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SOCIALISME

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velle force quand l’homme, qui les possède, apparaît comme chef de famille. L’Eglise poursuit ainsi Jusque dans les retranchements, où il s’est replié, un socialisme i(ui, laissant encore à l’individu l’usage de certains biens, se contenterait de menacer 1 héritage.

La nature humaine, dit Lhox X.1II, impose au père de famille le devoir de nourrir et d’entreteuir ses enfants. De plus, comme les enfants reflètent la physionomie de leur père et sont une sorte de prolongement de sa personne, la nature lui inspire de Bepréoeeupei île leur avenir et de leur créer un patrimoine qui les aide à se défendre, dans la périlleuse traversée de la vie, contre toutes les surprises de la mauvaise fortune. Or, il ne pourra leur créer ce patrimoine sans l’acquisb ion et la possession de bi ns permanents et productifs, qu’il pourra leur smettre par voie d’héritage. » (Encyc. Rerum Nitvarum.)

Ces déclarations sont assez formelles pour indiquer la pensée chrétienne sur ce point de la propriété. Constatant dans les Livres Saints que ce droit est admis, sanctionné par i autorité divine, [’Eglise affirme qu’on ne peut, sans errerdans la foi. s uscrin en faux eontre ces témoignages éminem-D -ut qualiiiéa, et nier la légitimité d’un droit aussi b.eu établi.

Reste à savoir ce qui l’onde cette légitimité, ainsi a firmée et garantie. Nous venons d’entendre, à plusieurs reprises, dans les citations précédentes, le Souverain Pontife déelarer que la propriété privée Bgure parmi les « droits naturels ». Comment faut-il entendre et tte exprestiou, el quelle portée convientil de lui attribuer ? Jusqu’à quel point la propriété légitime est-elle aussi nécessaire ?

La nature, dont il est ici question, n’est pas celle qu’une vue théorique, une abstraction, pourrait reconnabre à l’homme, à ne considérer que ses facultés essentielles. C’est la nature réelle, historique, qui doit tenir compte, dans l’exercice de son activité, des is résultant de la chute originelle.

« Depuis que par suite du péché, la terre ne donne

ses fru Is qu’au prix d une lutte énergique avec elle, que le travail est devenu une punition, un sacrifice, une abnégation de soi-même, depuis ce temps, c’est

! < plus petit nombre des hommes, qui prendraient

a sur eux la peine de travailler, si l’espoir d’acquérir et d’augmenter leurs possessions personnelles et la perspective d’employer à leur propre avantage les fruits de leur activité n’étaient pas une impulsion pour eux.

« Comment, avec ce penchant à la paresse, avec

ce ma ique de sentiment de justice, qui rend la plu part des hommes entièrement incapables d’équilibrer Uur^ services réciproques, comment avec cette Jalousie et cette insécurité, avec ce désir ardent de vivre aux dépens d’autrui et de limiter les sacrifices que le devoir leur impose envers la totalité, un seul jour pourrait-il se passer sans discussion, sans guerre, sans rapine, sans tromperie, si tous avaient lit de prétendre à t’uit ? » (W kiss, institutions de . cité par Albert Valrnsin-, Traité df u-ri Editions Spes, t. II, p. /|6).

C’est donc la nature historique, dans l’état où l’a laissée la faute, qui fonde la légitimité de la propriété, par le fait même qu’elle la rend pratiquement ire.

Mas cette injonction de la nature, comment la connaissons-nous ? Il n’y a pas là une exigence si claire et si immédiate qu’elle s’impose par son évidence première. Nous sommes obligés de passer par un examen el par un raisonnement. Nous constatons le fait de l’incapacité humaine à travailler avec

une énergie paisible sais le ressort de la propriété privée. La raison, frappée de ce désordre, en trouve l’explication dernière, grâce à la foi qui la renseigne par le d igme de La chute. Il y a donc là tout un travail de l’esprit, ce n’est pas une donnée immédiate.

« Nous ne prouvons pas, eu d’autres termes, que le

droit depropriété privée soit naturel au sens strict. » (VALli.NSl.V, ioc. cit.).

Encore semble-t-il bien y avoir « les degrés dans cette démonstration. L’exigence de la nature parait plus directe, plus facilement découverte, quand il s’agit de biens mobilers, de ces ressources personnelles et stables dont l’homme a besoin pour mener une existence indépendante, qui sont le fruit de son travail.

Quant aux biens immobiliers, la terre en particulier, la propriété en est naturelle encore. Mais, pour mieux discerner la nécessité de cette appropriation, leraisoiincinenl s’appuie volontierssur bi sagi-sse des siècles, sur tout cet ensemble d’expériences que la philosophie chrétienne appelle le jus gentium, le droit des gens. Peut-être Léon XIII a- t-il indiqué, au inoins implicitement, cette gradation par la façon dont il s exprime. Quand il traite de la répartition du sol, il écril :

« C’est donc avec raison que l’universalité du

genre humain, sans s’émouvoir des opinionscontraires d’un petit groupe, reconnaît, en considérant attentivement la nature, que. dans ses lois réside le premier fondement de la répartition des biens et des propriétés privées. C’est avec raison que la coutume de tous les siècles a sanctionné une situation conforme à la nature de l’homme et à la vie calme et paisible des sociétés. » (Léo* XIII, Encyc. Rerum novarum). Le même Souverain Pontife avait dit, de façon plus absolue, quand il ne s’agissait pas de la terre, « posséder les choses comme siennes, et en propre est un droit donné à l’homme par la nature. » (Encyc. Quad Apostolicî).

(V. sur ce point Vbhmbbhsch, Quæstiones de Justifia Paris, Lethielleux, pp. a^o et s65.)

En ce qui concerne l’héritage, la nature apporte, sur ce point encore, des exigenees qu’il faut reconnaître Et les titres en sont établis, avec la même gradation que pour la propriété personnelle, suivant qu’il s’agit de biens immobiliers ou mobiliers.

S’il en était autrement, ne voil-on pas que les argumentsen faveur de cette propriété privée seraient, par à même, énervés ? L’homme, sachant que son avoir sera confisqué à >a mort, ne sera guère encouragé au travail. Privé du droit de contribuer à la sécurité fuiure de ceux qui sont comme « un prolongement de sa personne », il perdra aussi le meilleur stimulant de son effort.

Et. en pratique, le collectivisme serait établi. La société, par ces spoliations périodiques, s’assurerait le monopole des moyens de production. Et le maigre pécule que les citoyens, privés de ressources initiales, pourraient amasser leur vie durant, ne saurait, avant de faire retour à l’Etat, être un instrument de valeur entre leurs mains. Au reste, cette épargne serait, dans la piupart des cas, privée de rendement sérieux et utile, par la volonté de ses possesseurs. Même elle n’existerait guère. Plutôt que de la laisser inlace ou placée dans une entreprise durable, ses propriétaires se hâteraient de dépenser, pour leur bien-être ou leur fantaisie, leurs gains toujours menacés par une société avide.

Le droit de propriété n’est donc efficace qu’en se complétant par le droit de testament. Tout ce que nous venons de dire semble bien indiquer que la nature donne cette faculté au possesseur actuel, qui pourra disposer de son bien pour l’heure où il ne