Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/724

Cette page n’a pas encore été corrigée

1435

SOCIALISME

1436

commander, ils [les socialistes] prêchent l’égalité absolue de tous les hommes dans les droits et les devoirs. Ils déshoiiorentl’union naturelle de l’homme et de la femme, sacrée chez les nations même barbares, et les nœuds du mariage, qui sont le principal lien de la société domestique, ils les relâchent et les abandonnent à la passion. »

Par cette subversion des sociétés civile et domestique, le désaccord entre le catholicisme et le socialisme apparaît déjà profond. Ce sont deux conceptions de la vie qui s’opposent, au point de vue de l’existence d’ici-bas comme de la destinée future. L’Eglise catholique allirme que la seule société normale est hiérarchisée sous une autorité, qui est d’ailleurs une charge des titulaires, voués ainsi au service spécial du bien commun. Elle professe que les individus trouvent dans les cadres naturels, et, en premier lieu, dans la famille, un appui nécessaire, que les liens sociaux, sous la forme des responsabilités, soutiennent, fût-ce au prix d’une gêne. Autant d’assertions violemment rejetées par icialistes, qui ne reconnaissent que la solidarité de classe.

Par contre, ceux-ci admettent comme des axiomes, à la suite de Karl Marx, toutes les données du « matérialisme historique » et ses fatalités. Les conditions économiques, à les en croire, s’imposent si fort à la liberté humaine qu’en pratique elles la suppriment et règlent mécaniquement les institutions et les mœurs. Ei le résultat île ce processus serait la lutte des classes, présentée comme inévitable, parfois exaltée comme moralisante. L’Eglise, qui veut la paix entre les hommes, ne saurait accepter ces prétendues nécessités de la haine. Contre ces conflits sociaux, elle maintient sa protestation.

  • L’erreur capitale dans la question présente,

c’est de croire que les deux elasses sont ennemiesnées l’une de l’autre, comme si la natureavait armé les riches et les pauvres pour qu’ils se combattent mutuellement dans un duel obstiné. C’est là une allirmation à ce point déraisonnable et fausse, que la vérité se trouve dans une doctrine absolument opposée. » (Léon XIII, Encyc. Rerum Novarum, 16 mai 1891).

Ce côté fatal et pessimiste du collectivisme ne saurait donc se concilier avec l’Evangile. Mais il faut ajouter que l’aspect plus lointain ou pus foncier du socialisme, ses vues faussement optimistes, ne peuvent davantage concorder avec l’enseignement catholique.

Nous avons vu que cet optimisme compte sur le progrès, dans une évolution spontanée, où la science, d’une part, l’instinct de solidarité, de 1 autre, suffisent à garantir la marche vers la justice égali taire. L’Eglise sait.au contraire, que l’orgueil est un mauvais guide, qu’au surplus les principaux obstacles ne se trouvent pas toujours à l’extérieur. Elle sait qu’à l’intime des âmes se logent les cgi.ïsmes, fruits de la faute originelle, et que, pour les combattre, le socialisme a rejeté toutes les armes eliicaces, tandis que son matérialisme leur apporte d’activés complicités.

Soit ! dirn-t-on. Mais la doctrine qui, dans ce tableau, fait figure pleinement hétérodoxe, comporte des traits définis qui la caractérisent. Au vrai, c’est Surtout le marxisme avec son dogme du matéria lisme historique. Mais toutes Les théories, étiquetées socialistes, n’ont point cete physionomie f irouche. Toutes ne font point profession ouverte d’athéisme, toutes n’apportent pas des exigences tellement égalitaires qu’elles ne puissent se plier à une autorité et laisser debout les foyers. Toutes non plus n’ont Bas, au moins consciemment, l’illusion d’un pro grès indéfini, spontané, tout humain. Avec des thèses socialistes, peut-être illogiques, peut-être oublieuses de’leur véritable origine, mais eutin moins radicales dans leurs conclusions, la doctrine catholique ne peut-elle voisiner en paix ?

Il faut répondre qu’en France tout au moins le marxisme ou collectivisme a si bien pénétré les esprits qu’il a pratiquement une sorte de monopole. Il n’en fut pas toujours ainsi. Au milieu du siècle dernier, plusieurs socialistes, en 1 848, allii-maient encore leur croyance en Dieu. Aujourd’hui, les divers tenants du socialisme discutent, et parfois àpremeiit, sur des questions de méthodes, de personnes. Sur les principes, ils sont d’accord. Et sauf à l’état isolé, sauf dans le cas d’ignorances préservatrices de la bonne foi, l’on ne saurait guère rencontrer un socialisme édulcoré. Mais enfin, s’il existait, dans la mesure où il existe, ce socialisme mitigé, faudrait-il le déclarer encore incompatible avec la doctrine catholique, encore condamné par les documents pontificaux dont nous avons parlé ?

Pour le savoir, il importe aussi de connaître son attitude vis-à-vis du droit de propriété. Or, s’il s’agit d’un socialisme authentique, il ne peut faire moins que nier pareil droit. Cette négation est comme le mol de passe qui donne l’entrée dans la demeure socialiste, aux appartements multiples et divers. Jusqu. là l’on a pu errer dans les parages, venir jusqu’à la porte, mais on n’est pas de la maison .

L’Eglise se déclare, au contraire, pour la défense de ce droit. Non qu’elle se fasse, comme le veulent les calomnies, la servante du capitalisme, qu’elle flétrit, n’y voyant qu’un abus du capital, mais elle est la gardienne d’une prérogative légitime ou même nécessaire de la nature humaine. Elle ne saurait donc admettre la théorie qui déclare ce droit illusoire ou néfaste. Il faut aller plus loin. L’Eglise catholique ne peut accepter non plus les systèmes qui, tout en maintenant la propriété privée, comme un fait, prétendent que son titre unique lui vient de la loi positive, n’est qu’une concession, plus < u moins provisoire, de la société civile. S’il n’y a point là socialisme explicite, il est pourtant en germe, puisqu’alors l’Etat serait autorisé à reprendre, des qu’il le juge opportun, ce qu’il aurait donné lui-même.

Ecoulons quelques déclarations qui s’opposent à toutes ces erreurs. « Séduits enfin par la cupidité des biens présents, qui est la racine de tous les maux et dont l’attrait a fait dévier quelques-uns de la foi, ils [les socialistes] attaquent le droit de propriété, fondé sur la loi naturelle ; et, par un forfait énorme, sous prétexte de pourvoir aux besoins et de satisfaire aux désirs de tous les hommes, ils travaillent à ravir et à mettre encommuu tous les biens acquis ou à titre le légitime hérédité, ou par le travail intellectuel et manuel, ou par l’épargne. » (L) on XIII, Encyc. Qtiud Apostoici.)

Et encore :

« Par tout ce que nous venons dire, on comprend

que la théorie socialiste de la propriété collective soit absolument à répudier, comme préjudiciable à ceux-là mêmes qu’on veut secourir, contraire aux droits naturels des individus, comme dénaturant les fonctions de l’Etat et troublant la tranquillité publique. Qu’il reste donc bien établi que le premier fondement à poser par tous ceux qui veulent sincèrement le bien du peuple, c’est l’inviolabilité de la propriété privée. » (Lkon XII ! , Encyc. Rerum A’ovaru m.)

Cette propriété privée n’est pas seulement un droit strictement personnel. Les titres prennent une nou-