ne saurait pourtant, sans une grave témérité doctrinale, nier cette base naturelle, soit pour ruiner toute propriété privée, soit pour en confier la garde précaire à la seule loi positive, à une convention sociale. (Vbrmkersch, loc. cit.).

Voilà donc mises en évidence les raisons du différend entre l’Eglise catholique et les socialismes divers, dès lors qu’ils contestent le droit de propriété privée. Même le socialisme d’Etat adouci, s’il mérite vraiment son nom, ne peut être en règle avec l’orthodoxie chrétienne. Sans toujours nier immédiatement la propriété, l’Etat s’arroge un droit direct sur elle. Il en dispose à son gré. Et son intervention dans le domaine économique se traduit par deux mesures principales : a) égalisation des ressources par l’agencement des impôts, agencement dont l’objectif dernier est ce nivellement pécuniaire ; b) absorption des moyens de production par les monopoles.

A ces prétentions, que peut objecter l’Eglise ?

Nous avons vu que le droit de propriété, par le fait même qu’il est, en quelque façon, naturel, est aussi antérieur à la constitution de la société. Le pouvoir public n’a donc point barre directe sur une prérogative qui l’a précédé logiquement et qu’il ne saurait détruire ou régenter à sa fantaisie. Par conséquent, les impôts ne peuvent avoir pour objectif de niveler le terrain économique parl’égalisation des fortunes. D’ailleurs, pour se procurer les ressources nécessaires à son rôle, l’Etat a un pouvoir indirect sur les propriétés qu’il taxe. Mais son but doit rester alors de faire face à ses charges, tout en répartissant le fardeau commun suivant les capacités financières des contribuables, tout en tenant compte des situations familiales.

Il est vrai que, dans l’exercice de ce droit de gouvernement, l’Etat peut dépasser les justes limites. Si les tributs, qu’il exige, approchent de la confiscation plus ou moins partielle, l’on comprend que nombre de protestations déclareront ne plus voir de différence pratique entre les effets de ces méthodes et ceux d’un socialisme avéré. Les atteintes à la propriété, pour être indirectes, n’en seront pas moins effectives et le résultat sera analogue.

Peut-être. Ici pourtant, nous sommes, par hypothèse, en face de cas d’espèce, où la justice et la prudence ont à prononcer, non pas en présence d’un système socialiste préconçu et consciemment poursuivi.

Quant aux autres interventions de l’Etat dans les affaires, à ces monopoles industriels qu’il crée ou s’attribue, si le » droits acquis s’y trouvent respectés, si les indemnités éventuelles sont versées, ce n’est pas du socialisme proprement dit, bien que l’intention, qui commande ces démarches, soit le plus souvent assez claire quant au but définitif.

Sur les effets immédiats de ces mesures, la parole est aux économistes ; dès lors que la justice y est sauve, l’Eglise laisse aux techniciens et aux experts le soin d’en discuter l’opportunité. L’on peut croire que ces interventions de l’Etat dans le domaine éco nomique gagnent à être plutôt lointaines, encore qu’elles puissent se rapprocher lorsque les entreprises prennent un caractère vniment national. (Voir le Rôle économique de l’Etat, dans le Compte rendu de la Semaine sociale de France, xiv « Session. Strasbourg, 192a. Paris, Gabalda).

Les socialistes eux-mêmes — du moins bon nombre d’entre eux — reconnaissent que la centralisation excessive, que l’étatisme est un régime ruineux. Nous avons déjà enregistré sur ce point leurs aveux explicites. Nous avons dit aussi par quelles dispositions ils croyaient parer à ces inconvénients, tout en réalisant le collectivisme. Leur recette se nomme, nous l’avons vu, la nationalisation industrialisée. Il s’agit de garder les méthodes de l’industrie, tout en fonctionnant au compte de la nation seule propriétaire. Des conseils, formés par des techniciens, des ouvriers et aussi des consommateurs, assureraient le contrôle de chaque entreprise, dotée d’ailleurs de son budget autonome. Ainsi l’on espère échapper aux lenteurs des bureaux, à l’incompétence et à l’irresponsabilité des fonctionnaires.

En réalité, ces conseils directeurs enfermeraient, en leur sein, des intérêts contraires dont aucun ne se confondrait avec celui de l’entreprise. Les représentants des travailleurs, plus directement mêlés à l’affaire, imposeraient pratiquement leur volonté. Il est impossible qu’ils ne soient pas, dans leur ensemble, plus attentifs à leur gain personnel et immédiat qu’aux destinées lointaines et générales de leur industrie. Les prix de vente monteront sans limites avec le taux de la vie. Ou bien l’entreprise, grevée de frais généraux trop lourds, fera appel à la collectivité propriétaire. Mais, si nombre d’affaires, en pareille situation endettée, adressent la même requête, où donc la société trouvera-t-elle les ressources pour y répondre, puisque les citoyens, par ailleurs, n’auront plus de fortune personnelle sur quoi prélever des impôts ?

Ce sont là considérations économiques, qui pourraientet devraient être développées, si elles ne nous entraînaient hors de notre sujet. Revenons-y en nous demandant, après ceséliminations successives, quel est l’élément du socialisme, et comme son résidu, qui pourrait être finalement concilié avec le christianisme.

S’il s’agit de ratifier seulement ces formules assez vagues que l’on donne parfois, nous le signalions au début, pour la définition du socialisme, il y.1 moyen de s’entendre. Veut-on seulement affirmer la nécessité d’une amélioration sociale, travailler à l’accomplir ? Il est superflu de dire que l’Eglise n’a pas d’objection et que même elle a toujours voulu cette œuvre où elle compte de beaux états de service. Elle souscrira donc aux formules où elle retrouvera un écho de sa plainte et de son appel, k condition pourtant que le vague des termes ne dissimule pas les arrière-pensées que nous avons dénoncées.

Répétons-le. Les expressions, dont se servent socialisme et catholicisme, peuvent être parfois identiques, tant qu’elles ne traduisent que la condamnation de l’injustice, la commisération pour le malheur, et la volonté de remédier au mal.

Mais il devra être bien stipulé :

1) Que le but chrétien n’est pas l’égalité totale, chimère qui sacrifie la liberté véritable et même la justice en refusant d’admettre à leur récompense les mentes individuels et de maintenir les droits acquis. Il suffit à l’Eglise de chercher à réduire les différences choquantes et de vouloir assurer le respect égal des droits inégaux.

a) Que la charité chrétienne n’est pas la solidarité socialiste. Celle-ci repose tout entière sur la coin-